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S’il ne devait en rester que 100… (8e)

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La classe, le charisme, la technique. La carrière de Fernando Redondo dit quelque chose du football argentin de la fin du vingtième siècle. Son compatriote Juan-Pablo Sorín revient sur sa trajectoire, d'Argentinos Junior au Milan AC, en passant par Tenerife et sa période dorée au Real Madrid. Avec des étoiles dans les mots.

#8 - Fernando Redondo

Je leur ai dit qu’il y avait un joueur incroyable, une sorte de super-héros au milieu de terrain. Un footballeur hyper élégant. Comme je passais mon temps à parler football, mes camarades, fatigués de m’entendre, ont fini par s’emporter contre moi. J’ai alors lâché une phrase, une phrase dont je me suis rappelé plusieurs années après : « Un jour, je ferai des une-deux avec Redondo ! » Explosion de rires. Des rires à la fois terribles et moqueurs : « Toi, tu vas faire des une-deux avec Redondo ? Bah voyons ! » C’est à ce moment-là, au moment où la récréation prenait fin, que la bagarre a éclaté. D’un coup, tous les gamins ont lâché leurs Alfajores Jorgito (des petits snacks argentins, ndlr) pour se jeter les uns sur les autres. Voilà, c’était en 1985 et nous n’étions que des élèves de primaire.

«  Le football s’est agenouillé à ses pieds »

Stratège, intelligent et gaucher en plus de cela ! À cette époque, il n’y avait pas de numéro 5 gaucher en Argentine. En revanche, il y avait des esthètes, ou plutôt des porte-drapeaux du bon football, comme Marangoni (Independiente) et Checho Batista (Argentinos Juniors). Néanmoins, quand Fernando Redondo est apparu, le football s’est agenouillé à ses pieds, comme si, avant lui, aucun milieu de terrain n’avait montré autant d’autorité et de consistance. J’avais 9 ans quand la sélection des moins de 16 emmenée par Redondo, Cáceres, Hugo Maradona, Frutos et Salaberry a remporté le Sudamericano, la Copa América des catégories jeunes, à Buenos Aires. Le match se dispute sous une pluie d’encouragements inconditionnels. Ce jour-là, sur le terrain, il y a eu aussi un déluge de football offensif. Splendide. Ces joueurs n’étaient que des « pibes » , raison pour laquelle je m’identifiais beaucoup à eux. En les regardant, j’imaginais combien ce serait merveilleux de pouvoir jouer, à mon tour, avec le maillot de la sélection argentine. Redondo était un cran au-dessus des autres. Il savait déjà gérer les différents rythmes d’un match et mettait déjà ses crochets si distinctifs, ceux qui changent le sens du jeu. Il était capable d’habiller les équipes pour lesquelles il jouait de leur plus beau costume, sans jamais leur faire perdre leur agressivité.

La suite de son histoire ? La grande majorité la connaît. Son début précoce en première division argentine sous le glorieux maillot Del Bicho (Argentinos Junior), son départ polémique pour l’Espagne où il a confirmé son talent à Tenerife avant de briller et de devenir, à la fois, un modèle et une idole au Real Madrid. Avec les Merengues, il a inventé la journée de la talonnade à Old Trafford et soulevé deux Ligues des champions et une Coupe intercontinentale. Il a aussi mis son magnétisme, son leadership et sa classe au service de l’Albiceleste, même si cela semble incroyable qu’il n’ait disputé qu’une Coupe du monde, en 1994 ! Malgré cela, il fut l’un des personnages principaux des différents épisodes de la telenovela de la Selección avec laquelle il remporta la Copa América. Ses adieux furent à son image : aristocratiques et pleins de classe. Il ne pouvait en être autrement de toute façon. Après avoir souffert de blessures à répétition avec le Milan AC et glané une Coupe d’Italie, il obtient la reconnaissance de tous pour son éthique de gentleman. Pour rappel, Redondo renonça à son salaire, arguant qu’il ne se sentait pas de gagner de l’argent alors qu’il était blessé. Un geste rare.

«  Comme des gamins  »

Redondo et moi nous sommes rencontrés en 1999, après le Mondial en France pour lequel Fernando n’avait pas été convoqué. L’Argentine devait disputer deux matchs amicaux contre le Brésil. En plus d’affronter d’énormes joueurs de la trempe de Cafu, Ronaldo, Ronaldinho ou Roberto Carlos, le classico sud-américain proposait cette fois un autre ingrédient particulier : le duel entre Rivaldo et Redondo, les deux idoles respectives du FC Barcelone et du Real Madrid. Un derby plutôt équilibré, au final. Nous avons battu le Brésil au Monumental… qui a pris ensuite sa revanche à Porto Alegre. Il devait sûrement y avoir quelques-uns de mes amis d’enfance dans les tribunes du stade de River Plate ce jour-là. Quelques-uns d’entre eux ont sans doute lâché un sourire lorsqu’après un double une-deux entre Redondo et Sorín, l’Argentine marquait son deuxième but, déclenchant le délire dans les travées du stade. Quatorze ans étaient passés depuis le jour où j’avais mentionné pour la première fois le nom de Fernando Redondo. Ça ne nous a pas empêchés pas de courir tous les deux pour fêter le but. Comme des gamins. Comme si la récréation venait de commencer.

Par Juan-Pablo Sorín, 76 sélections en équipe d’Argentine
Le blog de Juan Pablo Sorín sur SoFoot.com

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