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Comme un Huracán…
Il y a un mois, le bus d’Huracán a subi un grave accident au Venezuela. Si aucune victime n’est à déplorer, deux joueurs ont été gravement blessés. Mais depuis, le club argentin s'est relevé et enchaîne les bonnes performances. Focus sur une équipe de combattants.
Le 10 février dernier, Tamara Toranzo a passé une heure en enfer, sans nouvelle de Patricio, son mari et joueur d’Huracán. Le milieu de terrain argentin est, avec Diego Mendoza, le joueur le plus touché par l’accident de bus que vient de subir l’équipe argentine en déplacement au Venezuela. L’information se propage, et les rumeurs sur les réseaux sociaux pullulent. Ici, Toranzo serait décédé, là il aurait été amputé du pied. Quelques jours plus tard, au chevet de son mari dont le pied est encore là, mais plâtré, Tamara Toranzo raconte ce calvaire sur la chaîne El Trece : « On entendait tellement de choses, je ne savais pas quoi croire. Eduardo Domínguez, l’entraîneur d’Huracán, essayait de me calmer au téléphone, mais ça ne servait à rien. Il me disait qu’il devait rester à l’hôpital là-bas pour un nettoyage du pied, mais je voulais juste le voir. » Contrairement à ce que la presse annonce, Toranzo n’a pas perdu l’usage de son pied, mais a bel et bien été amputé de quatre orteils. Mendoza, lui, a dû être opéré à plusieurs reprises du talon. Plus d’un mois après l’accident, l’équipe d’Huracán a retrouvé les terrains, la victoire – comme lors de ce match qui entrera certainement dans l’histoire contre le rival éternel de San Lorenzo -, et ses deux blessés graves dont le retour au club fut plutôt très rapide. Ce qui pose une question : comment fait-on pour se relever aussi fort d’un tel choc ?
Un clásico pour se soigner
Le 27 février, à peine dix-sept jours après l’accident, Huracán retrouve son stade en championnat. Dans son enceinte du Duco, le Globo affronte San Lorenzo. À dix et dans le temps additionnel, Huracán accroche un match nul (1-1) grâce au but d’Ábila. La première étape d’une récupération impressionnante. Pourtant, trois jours avant, le club du quartier de Parque Patricios à Buenos Aires recevait l’Atlético Nacional en Copa Libertadores. Un match finalement maintenu et qui avait soulevé une énorme polémique entre le club argentin et la CONMEBOL. « Impossible de le reporter » , selon l’instance du football sud-américain. Une rencontre perdue (0-2) par le club où évolue encore Daniel Montenegro, éphémère joueur de l’Olympique de Marseille. Depuis, la routine a repris pour le club à la montgolfière. Le championnat local, les matchs en retard, et cette Libertadores. Une compétition ô combien importante pour des joueurs qui ont obtenu leur billet en battant le Caracas FC, la veille de l’accident. Dans le même temps, l’enquête sur le choc subi par le bus avance. Le conducteur déclare dans la presse argentine que les freins ont lâché et qu’il a tenté d’éviter le précipice en se dirigeant vers la voie d’arrêt d’urgence. Les deux joueurs blessés dans l’accident s’affichent et se soignent ensemble, Toranzo recevant chez lui Diego Mendoza, son jeune coéquipier qui venait d’arriver au club en provenance d’Estudiantes.
Patricio Toranzo y Diego Mendoza se recuperan en la cámara hiperbarica de @BioBarica Buena noticia para #Huracan pic.twitter.com/vlSz7uOE4K
— Daniel Avellaneda (@davellaneda77) 22 février 2016
« Un choc vécu en groupe se soigne en groupe… »
Un élan de solidarité logique et essentiel selon Liliana Grabin, médecin et psychologue du sport réputée en Argentine : « Ils ont vécu un choc traumatique. Il faut suivre les victimes, et le staff médical d’Huracán est en train de le faire. Mais un choc vécu en groupe se soigne en groupe. Évidemment que les individualités sont importantes, et que chacun a besoin d’aborder différemment le thème de l’accident, mais c’est très important de le faire en groupe. Et ce genre de drame peut rapprocher les victimes, c’est normal. On tend à se rapprocher, à s’attacher aux personnes qui ont vécu les mêmes drames que nous. » Comprendre : une thérapie entre tous les membres du club présents lors de cet accident est indispensable. « Ça ne doit pas être optionnel. Les conséquences peuvent apparaître longtemps après, si les joueurs ne sont pas suivis » , ajoute la psychologue qui a travaillé avec de nombreux clubs locaux.
Si le football sert souvent d’exutoire, il est ici un outil essentiel pour la récupération de la victime. Un moteur. « Évidemment, on a tous des profils différents devant le drame. Mais intrinsèquement, le footballeur a une force mentale très développée. Être sportif professionnel requiert cette mentalité-là » , avance Liliana Grabin. Si le temps de récupération varie en fonction des joueurs, Toranzo et Mendoza ont quitté l’hôpital et sont déjà entre les mains du staff médical d’Huracán. « C’est au staff de faire le diagnostic : savoir s’ils sont prêts à revenir sur les terrains, dans le groupe, savoir si revenir aussi vite peut faire oublier cet état de choc traumatique » , conclut la psychologue du sport.
Cette semaine, Patricio Toranzo a publié une vidéo sur Instagram où on le voit taper dans un ballon, la première fois depuis l’accident.
Mendoza et le milieu expérimenté argentin ont déjà repris l’entraînement, mais le club n’a pas communiqué sur un possible retour à la compétition. Mercredi soir, le Globo a battu Tigre (1-2) en match en retard, le premier d’une série de trois à rattraper suite à l’accident. Oui, malgré le choc, le club argentin avance vite, à pas de géant. Comme un Huracán.
Par Ruben Curiel
Propos de Liliana Grabin recueillis par RC.