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À Burnley, Maxwel Cornet est redevenu lui-même
Tantôt coqueluche, tantôt tête de turc des supporters de l'Olympique Lyonnais, Maxwel Cornet a mis fin à une aventure de six ans cet été pour partir direction Burnley. Un choix qui a pu interroger, mais qui semble finalement judicieux. Meilleur buteur de son équipe, l'Ivoirien prend un plaisir fou à retrouver ce poste d'attaquant qui lui manquait tant. Surprenant ? Pas vraiment.
12 juin 2021, Cape Coast, Ghana. Sélectionné par Patrice Beaumelle pour représenter la Côte d’Ivoire, Maxwel Cornet n’apparaît pas sur la feuille de match. La raison : une indélicatesse au talon d’Achille, mais pas que. « Pour ce match, je voulais l’utiliser plus haut sur le terrain, resitue le sélectionneur des Éléphants. Il m’a dit« Coach, ça fait des mois que je joue comme piston, je n’ai plus les repères ». Il appréhendait de jouer plus haut. Un footballeur, c’est comme un tennisman ou un joueur de pétanque, il a besoin de repères ou de sensations. » Quatre mois plus tard, l’inquiétude a été remplacée par l’allégresse de faire trembler les filets. Transféré le 29 août à Burnley, l’ancien lyonnais a déjà fait chavirer Turf Moor à plusieurs reprises. Mieux, avec trois pions en Premier League, il a marqué 43% des buts de son équipe. Seuls Jamie Vardy (47%) et Heung-min Son (44%) font mieux dans leurs écuries respectives.
Reculer pour mieux marquer
Serge Costa, son analyste vidéo jusqu’en octobre, résume la situation : « C’est comme s’il démarrait une nouvelle carrière, de nouveau ailier en Angleterre, la vie est belle ! » C’est bien simple : avec Burnley il a démarré l’intégralité de ses six matches en attaque. Soit autant que durant toute la saison 2020-2021 à l’Olympique Lyonnais. Un maigre total qu’il arrivait souvent à faire fructifier (deux buts et deux passes décisives). Logique, l’Ivoirien de 25 ans a éclaboussé de son talent offensif toutes les équipes de jeunes de Metz et de France avant d’être recruté par l’OL pour apporter sa vitesse devant en fin de match. Systématiquement associé à un attaquant ou installé sur le côté sous Bruno Genesio et Sylvinho, le destin de Maxwel Cornet bascule radicalement à l’arrivée de Rudi Garcia. Fort d’avoir repositionné Bouna Sarr comme latéral à Marseille, l’entraîneur retente le coup.
« Il avait une certaine frustration, explique Beaumelle au sujet de ce replacement. Le plus important pour lui c’était de jouer, peu importe le poste. Mais au fond de lui, il voulait jouer offensivement sans se poser la question de ce qu’il se passe dans son dos. » Au lieu de cela, Cornet glisse doucement vers le rôle de latéral gauche jusqu’à s’imposer comme piston dans une défense à trois. « S’il avait voulu jouer ailier et exploser la concurrence, il aurait fallu faire plus, avance Costa.Mais Maxwel a accepté, il a été bonne patte. » De là à dire qu’il a été sous-exploité, voire berné ? « Si on regarde au micro, je dis oui, enchaîne son ex-analyste vidéo. Mais au niveau macro, avec Aouar, Toko-Ekambi, Kadewere, Memphis… Il a été exploité de façon à obtenir toute la quintessence de l’effectif. C’était la chose la plus ingénieuse et naturelle pour associer ces talents ensemble. Le choix de Rudi Garcia était trop malin, donc je dirais au contraire qu’il était plutôt bien exploité. » Le sélectionneur français de la Côte d’Ivoire abonde : « Moi-même lorsque j’ai pris mes fonctions en mars 2020, je voulais l’utiliser comme ça pour apporter du surnombre, attaquer à quatre. Peut-être que certains n’étaient pas satisfaits de son rendement, mais ça l’a remis en question sur ses fonctions et lui a ouvert de nouvelles portes. »
Oxygène, bouchon lyonnais et Uno
En quittant Lyon à l’été 2021, Maxwel Cornet pousse la remise en question au maximum en choisissant un nouveau championnat plutôt que sa zone de confort. Les objectifs sont multiples : changer d’air, déjà, performer contre de grosses écuries chaque week-end, ensuite et retrouver de la stabilité à un poste offensif, enfin. « Enchaîner les matchs où il se sent le mieux, c’était dans sa réflexion, précise Beaumelle. J’ai des images de lui contre Sochaux où il se retrouvait comme deuxième attaquant dans l’axe et c’était difficile pour lui de passer de piston à ça. Ça a été une bouffée d’oxygène de partir à Burnley ». Pour autant, il ne repart pas bredouille de son passage entre Rhône et Saône. Le ventre sans doute rempli de spécialités des bouchons lyonnais, et le jeu transfiguré. « Être latéral gauche l’a fait grandir, mûrir. Il n’a pas perdu de temps parce qu’il a compris comment les ailiers bougent et les défenses réagissent. »
L’analyse de Serge Costa est d’autant plus valable que le contexte du terrain a complètement changé pour Cornet. Avec l’Olympique lyonnais, il évoluait dans un contexte dominateur où certains matchs étaient presque assez tranquilles défensivement pour faire une partie de Uno avec Anthony Lopes. Burnley est davantage une équipe qui subit le jeu (en 2020-2021, l’OL avait 54.9% de possession en moyenne, contre 41.7% pour Burnley), mais il ne faudra pas buller en attaque. Costa reprend : « Avoir joué latéral gauche va l’aider parce qu’il va jouer souvent bas. Les retours défensifs, le contrepressing, il maîtrise. Ensuite, il faudra du pragmatisme. Il n’aura pas quarante occasions mais plutôt deux par matchs, et il faudra les créer. Il ne faudra pas gâcher et écrire l’histoire sur le terrain. » Pour l’instant, le contrat est rempli. En quatre matchs, il a marqué sur trois de ses sept tentatives. Une adaptation express simple à expliquer pour l’actuel adjoint de Luka Elsner au Standard de Liège : « C’est comme s’il avait été sevré de face à face, de centres en zone préférentielle, de rupture avec ballon. Il y a un mix entre de l’enthousiasme et de la justesse parce que ce plaisir de jouer en attaque lui manquait. »
Maxwel house
Enthousiaste, le sélectionneur de la Côte d’Ivoire l’est aussi : « Le fait d’avoir joué piston lui a ouvert de nouvelles perspectives. Il n’a pas perdu ses qualités de joueur offensif mais il a plusieurs cordes à son arc. C’est un joueur de vitesse et d’espaces qui aime le défi physique et l’agressivité depuis qu’il a joué défenseur. Ce sont toutes les qualités requises pour la Premier League. » Avant d’apposer toutefois un bémol : « Pour moi ce n’est pas un attaquant à deux dans un 4-4-2. C’est un joueur de côté qui a une grosse capacité de répétition des courses, une bonne vision du jeu, et qui vient fermer lorsque le ballon est à l’opposé pour se projeter dans la surface. Je le considère comme un excentré gauche ». Question : que manque-t-il alors à Maxwel Cornet pour devenir l’attaquant qu’il a toujours ambitionné d’être ? « Il doit améliorer son efficacité dans le dernier geste. Les meilleurs ont une obsession à ce niveau-là. Salah vit pour ça et reproduit une spéciale qui cartonne dix fois par an. Maxwel, c’est un gars pour qui gagner passe avant le beau geste. Mais s’il veut franchir un cap, ça passe par là. »
Dans un premier temps, l’Ivoirien gravit les échelons un par un. Transfert le plus cher de l’histoire de Burnley pour 15 millions d’euros, il essaie de se rendre indispensable sur le terrain pour continuer sa progression verticale. Avantage, il évolue dans un terreau plus fertile qu’à l’OL, où la confiance en lui s’amenuisait avec le temps. Inconvénient, il ne doit pas se reposer sur ses acquis.« Quand ça marche bien, Maxwel a tendance à être un peu relax, alors que certains garçons ne le sont jamais, sourit Costa. Il a bien démarré, maintenant il faut le faire dans la durée. Burnley, c’est une scène d’expression pour montrer de quoi il est capable. Il faut faire en sorte que ce soit un tremplin ». Et cette fois-ci, il ne sera pas pistonné par Rudi Garcia.
Par Emile Gillet
Propos recueillis par EG