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À Nice, l’Amine Gouiri des mauvais jours
L’OGC Nice réalise un début de saison médiocre en Ligue 1 (deux nuls et une défaite) et se trouve dos au mur en Ligue Europa Conférence, après sa défaite sur le terrain du Maccabi Tel-Aviv. C’est dans ces moment-là qu’un club doit pouvoir se reposer sur un leader offensif, capable de faire la différence et d’être décisif. Problème, Amine Gouiri n’a plus trouvé le chemin des filets depuis le 23 janvier en championnat, le 1er mars toutes compétitions confondues. Mais comment le serial buteur en est-il arrivé à une période de disette aussi longue ?
Il y a sept mois, la France du football s’emballait pour Amine Gouiri. Et il faut dire qu’il y avait de quoi. En janvier, l’international espoir (21 sélections, 10 buts) affolait les compteurs et compilait dix buts et sept passes décisives en championnat. Du très lourd qui, pensait-on, pouvait le faire toquer à la porte de l’équipe de France. Une demi-année plus tard et avec seulement deux petits buts sous les couleurs niçoises en Coupe de France face à Marseille et Versailles, ce temps paraît bien loin. Dimanche dernier face à Clermont, il a failli conjurer le sort. À l’affût d’une frappe contrée, AG11 s’est retrouvé seul face à Diaw, mais sa frappe du gauche s’est écrasée sur le poteau du portier clermontois. Et s’il fallait un énième indice indiquant que le vent a tourné, les Aiglons ont encaissé trois minutes plus tard un but qu’ils n’ont jamais rattrapé. Son dernier but en Ligue 1 était lui-même un signe annonciateur du fil étroit sur lequel il tenait. C’était sur le terrain de Metz, à Saint-Symphorien. Sa panenka est mal exécutée, et Marc-Aurèle Caillard, pourtant au sol, touche le ballon qui franchit difficilement la ligne de but. Christophe Galtier l’avait mis en garde en conférence d’après-match. « Amine est encore une fois décisif, c’est très bien pour lui et pour l’équipe. Sa panenka ? Je pense, et je ne lui ai pas encore dit, mais il va l’apprendre que sur un terrain comme ça, c’est très risqué. Et c’est passé limite. » Depuis ? Plus rien n’est passé.
À droite, à gauche, mais surtout pas au milieu
Cette période de disette, le nouveau technicien du PSG est le premier à en avoir endossé la responsabilité. À partir de mars, il déloge son joueur, alors dans l’axe de l’attaque, pour le balader tantôt à gauche, tantôt à droite. Fini l’association avec le tonton du bled Andy Delort, Christophe Galtier passe l’arme à gauche, dans le couloir d’un 4-4-2. « Amine ne traverse pas une crise de confiance, mais est plutôt en manque de repère, posait Galette en mai dernier. Évidemment, c’est lié à ce que j’ai voulu mettre en place en ayant quatre vrais offensifs. J’étais convaincu qu’Amine pouvait jouer sur le côté gauche dans mon animation. J’ai insisté et peut-être que son manque d’expérience a fait qu’il n’y a pas eu l’échange pour dire :« Coach, je ne suis pas à l’aise, je suis focalisé sur l’aspect défensif, je suis loin du but, je n’ai pas mes repères. »Ça l’a déréglé. » Une prise de conscience trop tardive, la semaine de la finale de la Coupe de France. Résultat ? Amine Gouiri a traversé la deuxième partie de saison comme un fantôme, s’écroulant en même temps que son équipe au classement et impuissant face au sacre des Canaris en Coupe de France.
L’arrivée de Lucien Favre et de son 4-3-3 n’a pas vraiment changé le problème, le Suisse l’aligne à gauche lors du premier match de la saison face à Toulouse, sans plus de succès que son prédécesseur. « Amine joue sur le côté gauche en 4-3-3 avec l’équipe de France (espoir). Ce n’est pas pour rien que le sélectionneur le met là, s’est défendu le nouveau technicien avant de reconnaître à demi-mot son erreur. Cependant, je pense qu’actuellement, il serait plus efficace dans l’axe. Sur le côté, il faut de la vitesse, de la puissance, de la percussion pour déstabiliser les défenses adverses. » Alors Favre le positionne en numéro dix le match suivant, où il délivre une passe décisive. Et pour brouiller encore un peu plus les esprits, c’est central que Gouiri joue le match suivant, face à Clermont.
Aiglon analysé puis capturé
Mais résumer le mutisme total d’Amine Gouiri à son exil forcé de l’axe du terrain reviendrait à l’exclure de toute part de responsabilité : même calé à gauche, un attaquant de sa trempe devrait quand même être décisif. Avec 83 matchs de Ligue 1 au compteur, son visage et ses mouvements commencent à être connus par les vieux briscards de ce championnat. Alors le buteur formé à l’OL doit diversifier son jeu et élargir sa palette, comme son ancien entraîneur Adrian Ursea le suggérait il y a un an. « Aujourd’hui, il est à un premier tournant, car les adversaires commencent à mieux le connaître. Ils vont détecter ses points faibles et réussir à le bloquer. Il faut donc qu’il continue à travailler pour compléter son profil. Lorsque j’étais encore au club, on commençait déjà à remarquer que les adversaires l’attendaient à l’intérieur, se souvient l’entraîneur helvético-roumain. Il doit trouver un peu plus de variété dans ses dribbles en un contre un et travailler son pied gauche. Lorsqu’il va acquérir cela, il sera encore plus redoutable. Pareil pour son jeu de tête, où il peut encore progresser, et son approche mentale. »
Ça n’a rien d’un secret de polichinelle, un goleador est comme un albatros sur la terre ferme. Alors mentalement, c’est la galère. « C’est sûr que dans ces moments-là, ça cogite, on perd confiance. On ne fait pas le geste juste, on fait des mauvais choix et ça peut devenir compliqué, témoignait Stéphane Guivarc’h à propos de sa Coupe du monde 1998, avant de promettre que tout peut très vite évoluer. Entre deux matchs, tout peut changer, il n’y a pas de vérité, et c’est ce qui fait le sel du métier. Parfois, à l’entraînement, tu ne mets pas un pied devant l’autre et le week-end, tu marques un doublé. » Un optimisme partagé par Lucien Favre, la veille du barrage retour face au Maccabi Tel-Aviv. « Il a un passage difficile, ça arrive chez tous les joueurs, ça peut durer 6-8 mois et ça repart d’un coup. J’espère qu’il retrouvera sa forme rapidement. » Jeudi soir, ça soulagerait forcément l’attaquant, mais surtout tout un club déjà sous pression.
Par Alexandre Le Bris