Comment est-ce que vous, les joueurs, avez appris cette ultime décision ?
Sur les réseaux sociaux, une fois de plus. L’affaire Luzenac a été bien suivie par la presse et elle a également été beaucoup relayée sur les réseaux sociaux. Donc comme la plupart des décisions qui nous ont concernés cet été, c’est sur Twitter qu’on a appris la nouvelle.
Les dirigeants n’ont pas eu besoin d’organiser une réunion pour vous annoncer le verdict ?
On a quand même eu une réunion, hier, vers 17h, mais on était déjà tous au courant. C’était une réunion très brève. Fabien Barthez nous a juste fait part de ce qui a été dit lors de la réunion avec la FFF. Et on nous a dit que désormais, l’équipe première de Luzenac était l’équipe de DHR.
Du coup, tous les joueurs de l’effectif sont libres ?
Ce n’est même pas la question de nous avoir libérés. À partir du moment où on était censés être joueurs professionnels, la DHR c’est à des années-lumière du professionnalisme. Et ce n’est pas se surévaluer de dire que quand on a fini deuxième de National, on n’a pas envie d’évoluer en DHR.
J’imagine que le moral n’était pas au mieux pour vous, hier ?
Oui, mais au moins, on est définitivement fixés. C’est presque un soulagement dans la mesure où, même si c’est un coup de massue, bah on a eu le temps de s’y préparer. Et maintenant, on sait à quoi attendre.
Est-ce que c’est quelque chose que vous aviez envisagé, de ne même pas pouvoir évoluer en National en cas de refus d’accession à la L2 ?
Bah là, on a quand même eu un joli petit étalage de ce que le football professionnel peut proposer. Du moment que notre ascension en Ligue 2 n’est pas validée, on se dit que la logique, c’est d’être reversé en National, au minimum. Finalement, si on voulait jouer en National, il aurait fallu ne pas finir dans les trois premiers la saison dernière, ce qui est paradoxal.
Ce qui est fou, c’est que vous passez de la joie de jouer en Ligue 2 à la dissolution pure et simple de l’équipe…
Ça s’inscrit juste dans la continuité de toute cette affaire. On marche sur la tête, tout simplement. Ces personnes qui nous ont privés de l’accès à la Ligue 2, puis au National, sont les mêmes personnes qui tapent sur l’image que les footballeurs renvoient, sur ce qu’ils font de leur argent ou comment ils se comportent en public. Ils donnent des leçons à tort et à travers. Mais quand arrive le moment d’aider un petit club amateur, il n’y a plus personne. Alors que notre seul tort, c’est de ne pas avoir construit un dossier béton jusqu’au dernier mot. Et quelle est la raison officielle de ce refus ? Que le stade dans lequel on va évoluer ne garantit pas la sécurité des supporters qui vont venir nous voir jouer… C’est une blague. Quand on sait que ce stade est rempli tous les quinze jours par des supporters de l’un des meilleurs clubs de rugby d’Europe, ça me fait quand même doucement rigoler. On nous a pris la tête pour des problèmes financiers pendant deux mois, avant d’être finalement validé alors que le contenu du dossier était le même. J’étais au tribunal administratif, donc je n’invente pas n’importe quoi. Et le tribunal a levé tous les doutes qui planaient sur le dossier. Car la Ligue n’avait que des doutes, hein ! Il n’y avait aucun réel fondement dans ce refus.
En gros, ils ont cherché la petite bête à chaque fois ?
Oui, et puis tout s’est fait de façon successive. Quand le club est arrivé devant la DNCG en juin, ils ne nous ont pas parlé du stade, ils ont juste dit : « Attention aux finances » . Et une fois que l’histoire des finances était réglée, ils nous disent « Ah mais vous ne vous êtes pas penchés sur le problème du stade ? »
Est-ce que tu peux nous en dire plus sur cette histoire de réunion entre les clubs de National, qui voulaient que vous alliez en CFA 2 cette année avant de revenir automatiquement en National la saison prochaine ?
Je n’en sais pas plus que ça, mais, apparemment, cette hypothèse est complètement fausse. Les dirigeants des clubs de National se sont réunis mardi soir pour que Luzenac n’accède pas au National. L’histoire de la CFA 2 et du National ne serait qu’une pure invention de la presse.
De toute façon, à aucun moment la Ligue n’a pensé aux joueurs, aux dirigeants, aux bénévoles ou même aux supporters.
J’imagine que vous avez été déçus par ce manque de solidarité des dirigeants des autres clubs de National ?
C’est comme ça ! Quand on se battait pour accéder en Ligue 2, ces présidents-là, ils n’étaient pas contre, hein. Mais maintenant qu’on arrive pour rejouer en National, là, on pose problème pour eux aussi.
Vous devez quand même avoir la sensation d’être seul au monde, lâchés par la Fédé, la Ligue et maintenant vos confrères de National qui ont fait le pressing pour que vous ne reveniez pas en National.
Tu sais, ces dirigeants des autres clubs de National, pour eux, on est juste un concurrent de moins. Si on peut écraser quelqu’un pour réussir, on le fait, c’est la règle. Parce que ces clubs, il ne faut pas oublier qu’on les a écrasés sportivement l’année dernière. On a été sur le podium toute l’année, avec toujours au moins dix points d’écart avec les quatrièmes. Pour eux, on représente clairement une menace. Mais je peux comprendre, c’est le business, hein.
C’est quelque chose qui te révolte, quand même ?
Forcément, car on sait qu’on est au milieu d’une injustice. Nous, on se bat pour un sport qu’on aime, pour un club qu’on aime et pour une aventure humaine qu’on a vécue tous ensemble. Et on brise tous nos rêves, tous nos espoirs. En plus, on parle de quelque chose qu’on avait gagné par nous-mêmes, sans rien devoir à personne.
Est-ce que cet épisode t’a dégouté du football ?
Non, j’aime trop le foot pour tenir ce sport responsable de ça. Ce n’est pas le sport qui est en cause. C’est le système qui veut ça. Moi, j’ai commencé très jeune en centre de formation, et dés le début, je savais que tout n’est pas tout beau, tout rose. Être footballeur professionnel, c’est accepter le système.
Les gens ne se rendent peut-être pas compte, mais là, avec la dissolution de l’équipe, c’est quand même 17 mecs qui se retrouvent au chômage, alors qu’ils étaient censés devenir professionnels…
C’est clair. Dans notre équipe, il y a des gens qui ont du mal à boucler les fins de mois. On ne parle pas de types qui se demandent quelle nouvelle voiture ils vont acheter ou quoi. On avait un joueur de 36 ans et cinq-six joueurs de 25 ans qui allaient signer leur premier contrat professionnel. De toute façon, à aucun moment la Ligue n’a pensé aux joueurs, aux dirigeants, aux bénévoles ou même aux supporters.
Et puis j’imagine que vous aviez inscrit des gamins à l’école, loué des maisons…
Bien sûr… Après, on est footballeurs, on sait qu’on ne signe pas de CDI, qu’on ne s’installe pas de longues années au même endroit. Mais par exemple, en montant en Ligue 2, j’avais trois ans de contrat, donc ça te permet quand même de voir venir les choses. Après, être reversés en National, ça ne nous réjouissait pas, mais au moins le club continuait à vivre et nous, on continuait à jouer au foot et à gagner nos vies. Là, on n’a plus rien. Tout s’est écroulé assez rapidement.
Tu sais ce que vont devenir les désormais anciens joueurs de Luzenac ?
Bah, à part aller chercher les documents nécessaires pour s’inscrire à Pôle emploi, je ne sais pas.
Toi, personnellement, tu as des pistes ?
J’ai quelques pistes, ouais, mais comme peut en avoir un gardien de but du bas de l’échelle professionnelle qui arrive sur le marché à la mi-septembre. Déjà, se retrouver sans club à la fin d’une saison, c’est compliqué. Mais alors se retrouver dans cette situation en septembre… En ce qui concerne mon poste, c’est encore plus compliqué, car c’est un poste dont on règle le cas au mois de juin, dés le début de la reprise. Après, j’espère quand même trouver quelque chose. Je suis tellement passionné par ce sport, c’est mon métier, ma vie. Et je veux continuer à exercer ma passion.
Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter, à toi et aux autres joueurs ?
De rebondir. De rejouer au foot et revivre des joies comme celles qu’on a connues la saison dernière. Car c’est ça le plus triste dans cette histoire. On en oublierait presque ce qu’on a réussi à faire lors de cette folle saison. Honnêtement, je pense que je préfère vivre tous les ans une montée du National à la Ligue 2 qu’un maintien de justesse chaque année en Ligue 2.
Neal Maupay, diaboliquement attachant