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Quand Lille se payait Parme

Morgane Carlier, Antoine Beneytou et Boris Teillet
6 minutes
Quand Lille se payait Parme

La saison 2000/2001, c'est la dernière avant la razzia lyonnaise. C'est aussi celle pendant laquelle un surprenant promu lillois vient accrocher la troisième place qualificative pour le tour préliminaire de la Ligue des champions. Une double confrontation folle où Johnny Ecker et sa bande avaient dû se débarrasser de Parme. Ils racontent.

8 août 2001, Lille se déplace au stade Ennio Tardini pour y affronter Parme. À peine promus, les Lillois viennent de décrocher leur premier billet pour les barrages de la Ligue des champions. De leur côté, les Parmesans ont encore en tête leur année 99 durant laquelle ils raflent 3 trophées : la Coupe d’Italie, la Supercoupe d’Italie et la Coupe de l’UEFA, remportée face à Marseille. « Au tirage au sort, on s’était dit qu’on avait peu de chances car en face, il y avait une sacrée équipe » , se remémore Grégory Wimbée. Marco Di Vaio, Hidetoshi Nakata, Fabio Cannavaro (capitaine) sont effectivement présents, tout comme Sébastien Frey (qui pousse Claudio Taffarel sur le banc), Sabri Lamouchi et Martin Djetou. Wimbée, encore : « Je me souviens du terrain pour nous entraîner à Parme… Une vieille pelouse de rugby toute pourrie, pas tondue. On s’est dit : « Bienvenue en Coupe d’Europe ! » Il n’y avait pas grand monde dans le stade et dès la poignée de main, on sent qu’ils se foutent de notre gueule. Forcément, on ne devait pas faire très peur. »

La patte Vahid

En effet, Ennio Tardini sonne creux ce soir-là. À peine 15 000 personnes garnissent les travées de l’enceinte qui peut en accueillir plus du double. Pour les Parmesans, Lille est une formalité. Oui mais voilà, aux manettes du LOSC, c’est coach Vahid. Le Bosnien a passé au crible les faiblesses des Italiens et a un plan bien précis pour faire tomber la bande à Cannavaro. Le stratagème de l’ancien buteur de Nantes et du PSG se déroule en trois points. Primo, Vahid sait que ce match arrive en pleine préparation physique pour les Transalpins. « Il nous avait prévenus qu’ils étaient dans les deux premières semaines de préparation et qu’ils avaient des charges énormes de travail, dures à évacuer, rappelle Johnny Ecker. Alors on se disait« Pourquoi pas ? » »

Secundo, mettre sur pied un 3-5-2 inédit, « alors qu’on n’avait jamais joué dans ce système » , se rappelle Greg Wimbée. « C’était pour qu’on puisse être en surnombre au milieu, attaquer par les côtés pour les faire courir et défendre à 5 quand on était en difficulté » , détaille Ecker qui insiste sur les qualités de « fin tacticien » de Vahid. Tertio, retourner le cerveau de ses gars : « Vahid a su nous faire croire, nous persuader même, qu’on avait nos chances » , explique l’ancien portier lillois. « C’est un match qu’on avait abordé avec sérieux et respect même si évidemment, dans ce genre de confrontation, on peut inconsciemment se dire que sans forcer, ça suffirait peut-être » , concède Lamouchi, à l’époque parmesan. De fait, les Italiens tiennent mieux le ballon, mais n’arrivent pas à percer la muraille lilloise. À la mi-temps, les deux équipes se quittent sur un 0-0.

« Laisse Bruno, c’est ma seule chance de signer en Italie »

C’est dès le retour des vestiaires que les choses s’animent rapidement. Sur son côté gauche, Christophe Landrin adresse un centre totalement dévissé qui lobe Sébastien Frey. Landrin s’apprête à ouvrir le score, mais c’est finalement Salaheddine Bassir qui vient pousser le ballon au fond des filets. On joue depuis deux minutes en deuxième mi-temps, Parme est mené et ne rigole plus. Le plan de Vahid fonctionne à merveille. Ce sont les Lillois qui font le jeu au cours de ce second acte. Jusqu’à la 80e minute et au plus beau moment de la carrière de Johnny Ecker. L’arbitre vient de siffler une faute à 30 mètres des cages de Sébastien Frey. Le maître à jouer nordiste, Bruno Cheyrou, s’apprête à le jouer vite pour décaler Christophe Landrin sur l’aile gauche. « Non, laisse Bruno, c’est ma seule chance de signer en Italie la saison prochaine. »

Qui voilà ? Johnny Ecker, qui a vu de la lumière et qui a décidé d’entrer dans le panthéon de l’histoire du LOSC. « Je lui ai dit ça en me marrant et il m’a dit« ok ». » Derrière, on est plutôt partagé. « Quand j’ai vu que Johnny Ecker voulait frapper direct, j’étais pessimiste. En plus, on savait qu’on n’aurait pas trop d’opportunités pour les inquiéter, donc je pensais que c’était bête de gaspiller en frappant à quarante mètres » , reconnaît Pascal Cygan, visionnaire. À l’inverse, depuis ses cages, Greg y croit, lui : « J’avais une confiance énorme en Johnny. » Décalé par Cheyrou, le Nîmois ne fait pas dans la dentelle : « Je l’avoue, j’ai tiré comme un bourrin. » « D’où je suis, je vois bien la trajectoire et de suite, je vois que le gardien est surpris et que ça va dedans » , se souvient Wimbée. « J’ai tout de suite senti qu’elle était bien partie » , ajoute Ecker. Bingo, face à la puissance de la frappe, Sébastien Frey doit s’incliner et Lille l’emporte 2-0.

Un retour très stressant

« Je pense que s’il n’y avait pas eu Vahid, on aurait tout cassé, car réaliser un tel exploit pour un premier match de Coupe d’Europe, c’était fantastique. Il a calmé nos ardeurs » , admet Cygan. Une version confirmée par le héros du soir, Johnny Ecker : « À la fin du match, Vahid nous est rentré dedans, il nous a prévenus que le retour serait terrible. Pour certains, on se voyait qualifiés et on se demandait qui on prendrait en Champions League. »

Mais le retour à Grimonprez-Jooris est irrespirable. Dès la demi-heure de jeu, Sensini ouvre le score pour Parme. « On n’arrivait pas à faire une passe à 3 mètres… Sur le but, je ne bouge pas » , se rappelle Wimbée. Morts de trouille, les Lillois naviguent entre deux eaux. « Avec deux buts d’avance, on ne savait pas s’il fallait attaquer ou ne faire que défendre » , précise Johnny Ecker. Puis vient la pause, où les murs du vestiaire nordiste tremblent : « Il s’est passé des choses, on s’est parlé dans les vestiaires et on est revenu comme des chiens sur le terrain. Si Parme voulait gagner, il fallait qu’ils nous marchent dessus » , assure l’ancien gardien. « Avec les quatre de derrière et les deux milieux défensifs, on s’est dit : « Maintenant on va à la guerre, Italiens ou pas, on met du bois » » , confie Ecker. Pas loupé. Parme pousse, mais Lille tient bon grâce à un public en feu et un Greg Wimbée en état de grâce. Le LOSC perd 1-0, mais se qualifie grâce à une victoire 2-1 sur l’ensemble des deux matchs. Et parce que toutes les belles épopées ont connu leur petit (gros) brin de chance, Johnny Ecker s’est souvenu : « Trois jours après, on va à Bordeaux en championnat et il y a un coup franc à 30 mètres placé pareil. J’ai senti que le public avait peur. Je l’ai pris, mais j’ai tué trois pigeons en frappant 25 mètres au-dessus. Je n’ai d’ailleurs plus jamais marqué. » Dans le fond, Pascal Cygan avait bien raison d’être pessimiste.

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