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Quand le Vélodrome accueillait le tirage au sort du Mondial 1998
Le 4 décembre 1997, la FIFA organise les prémices d’un événement prêt à écrire la plus belle page de l’histoire de l’équipe de France de football. Au cœur du Vél’, sommités, anciens internationaux, journalistes et spectateurs sont là pour enfin connaître la destinée des Bleus. Entre pléiade de stars, froid de canard et Blatter omnipotent.
Le 12 décembre prochain, les médias du Vieux Continent – et même d’ailleurs – seront braqués sur le Palais des Congrès à partir de 18 heures. L’Euro 2016 se tiendra dans tout l’Hexagone en juin prochain, il faut que cela se sache. Cependant, la France ne partira pas dans l’organisation de cet événement la fleur au fusil. La raison ? Elle est simple : il y a maintenant dix-neuf ans, la France connaissait la même responsabilité avec, déjà, une couverture médiatique finement travaillée. En ce 4 décembre 1997, l’avant-soirée offre un match de gala organisé par la FIFA au stade Vélodrome, avec un joueur pour chaque pays représenté au Mondial. Côté Europe, Fernando Hierro, Alessandro Costacurta, Paul Ince, Zinédine Zidane ou encore Patrick Kluivert sont coachés par Franz Beckenbauer. Côté reste du monde, Jacques Songo’o peut envoyer de longs dégagements à destination d’Hidetoshi Nakata, Gabriel Batistuta et Ronaldo, le tout sous les yeux avisés de Carlos Alberto Parreira. Le match se termine sur une large victoire du reste du monde (5-2), et lance définitivement la mécanique du tirage au sort.
Présentateur de la cérémonie retransmise par TF1, Roger Zabel garde encore en tête l’une de ses plus importantes prises d’antenne. « Pour le direct, j’étais accompagné de Carole Rousseau, rappelle le journaliste. Elle n’avait pas souvent entendu parler de football, et si mes souvenirs sont bons, elle réalisait son tout premier direct à la télé. On peut donc parler d’un baptême du feu à haut risque… À vrai dire, c’est dans les préparatifs que j’ai pris conscience de ce truc de fou qu’était l’organisation de la Coupe du monde. On allait s’adresser aux gens du monde entier. » Le grand soir est arrivé, la fête peut commencer.
Rousseau contre vents et marées
Si les téléspectateurs assis devant leurs écrans sont ravis d’enfin connaître les obstacles que devront passer leur sélection nationale en phase de poules, l’ambiance est autrement plus complexe à gérer en coulisses, même si tout part d’un bon sentiment. « Michel Platini (co-président du comité d’organisation du Mondial 1998, ndlr) et la FIFA souhaitaient s’installer au stade Vélodrome. Marseille, c’était aussi la capitale française du football. Ils souhaitaient donner une image diversifiée du football en France. » Forcément, la réalité du terrain devient vite un sacré challenge à relever, affluence oblige. « La scène du tirage était légèrement sur un virage, celui où les joueurs font leur entrée au Vélodrome, se souvient Zabel. Les tribunes n’étaient pas bondées, mais il y avait de l’ambiance. Je dirais bien 20 000 personnes. »
Des spectateurs, mais aussi du vent. Beaucoup de vent. Trop de vent. « Il faisait un froid ce soir-là, mais un froid… C’était terrible, avoue Zabel. Nous n’avions même pas fait une vraie répétition, parce que les conditions météo nous l’interdisaient. Le mistral, les Marseillais savent ce que c’est quand il souffle fort… Et bien là, c’était le cas. On m’avait ramené un manteau directement depuis Paris, parce que j’étais censé présenter en costard à la base. J’étais aussi allé m’acheter en catastrophe des sous-vêtements Damart contre le froid… C’était une vraie galère. » Pourtant, les deux présentateurs ne se débinent pas et font leur job comme prévu. Enfin, presque. « Je dois dire que j’étais scotché par la prestation de Carole Rousseau ce soir-là. Moi, j’avais un peu de bouteille, mais elle pas du tout. On a fait ça en direct, elle était en robe, complètement gelée… En plus dans le stade, vous aviez des mecs qui hurlaient « À poil, Carole ! » ou « Carole, t’es bonne ! » Bref, je crois qu’elle avait gagné tous ses galons de présentatrice dans une soirée comme celle-ci. » Zabel en prend plein les yeux, Rousseau plein les oreilles. Mais le show continue, toujours.
Youssou N’Dour et Axelle Red donnent le la
Sans tarder après ce match all-star, l’arrivée du trophée sur le bord de la pelouse suivi de la chanson Dans la cour des grands de Youssou N’Dour et Axelle Red met l’ambiance dans le stade. Mais là encore, il faut lutter contre les basses températures. Frigorifiée, la chanteuse belge parvient tout de même à réchauffer les cœurs phocéens. De son côté, Zabel se prépare mentalement pour éviter le pire. « On avait préparé un générique de début de cérémonie. Un ballon était sur scène avec un but. Je devais arriver, prendre quatre pas d’élan, puis frapper. C’était ma grosse trouille… Si je me retrouve sur le cul à ce moment avec mes chaussures de ville, c’est une honte au niveau mondial. » Heureusement, le ballon est bien botté. Viennent alors les premières grandes stars pour remuer les boules. Franz Beckenbauer se charge de tirer l’Italie en tête de série du groupe B, entre le Brésil en A1 et la France en C1. Un joli bazar peut débuter pour la FIFA, avec son capitaine à la barre. « Sepp Blatter, c’est le vrai maître de la cérémonie, retient Zabel. D’ailleurs, il faut le dire, ce type était vraiment balèze pour ce genre de choses. Avec toutes ces histoires de chapeaux, de poule A, B, C… C’était une prise de tête infernale. De notre côté, on a laissé ce bébé-là à Blatter, et il s’est démerdé. »
Un États-Unis – Iran tombe dans le plus grand des calmes, mieux vaut ne pas parler de ce type de rencontres à chaud. Zabel encore : « Quand on est sur scène, on ne se rend compte de rien. On ne réfléchit pas à qui tombe contre qui… Certes, j’ai peut-être une réflexion intérieure, mais on se retrouve pris dans la mécanique. La France aurait pu rencontrer la Bosnie ou le Brésil, j’étais à l’ouest complet ! Le but, c’est de faire la chose la plus propre possible, il ne fallait pas en rajouter des tonnes. Parce que dans tout cela, il y avait aussi un timing à respecter. J’étais dans mon trip : « Il faut assurer le machin, il ne faut pas se planter… » » Finalement, le rendu à la télé est bon, quand la France se retrouve avec l’Afrique du Sud, l’Arabie saoudite et le Danemark. Quant à Zabel, il peut souffler : « Je suis toujours un peu déçu de mon travail, j’ai besoin qu’on me rassure. Cette soirée-là, les échos avaient été plutôt bons. Disons que j’avais faire pire, mais que j’avais aussi fait mieux. Pour ce qui était de la France en revanche, si on m’avait dit qu’elle serait championne du monde quelques mois plus tard, je ne l’aurais pas cru… » They will survive.
La chanson de Youssou N’Dour et Axelle Red, au rythme du Mondial 98
Par Antoine Donnarieix