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2010-2011 : l’année où Dimitri Payet voulait signer au PSG
Acteur majeur des Classiques OM-PSG depuis plusieurs années sur comme en dehors des terrains, Dimitri Payet n’a pas toujours été en guerre avec le club de la capitale. Il y a dix ans, alors à Saint-Étienne, il faisait même des pieds et des mains pour rejoindre le PSG pré-QSI.
C’est à guichets fermés que le Paris Saint-Germain viendra défier l’OM, ce dimanche pour l’un des matchs qu’il ne faut pas manquer en Ligue 1. Un rendez-vous qui n’a pas besoin d’être délocalisé en Chine pour déchaîner les passions, et Dimitri Payet le sait. Avec les débordements trop récurrents dans les stades français depuis le début de saison – il en fut d’ailleurs victime à Nice -, le meneur de jeu olympien n’a cette fois pas tenté de faire monter de quelques volts une atmosphère déjà bien électrique. Pas de montage avec Neymar représenté en chien dans les bras d’Álvaro, pas de pique, pas même de chambrage en règle qui font pourtant le sel de ces matchs-là.
À la place, au sortir de l’ultime répétition nationale face à Lorient au Vél’, Payet appelait même les fans de l’OM au calme. Dimitri le sait : le climat actuel n’est pas propice aux enfantillages qui pourraient jeter de l’huile sur le feu. « Même si c’est Paris la semaine prochaine, même si c’est d’autres adversaires, il faudra faire en sorte que la fête soit en tribunes et qu’elle ne dégénère pas. » De sages paroles qui rappellent aussi qu’aujourd’hui, Payet a 34 berges au compteur. Cela a de quoi étonner, mais depuis 2013 et son arrivée sur la Canebière, le Réunionnais n’a d’ailleurs jamais inscrit le moindre but dans un OM-PSG en Ligue 1. Lors de la 100e entre les deux clubs, au Vélodrome en février dernier, le numéro 10 marseillais était même passé à côté de son match avec un carton rouge en prime. Il fait tellement partie du décor qu’on en oublierait presque alors que « Dim » aurait pu se retrouver à jouer ce genre de match dans le camp d’en face, avec le maillot de Paris sur les épaules.
Paris veut mettre des Payet dans sa vie
Lorsque la saison 2010-2011 du championnat de France débute, Payet a 24 ans et entame déjà sa quatrième année à Saint-Étienne. C’est par un déplacement au Parc des Princes, devant à peine plus de 20 000 spectateurs, que les Verts lancent leur marathon par une défaite (3-1). Ce soir-là, pourtant, Dimitri Payet était parvenu à enrhumer Zoumana Camara et Grégory Coupet pour permettre à la troupe de Christophe Galtier de revenir au score. Le numéro 7 de l’ASSE ne le sait pas encore, mais sa première partie de championnat s’annonce délicieuse : trois semaines plus tard face à Lens (3-1), il inscrit l’unique triplé de sa carrière. Le 9 octobre, Laurent Blanc l’appelle chez les Bleus, et Payet signe deux passes décisives pour ses deux premières sélections face à la Roumanie et au Luxembourg. À la trêve, Saint-Étienne est sixième du championnat, et Payet, lui, a déjà marqué les esprits, ainsi que huit buts en Ligue 1.
C’est simple : après l’été morose qu’a connu le foot français avec Knysna, il est l’une des attractions françaises du moment. Cela tombe bien, car au mercato d’hiver, le Paris Saint-Germain s’apprête à perdre Stéphane Sessègnon. Après un clash avec la direction parisienne, l’ancien Manceau finira par s’envoler pour la Premier League et Sunderland contre un chèque de 7 millions d’euros. Antoine Kombouaré, le coach parisien, a un nom en tête pour remplacer l’international béninois : Dimitri Payet. Directeur sportif du PSG à l’époque, Alain Roche se souvient : « On avait eu des discussions dès le mois de janvier, mais elles se sont avérées longues : on avait rencontré son frère, son agent, on avait eu Dimitri plusieurs fois au téléphone pour connaître son intérêt pour le PSG… » Verdict ? Payet a très envie de venir à Paris. Saint-Étienne, de son côté, n’a pas la volonté de perdre son maître à jouer en milieu de saison. Le bras de fer peut commencer.
Bonne année, et surtout la Sainté !
Dix ans plus tard, Alain Roche n’a pas oublié une miette du feuilleton qui anime l’hiver du club parisien. Les dirigeants qataris n’ont pas encore pris la main sur le club (ce n’est qu’une question de temps), et un sou est un sou pour l’équipe dirigeante des Rouge et Bleu. « On n’avait pas trop de moyens à l’époque, rigole-t-il aujourd’hui. Quand on parlait de 4 millions d’euros déjà, pour nous c’était une grosse somme d’argent par rapport au PSG d’aujourd’hui. » Reste que pour Payet – et avec une partie du transfert de Sessègnon – Paris est prêt à casser sa tirelire et offre entre 7 et 8 millions d’euros à Sainté pour son joyau. Le joueur voit à son tour que les choses traînent et décide alors de boycotter les entraînements, comme Sessègnon avant lui, dans l’espoir que le transfert se fasse. À l’époque, son agent Jacques-Olivier Auguste explique à qui veut l’entendre que dans le Forez, Payet « n’a pas été revalorisé depuis un an et demi », qu’il est « le 8e salaire du club ». Le 31 janvier, Payet et son agent déboulent gare de Lyon pour ce qui ressemble à un baroud d’honneur. Comme le relate alors Le Parisien, la jeune pépite espère ainsi faire bouger les choses pour rejoindre Paris… ou Chelsea.
Il n’en sera finalement rien, et le soir même, le voilà dans le train pour rentrer à Saint-Étienne. Au téléphone, selon les dires de son agent, il est même « menacé de mort ». « S’ils (Saint-Étienne) peuvent s’asseoir sur 7 ou 8 millions d’euros, c’est bien. Connaissant Dimitri, il ne reviendra pas dans les meilleures dispositions. Il ne faut pas croire qu’il reviendra avec une bouteille de champagne à la main », tonnait à l’époque Jacques-Olivier Auguste. Bernard Caïazzo n’en a que faire : sportivement, il a gagné son pari de faire rester Payet jusqu’à la fin de la saison. Paris, au contraire, se retrouve sans Payet et surtout sans remplaçant de Ludovic Giuly à la suite du départ de Sessègnon. Après coup, Roche est « déçu », mais regrette surtout l’attitude du dirigeant stéphanois et plus largement la façon dont se sont déroulés les événements. « Bernard(Caïazzo)nous avait déjà fait le coup avec Papus Camara en 2007, explique l’ancien directeur sportif parisien. Il disait dans la presse à l’époque être« consterné que le PSG contacte le joueur directement ». Quand il fait ce genre de sortie, c’est du populisme. C’était pour donner l’image de Sainté qui tient tête au club de la capitale. On n’a jamais poussé Dimitri à aller au bras de fer pour venir chez nous. »
« Club de cœur, club de cœur… »
Malgré cet échec hivernal, le PSG n’a pas totalement renoncé à faire venir Payet. Le 17 avril 2011, en marge d’un PSG-OL du dimanche soir (1-0) où le Réunionnais est aperçu dans la corbeille du Parc, la tension entre les deux clubs refait surface. Le club parisien est même obligé de faire un communiqué sur son site officiel pour démentir avoir invité personnellement Payet. « La presse avait dit qu’on avait invité Dimitri Payet au Parc des Princes pour le rencontrer, mais c’est faux !, jure Roche. Ce sont vraiment des choses qu’il ne faut pas faire dans un club aussi médiatique que le Paris Saint-Germain. En plus, on l’avait eu plusieurs fois au téléphone au mois de janvier, ce n’était pas nécessaire de se revoir et surtout pas dans ces conditions-là. » La fin de saison se profile enfin, le PSG pense alors pouvoir boucler l’affaire avant le début de l’été. Sauf qu’un acteur, et pas n’importe lequel, va entrer dans la danse : le LOSC, tout juste sacré champion de France. « On était tombés d’accord à l’hiver avec Dimitri sur le salaire, mais Lille a surenchéri et nous ne pouvions pas suivre, regrette l’ancien défenseur parisien. Le LOSC avait fait de gros efforts financiers pour enrôler Dimitri, et sportivement derrière, on ne peut pas dire que Payet se soit trompé en y allant ! »
Le 28 juin 2011, Dimitri Payet rallie effectivement le Nord pour y signer un contrat de quatre ans. Le transfert se conclut autour de 10 millions d’euros. Pour expliquer ce changement de cap, outre un meilleur salaire, la perspective de jouer la C1 tout en ne partant pas à l’étranger à un an de l’Euro, Payet se livre dans L’Équipe et explique que « tout le monde sait que Paris est[son]club de cœur ». « Kombouaré me voulait, mais le problème, c’est qu’il fallait attendre que la reprise du club soit officialisée, que Leonardo arrive, pour être sûr », déroulait le milieu offensif. Un dernier point qui a fait capoter l’opération comme l’a reconfirmé son agent l’an dernier au cours d’une interview pour Téléfoot : « Le 27 juin 2011, on discute avec Alain Roche. Il nous dit qu’il n’allait plus être directeur sportif à partir du 30 juin et que ça allait être Leonardo.(…)À partir du moment où le directeur sportif actuel le voulait, mais qu’il n’était là que pour trois jours et qu’on n’avait pas de nouvelles du nouveau directeur sportif… »
Plus de dix ans plus tard, alors que Paris empile les trophées nationaux les uns après les autres, Dimitri Payet entend toujours des railleries sur le fait de n’avoir toujours pas trouvé de quoi remplir son armoire personnelle. Ce qui ne l’a pas empêché de devenir un joueur de tout premier plan à l’OM, de mettre West Ham et l’Angleterre à ses pieds (en 2015-2016) au point d’être nommé au Ballon d’or, de disputer l’Euro 2016 en France et surtout de s’imposer comme un cadre du club olympien depuis plusieurs saisons maintenant. Une manière pour lui aussi de montrer que Paris n’était qu’un amour d’adolescent qui n’avait pas vocation à muer en idylle passionnelle. Mais comme les mots restent, Payet fut relancé sur ses propos, en 2013 lors de sa signature à l’Olympique de Marseille. Il avait tenté de tempérer la chose plus ou moins habilement : « Club de cœur, club de cœur… Quand j’ai fait cette déclaration, je jouais à Saint-Étienne et le PSG m’offrait la perspective d’une progression sportive. Après, on oppose souvent le PSG à l’OM. Moi, je constate que Marseille a su accueillir d’anciens joueurs du PSG. En ce qui me concerne, c’est encore plus simple, je n’ai jamais joué à Paris. » Une défense qui rappelle avant tout à quel point là où Payet est le plus à l’aise, c’est dans les vingt derniers mètres adverses.
Par Andrea Chazy
Propos de Roche recueillis par AC.