- Bordeaux
- Licenciement de Willy Sagnol
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La rouste reçue par les Girondins samedi à Toulouse, la septième de la saison, aura été celle de trop pour Willy Sagnol. L'entraîneur bordelais, incapable de trouver une équipe type depuis son arrivée en Gironde, laisse sa place à Ulrich Ramé. À Bordeaux, il ne trouvera pas grand monde pour le regretter.
« Moi, je suis proche d’un jeu offensif assez large. Je pars du principe que pour marquer des buts, il faut accepter d’en prendre aussi. Bordeaux a besoin de beaucoup de monde dans le stade, a besoin de spectacle. Les gens viennent au stade pour voir des buts, c’est une garantie que l’on peut donner. Oui, il y aura des buts. Ça vient de mon passage en Allemagne, au Bayern, où on m’a fait comprendre que pour avoir des grandes performances, il faut éprouver beaucoup de plaisir. Et pour éprouver du plaisir sur un terrain, il faut jouer, avoir le ballon, s’amuser avec, c’est ce que je vais essayer de faire avec les Girondins. » En mai 2014, au moment de poser son survêt’ sur le banc bordelais, Willy Sagnol sait trouver les mots pour séduire des supporters bordelais en manque de kiff, après la fin de parcours chaotique de Francis Gillot. Vingt-deux mois plus tard, force est de constater que l’homme de l’Est a en partie tenu parole : les Bordelais qui parviennent encore à regarder les matchs de leur équipe voient des buts. Le problème, c’est qu’ils font souvent trembler les mauvais filets. Pour ce qui est de remplir le stade en procurant du plaisir, en revanche, l’échec est cuisant. Aujourd’hui, les Girondins pointent à la 14e place en Ligue 1, avec 48 buts encaissés. Seuls les intouchables Troyens font pire.
Après une première saison plutôt anonyme, sauvée par le Paris Saint-Germain qui qualifie Bordeaux pour la Coupe d’Europe en remportant les deux coupes nationales, c’est avec une certaine ambition que Willy Sagnol entame son second mandat. Et après tout, pourquoi pas. Dans un championnat homogène, l’objectif de se qualifier une nouvelle fois pour l’Europe ne paraît pas démesuré. Trente journées plus tard, embarqué dans une terrible spirale négative, les Girondins regardent plutôt vers le bas. Défaits 6-1 à Nice, 1-4 contre Caen, 5-1 à Lille en Coupe de la Ligue, 3-0 à Lyon, 1-4 face à Saint-Étienne, 4-1 à Reims, et enfin 4-0 à Toulouse samedi dernier, les hommes de Willy Sagnol semblent trop souvent perdus, dès qu’ils mettent le pied sur une pelouse. À l’image de leur entraîneur qui, en deux saisons, n’a toujours pas trouvé son équipe type.
86 compos d’équipe différentes en 88 rencontres
Dimanche, Scapulaire.com, le site spécialisé en chiffres en tout genre concernant Bordeaux, a fait tomber une statistique qui résume à elle seule le tâtonnement permanent dont est victime Bordeaux : sur 88 compositions d’équipes alignées depuis sa prise de fonction, Sagnol en a couché 86 différentes. Les hommes changent tout le temps, les schémas également. Sur la base d’une défense à 4, toutes les combinaisons possibles y sont passées, parfois au cours de la même rencontre. Idem pour le positionnement des joueurs. Un garçon comme André Poko a par exemple autant joué ailier droit que latéral, relayeur ou récupérateur. Avant son départ, Henri Saivet a occupé tous les postes de l’attaque, avant de se révéler devant la défense. Cette saison, le brassard a été confié à dix joueurs différents (Saivet, Sané, Carrasso, Plašil, Rolan, Sertic, Pallois, Jussiê, Chantôme et Yambéré).
Aux Girondins, il est possible d’être capitaine un soir, et remplaçant le match suivant, comme l’a expérimenté Diego Rolán face à Toulouse. En plus des incompréhensions, génératrices de tensions, créées au sein de l’effectif par ces changements incessants, une telle instabilité n’est pas propice à mettre en confiance un effectif jeune, donc en devenir. Ce qui fonctionne au Bayern, avec des joueurs au talent confirmé, n’est pas possible avec des joueurs à la culture tactique insuffisante pour s’adapter à des situations différentes lors de chaque sortie. En manque de confiance, les Bordelais ont besoin de se trouver un schéma de jeu immuable, de créer des automatismes entre joueurs toujours alignés au même poste. Un projet fou, que Willy Sagnol n’est jamais parvenu à mettre en place.
La culture de l’excuse
Pour expliquer ces changements incessants, Willy Sagnol a bien évidemment une excuse (Willy Sagnol a toujours une excuse). Depuis le début de saison, son effectif compte régulièrement une dizaine de blessures, dont celles de longue durée de Sertic, Carrasso, Maurice-Belay ou Pallois. Et comme ce fut le cas de Sané et Diabaté en début de saison. Certaines sont musculaires, d’autres consécutives à des coups. Dans tous les cas, une telle avalanche de pépins physiques est inédite chez les Girondins, et il est difficile d’y voir l’unique fruit du hasard. Le remplacement de l’historique Docteur Dubeau, qui fut l’une des premières décisions de Willy Sagnol à son arrivée en Gironde, ainsi que la multiplication des séances physiques au Haillan, n’y sont peut-être pas étrangers.
Et quand bien même, dans un championnat de France qui n’a jamais semblé aussi faible, l’effectif bordelais paraît à même de produire autre chose que ces prestations indigentes, sans envie et sans cohérence, même amputé de certains joueurs. Après chaque déroute de son équipe, Willy Sagnol a beau évoquer « beaucoup trop d’erreurs individuelles » plutôt que de remettre en question ses choix, les dirigeants bordelais ont fini par trancher en raison de « la situation sportive préoccupante » . En espérant que cela ne soit pas trop tard.
Par Mathias Edwards