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« Seydoux, qu’est-ce que t’as fait des sous ? »
Donat', 27 ans, membre du bureau des Dogues Virage Est (DVE), principal groupe de supporters lillois qui revendique près de 300 cartés, revient sur les chants à la gloire d'anciens joueurs à la fin du match contre Nice, et parle un peu des Dogues, du grand stade et de « Grimonprez ».
Comment vous est venue l’idée de chanter à la gloire d’anciens joueurs ?C’était quelque chose qui n’était pas du tout prévu, c’est venu spontanément au cours du match, quand on a commencé à voir nos joueurs baisser les bras. Lors de la dernière année à Grimonprez-Jooris en 2004, il y avait un chant qu’on faisait de temps en temps : « Michel Seydoux qu’est-ce que t’as fait des sous? » . Un mec du noyau a lancé ce chant en tribune, nous l’avons repris. Puis on est partis dans un délire : faire le palmarès des joueurs partis qui ont rapporté le plus d’argent au LOSC. Donc forcément, ça a commencé avec Eden pour ses 28 millions d’euros, puis ça a continué avec Gervinho, Moussa Saw, Yohan Cabaye et Adil Rami… C’était surtout une manière de dire qu’on avait une super équipe en 2011 ! Depuis, on nous a vendu du rêve avec le grand stade, les recrutements et l’Europe et on a plutôt eu de la frustration…
Ce chant a fait parler de lui ?On pensait pas, c’était plutôt un délire entre nous et puis en fait beaucoup de monde l’a repris, surtout que plusieurs commentateurs en ont rajouté. Si bien que mardi, on était invités aux vœux du président Seydoux, les dirigeants en ont parlé et on a un peu débattu dessus. Au final, c’est dommage que le chant parte à la fin du match, parce que l’on aurait pu continuer avec tous les joueurs qui sont partis depuis dix ans ! Ça aurait bien claqué parce que ce sont des joueurs qui ont fait la gloire du LOSC et qui sont aimés. Par exemple, on a terminé sur Stéphane Dumont, c’est un pur Lillois qui était apprécié de tout le monde, et son petit frère est en tribune avec nous.
C’est plutôt la gestion sportive de l’équipe ou le recrutement qui vous déplaît aujourd’hui ?Je considère que l’on n’a pas forcément à interférer dans la gestion du club ou dans les choix de l’entraîneur. Et puis, de l’extérieur, c’est difficile de prendre parti pour l’un ou pour l’autre. C’est comme l’affaire Mika Landreau, on a seulement vu ce qui était dit dans la presse donc c’est difficile d’avoir un avis vraiment objectif. Après, c’est vrai que sur le recrutement, on aimerait avoir un ou deux joueurs de plus. Avec les mecs qui sont partis à la CAN, on est un peu à la ramasse et Túlio, un mec qui est vraiment bien apprécié chez nous, est souvent blessé.
Comment se passe la transition du Stadium Nord au Grand Stade pour les DVE ?J’ai envie de dire que c’est plutôt compliqué. On est dans une enceinte qui est ultra-moderne, la première fois, on entre dedans avec les yeux qui pétillent, surtout que la tribune est beaucoup plus grande qu’au Stadium. Mais en même temps, tout est devenu plus compliqué : on n’a plus de local attitré dans le stade. On est d’ailleurs en discussion avec les dirigeants sur cette question. La préparation des tifos, c’est seulement le jour même alors qu’avant au Stadium, on pouvait passer dans la semaine… Et puis la tribune nord du grand stade n’est plus notre tribune comme celle du Stadium, c’est une tribune dite « active » où il y a des personnes qui sont là parce qu’elles ont envie de chanter mais qui ne sont pas forcément DVE. Du coup, nos membres sont un peu perdus et notre noyau est éclaté dans la tribune. Surtout qu’une heure avant la rencontre, la tribune nord est déjà blindée.
« Les plus anciens regrettent même beaucoup Grimonprez-Jooris »
Et au niveau de la sécurité c’est plus compliqué aussi ?Oui complètement. Quand on vient déposer notre matos le matin du match, on passe en dessous du stade par les coursives, c’est un labyrinthe avec prise d’identité de tous les côtés. On a du mal à se sentir chez nous. Alors qu’au Stadium, on était plus libres, quand on a préparé le tifo des 20 ans, ça nous arrivait de nous retrouver en semaine à peindre les voiles, faire un repas le midi avec sandwich et bière dans l’enceinte du stade. Les plus anciens regrettent même beaucoup Grimonprez-Jooris, c’était le stade du LOSC, c’était notre stade, c’était Grimonprez quoi ! On était vraiment chez nous là-bas en seconde basse dans une tribune sans sièges. Qui plus est, ce stade était dans Lille, au milieu du parc de la Citadelle, qui en faisait un lieu propice à de nombreuses rencontres. Autre point problématique pour nous, aucune banderole n’entre au stade depuis plus de trois ans. Par exemple, quand Rudi Garcia a perdu son père, on voulait fait une banderole « Courage Rudi » , qui nous a été interdite par les dirigeants…
Quelles relations entretenez-vous avec le club ?On va dire que c’est mieux qu’avant. Il y a un peu plus d’échange, de respect. On essaie de se voir un peu plus souvent et ils ont pris conscience de l’importance du groupe pour le club. Les dirigeants passent mais les DVE restent. Après, on n’est pas non plus un groupe très difficile à gérer, même si on compte une quinzaine d’interdictions de stade, la plupart administratives.
Est-ce que vous vous considérez comme un groupe ultra ?Spontanément non. Avec la proximité de la Belgique, la Hollande et l’Angleterre, on s’est toujours plutôt considéré comme des « fans » à la mode anglaise ou hollandaise. Après, si on considère qu’être ultra, c’est avoir un capo, préparer des animations et lancer des chants, dans ce cas-là ok on est des ultras. Mais on ne revendique pas le terme, c’est pourquoi on n’utilise pas le mot « ultra » sur nos écharpes ou nos drapeaux. On est un groupe, une famille et ça nous suffit. D’ailleurs peu de groupes en France peuvent se vanter d’avoir 23 ans d’existence avec les fondateurs encore présents. On a aussi toujours été un groupe un peu atypique.
Dans quel sens ?On a toujours été un groupe fermé et soudé qui fait peu parler de lui. Entre les mecs du noyau dur, on est très proches, on se voit presque tous les jours. Après, on a toujours eu des délires particuliers, notamment en déplacement. Les DVE, mais aussi l’ensemble des supporters lillois, n’ont jamais été un peuple très migrateur, du coup, on se déplace souvent en petit comité et on tape des délires avec des déplacements à thème. Dep tous en costard, dep tous déguisés, dep playa à Nice ou comme à Saint-Étienne en 2004 où on n’était pas très nombreux, on s’était allongés en mode plage éparpillés sur l’ensemble du parcage. Ou encore à Nancy cette année, on était seulement un J9 et deux voitures et toute la panoplie « ultralala » y est passée. Bâche tenue à bras, tifo voile, tifo humain, chenille, chant débile à base de tournage de serviette…
« Nos jeunes membres n’ont jamais été à Bollaert »
Il y a une amitié entre vous et les supporters niçois ?Oui, c’est une amitié qui remonte à la fin des années 90. Les anciens de chez nous sont descendus à Nice et ont croisé un groupe de niçois de la Brigade Sud (BSN groupe dissout en 2010, ndlr), là c’était soit on se fout sur la gueule et une rivalité naît, soit on boit un coup. Finalement, ils ont bu un coup et c’est parti de là ! Les supporters niçois sont un peu plus contestataires et revendiquent plus de choses, de par leur côté ultra, on est moins dans ces trucs-là mais on essaie de les aider dans leur lutte, notamment quand il s’agit de faire un pied de nez à la Ligue. Quand on est descendus à Nice l’année dernière, leur tribune était fermée pour cause de huis clos partiel, du coup, les ultras de la populaire sud sont venus en parcage avec nous. Et la semaine dernière, lors de Lille-Nice, on a fait une double banderole : dans le bloc DVE, a été sorti le message « Nice, fierté du sud » et en parcage, les supporters niçois ont sorti « Lille, fierté du nord » .
Et les rivalités ?Ben Lens forcément. Même si ça fait bien longtemps qu’on n’a plus joué contre Lens si bien que nos jeunes membres n’ont jamais été à Bollaert, et ne les ont jamais reçus à Lille, donc c’est un peu difficile à entretenir. L’origine de cette rivalité est historique : Lille ville bourgeoise vs Lens ville minière et pour le groupe, ça remonte à un tournoi au début des années 90 où les fondateurs furent malmenés. Et puis, il y a toujours eu une rivalité forte avec Saint-Étienne, notamment les Magic Fans depuis les années 90. Ça s’est accentué il y a quelques années quand ils ont fracturé notre local pour lâchement nous voler notre ancienne bâche domicile.
Propos recueillis par Anthony Cerveaux