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Luque : « La France a plus de potentiel que celle de Platini »
Buteur en 1978 lors du dernier Argentine-France disputé dans le cadre d’un Mondial, Leopoldo Jacinto Luque revient sur la sélection sud-américaine tout en se prêtant au jeu des comparaisons entre la France de Platini et celle de Didier Deschamps. Au risque de surprendre.
Quel regard portez-vous sur l’Argentine avant ce huitième de finale contre la France ?Face au Nigeria, l’Argentine a donné une meilleure image que lors de ses deux premiers matchs. C’est encore insatisfaisant, mais c’est déjà beaucoup mieux comparé avec ce qu’elle avait montré face à l’Islande ou la Croatie. Le problème, c’est qu’elle joue plus avec le cœur qu’avec le ballon… S’ils continuent à afficher ce niveau de sacrifice, c’est très bien.
Mais il faudra montrer autre chose niveau technique contre la France. C’est l’une des favorites de la compétition, une grande nation du football. Bref, c’est autre chose que l’Islande ou le Nigeria. Il va falloir que l’Argentine hausse son niveau de jeu, qu’elle soit bien compacte. On a beaucoup de joueurs d’expérience, s’ils multiplient les courses, ça va être compliqué… Il ne faut pas qu’on revienne à cette défense à trois. Contre la France, on ne pourra pas se permettre des fantaisies de ce genre-là.
Messi peut-il enfin sortir de sa boîte contre la France ?En sélection, Messi a toujours été supérieur à ses coéquipiers. Ce sont eux qui, bien souvent, ne suivent pas son rythme. Si Messi n’est pas là, on dirait que l’Argentine ne peut pas se procurer d’actions de but.
C’est très bien que Sampaoli confie les rênes de l’équipe à Leo, mais quand il est moins bien, il faudrait aussi avoir un plan B. Et on n’en a pas. Il faut que Messi soit bien si on veut avoir des options contre la France, c’est fondamental. Attention, je ne lui demande pas de transformer tous les ballons en buts. Je veux juste qu’il joue bien, qu’il soit à la construction du jeu. Je veux qu’il inquiète les Français.
La dernière fois que l’Argentine et la France se sont affrontées dans un Mondial, vous étiez sur le terrain. Quels souvenirs gardez-vous de ce match ?Ça a été une journée très spéciale pour moi, puisque ça a été l’un de mes meilleurs matchs avec la sélection. La France avait une très belle équipe. Ils avaient le Maradona français…
Enfin, le Kempes français : Platini. Je me souviens aussi de Trésor, un grand gaillard qui jouait au poste de libero. Tu devais être rapide et habile pour t’en débarrasser, parce que c’était vraiment un très bon joueur. Il y avait 1-1 quand j’ai marqué le but de la victoire. C’était déjà un match assez dramatique parce qu’on jouait notre qualification. On a fini deuxièmes de notre poule, mais ça ne nous a pas empêchés de devenir champions du monde grâce à un bon Kempes.
Malgré votre but, ça a été un jour très triste pour vous…Le match contre la France avait lieu le soir. Mon frère avait prévu de venir me voir. Il avait pris la route très tôt ce jour-là, mais il n’est jamais arrivé… Il a eu un accident de voiture et il est mort sur le coup.
À l’époque, ma famille avait décidé de ne rien me dire avant la fin du match. C’est donc le lendemain de la victoire contre la France que j’ai appris la terrible nouvelle… Ça a été, et c’est toujours très dur, mais la vie continue… Après ça, je suis resté sur le banc pendant deux matchs, j’étais sonné, mais le groupe a été phénoménal avec moi. Quand je suis revenu dans l’équipe, je n’étais plus le même joueur. Mais bon, je suis devenu champion du monde. Pour ma famille, ce titre a été une éclaircie dans un océan de douleur.
Les Bleus de l’époque étaient meilleurs que ceux d’aujourd’hui, selon vous ?Les joueurs français sont plus rapides aujourd’hui. Le football des Bleus ressemble à celui qui se pratique en Amérique du Sud, près du Rio de La Plata. Les Français ont une bonne technique, ils sont mobiles, ça va être très dur pour l’Argentine… Au début du Mondial, on disait tous que les favoris seraient l’Allemagne, le Brésil et l’Espagne, mais la France est un adversaire redoutable. C’est une équipe avec un potentiel bien plus important que la France de Platini.
Propos recueillis par Aquiles Furlone