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Ronaldo et Jeanpauldo

Par Maxime Brigand
5 minutes
Ronaldo et Jeanpauldo

Ronaldo Luis Nazário de Lima avait un rêve : rencontrer Jean-Paul II. Et Il Fenomeno a débarqué à Milan, l'a mis à ses pieds et a pu accéder au Vatican, à quelques semaines de filer en France disputer la Coupe du monde 1998. Un duel au sommet entre respect et un Karol Wojtyla plus Valérie Fourneyron qu'admiratif. Chronique.

Ronaldo n’a jamais joué avec une calotte sur la tête. Il n’en a jamais eu besoin. Il lui suffisait de laisser parler son instinct, de laisser aller le génie et de ralentir le temps à sa façon. Lui explique les choses différemment : « J’avais plutôt l’impression qu’il y avait tout le temps deux lions qui couraient derrière moi et que je devais faire les choses le plus rapidement possible pour ne pas être mangé. » Lorsqu’il arrive à Milan à l’été 1997 pour rejoindre l’Inter, Ronaldo a déjà un monde à ses pieds. L’attaquant brésilien a retourné Barcelone avec des stats délirantes en l’espace d’une seule saison et l’Italie n’est alors qu’une terre de plus à conquérir. Il y a les sceptiques face à la rigueur défensive de la Serie A, mais Ronaldo s’en fiche.

Il ne vit que pour créer, toujours plus, et n’a finalement pour seule limite qu’un genou qui n’a pas encore craqué. À cette époque, le championnat d’Italie rigolait très peu. Alors, le dauphin de Sammer au Ballon d’or 96 lui a donné le sourire : avec un record de buts pour une première saison en Serie A (25 buts), en grattant le surnom de Fenomeno après un triplé contre Piacenza en coupe, mais aussi en humiliant la Lazio de Sven-Göran Eriksson (3-0) un soir de finale de Coupe de l’UEFA au Parc des Princes. Voilà comment le 6 mai 1998, Ronaldo a remporté son deuxième trophée européen consécutif, après une Coupe des coupes avec le Barça contre le PSG (1-0). Mais le gamin de vingt et un ans rêve alors d’un autre honneur. Enfiler une soutane ? Non, ce serait trop simple.

Jean-Paul II, le gardien de but

Lui a changé de monde depuis maintenant plus de vingt ans et a alors soixante-dix-huit ans. Chacune de ses apparitions soulève également les foules, mais pour d’autres raisons. Enfant, Jean-Paul II, qui était alors Karol Wojtyla, cavalait dans les rues de Wadowice avec des gants au bout des mains et ses chaussures de montagne à clous pour remplacer des crampons trop chers. On parle de lui comme du premier pape judéo-compatible qui s’amusait souvent à « remplacer le gardien de but de l’équipe juive, le fils du dentiste de la ville » , comme l’explique le journaliste Bernard Lecomte, auteur d’une biographie consacrée à Jean-Paul II.

Le jeune homme est alors un suiveur avisé du club de Cracovia où il suivit son père en août 1938 pour suivre des études de lettres. Le foot a toujours eu une place particulière pour Karol Wojtyla, entre les matchs avec les autres séminaristes à Cracovie pendant la guerre, les réceptions d’équipes au Vatican, la messe donnée sous la pluie du Camp Nou en novembre 1982 – qui lui a valu de recevoir la carte de socio n°108 000 des mains du président du Barça, Josep Lluís Nuñez -, et sa place de membre d’honneur de sept clubs européens dont le Borussia Dortmund et Schalke 04 comme l’expliquait le Guardian en 2005. La rumeur raconte même qu’une fois au Vatican, de 1978 jusqu’à sa mort il y a onze ans, le pape Jean-Paul II n’a jamais raté une finale de Coupe du monde. Donc, si la légende dit vraie, il n’a pas raté celle du 12 juillet 1998. Avec un œil différent, sûrement, lui qui avait expliqué lors d’une messe donnée au stade Olympique de Rome que « les rythmes de la société moderne et de certaines activités compétitives pourraient parfois faire oublier au chrétien la nécessité de participer à la messe du dimanche » .

« Vous êtes brésilien ? Du Brésil ? »

Ronaldo rêvait de rencontrer Jean-Paul II. On est loin de l’histoire de Paul Gascoigne qui avait été reçu en personne au Vatican par Karol Wotjyla lors de son passage à la Lazio. « Un jour, à l’entraînement, le coach me lance : « Il y a quelqu’un au téléphone pour toi. » Je lui réponds : « Dis lui de me rappeler plus tard, putain. » Puis : « Paul, sérieux, je pense que tu devrais prendre l’appel… » Je prends le téléphone et un type me dit : « Bonjour, c’est Jean-Paul II. » Bon sang, c’était pas une blague, c’était le pape. « Salut pape, ça boume ? » je réponds. Il désirait me rencontrer, c’était un ancien gardien de but, ça doit être pour ça… » , raconta un jour Gazza. Ronaldo, lui, a dû s’inviter. Et il a été reçu, quelques jours après sa victoire européenne au Parc, à quelques semaines du début de la Coupe du monde en France. Le 12 mai 1998, avec sa mère, Dona Sonia Nazário.

On le sait, la religion a toujours eu une place à part dans la vie du footballeur brésilien. Reste que, quand il arrive au Vatican, dans la discrétion la plus totale, Jean-Paul II est honoré, mais ne le connaît pas vraiment : « Vous êtes brésilien ? Du Brésil ? Mais… vous jouez ici ? » La rencontre est brève, mais Ronaldo, sans cravate, offre quand même un maillot de la Seleção et de l’Inter au souverain pontife. Sur une leçon humaine et un rêve bouclé. Ils ne se reverront jamais, malgré une audience accordée par Jean-Paul II au groupe du Real en septembre 2002 qui laissera apparaître un Roberto Carlos très ému : « C’est une très grande joie d’être ici. Tous les Brésiliens aimeraient être venus et je les représente. C’est très important. » Ce jour-là, Ronaldo récupère la forme, déjà.

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