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Un Parc sans ses princes?
L’annonce du transfert du PSG au Stade de France pendant la rénovation du Parc des princes sonne probablement la fin d’une certaine « idée » du club parisien, si chère aux ex-supporters abonnés. Car loin de se réduire à une téléportation de circonstance se trame un test grandeur nature d’une nouvelle géographie du foot de la capitale. Exactement ce pour quoi les Qataris ont payé si cher une équipe moyenne de grande ville européenne…
Le Parc des princes va-t-il bientôt connaître le triste sort du Stade Yves du Manoir à Colombes, enceinte historique réduite à l’épithète de mythique, ringardisée au début des années 70, qui eut l’immense honneur de recevoir sur sa piste et son gazon les JO de 1924. Voilà qui devrait peut-être pousser les dirigeants du PSG à réfléchir à deux fois avant de lorgner avec autant d’insistance sur le SDF (splendide acronyme !). Déjà en 1938, le sous-secrétariat de Léo Lagrange, avait commencé à étudier la possibilité d’un grand stade à proximité de Paris (dont on peut encore consulter les ébauches de plan dans les cartons poussiéreux entreposés aux archives nationales, ndlr). Il avait en partie reculé devant la réalité locale du foot parisien, bien trop à l’aise dans ses « antres » à dimension humaine de la petite couronne. « Paris n’est pas Londres » , comme le chantera bien plus tard Wunderbach. Et Colombes n’est pas le east-end !
Toutefois l’annonce du départ prolongé, même si le PSG refuse de confirmer les deux saisons, vers la soucoupe volante de Saint-Denis, peut sembler, d’un point de vue purement technique, inévitable. Jean Vuillermoz, adjoint au sport de la marie de Paris, qui est en train de négocier le bail emphytéotique pour après 2014, ne semble d’ailleurs pas inquiet outre mesure pour l’avenir d’une infrastructure encore propriété de la ville: « Le Parc a été retenu comme un des stades de l’Euro 2016. Dans ce cadre, des travaux sont nécessaires pour le mettre aux normes de l’UEFA. En attendant le PSG ira évoluer au SDF et reviendra ensuite au Parc. Nous avons rencontré les dirigeants qui nous l’ont confirmé pour le championnat. Je ne vois cependant rien de choquant que par le suite, comme pour le rugby, certaines grandes rencontres donnent lieu à des exceptions. »
Donc, à bien le décrypter, un PSG avec des ambitions européennes va sûrement chercher à se rapprocher des modèles économiques anglais ou espagnols, beaucoup moins dépendants des droits télés grâce à leur billetterie. Or, faute de pouvoir augmenter sensiblement les tarifs, il reste comme unique solution d’augmenter la jauge, avec, par exemple, des matchs dits de prestige. Et en cas de qualification en Champion’s league, qui doute qu’un PSG/ Barça ou PSG/Manchester, voire plus modestement un classique PSG/OM, n’attire pas 80 000 personnes? Ce serait aussi l’occasion d’aider à remplir une installation surdimensionnée et dont la fréquentation dépasse rarement celle d’un stade moyen de L1. Le Stafe de France, une étrange exception, même au sein du sport français, héritage d’un cadeau de fin de règne et d’une loi très généreuse depuis retoquée par le conseil constitutionnel.
« Le stade de France est une anomalie, explique au passage l’économiste Jean-François Bourg*. L’état verse ainsi une redevance très élevée (6,2 millions en 2009), faute de club résidant, dans le cadre de la convention qui le lie au consortium composé de Bouygues (à 33%), et de Vinci (à 67%), alors que le groupement privé s’avère par ailleurs bénéficiaire. Aux Etats-Unis il y a deux ou trois franchises par stade rien que pour le rentabiliser » . Le gouvernement doit donc déjà se frotter les mains des économies en perspective, d’autant plus que la FFR semble vraiment s’accrocher à son projet de stade dévoué au rugby, fatiguée de sa relation inéquitable avec le SDF. Si l’on en croit le Figaro, qui en matière de finance se révèle assez fiable, la fédération de rugby refuserait même de commercialiser des places à 20 euros qui lui coûteraient au final 46: plus le nombre de billets est élevé, plus le consortium monte son pourcentage dessus.
L’autre facette, plus symbolique, de cette bascule vers le 9-3, tient également dans l’étiolement des derniers liens qui reliait le PSG 2.0 à son ancienne version, et surtout à ses ex supporters qui avaient su inscrire le Parc dans le panorama des stades de légende des coupes européennes, s’illustrant de moult manières lors de matchs mythiques. C’est entre Porte de Saint-Cloud et d’Auteuil que le PSG a rencontré Paris et sa banlieue, un certain public et ses premiers fans. Seulement, on l’a compris, les ultras ne sont plus désormais vraiment les bienvenus dans la « famille » . Le choix, même en pointillé, du Stade de France, enceinte la moins chaleureuse qui soit, le précisera juste un peu davantage. Le football populaire renvoie à plusieurs acceptions. L’une d’entre elle se contente du chiffre et d’une âme de comptable.
* Jean-François Bourg sort fin décembre un livre sur le sujet « Clubs sportifs et collectivités territoriales : enjeux, modèles, partenariats et stratégies » au PUS.
Par Nicolas Ksiss-Martov