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Penalties, une mode de Caen

Par Aurélien Renault
5 minutes
Penalties, une mode de Caen

Avec 15 penalties concédés en seulement 28 matchs de Ligue 1 cette saison, le Stade Malherbe de Caen réalise une performance sans précédent en Europe. Entre coups du sort, manque d'expérience et maladresses, cet improbable exploit trouve forcément certaines explications.

92e minute du match entre Caen et Bordeaux il y a une semaine. Des Caennais réduits à dix résistent comme des morts de faim à la furia girondine pour conserver le point du match nul quand Olivier Thual, l’arbitre de la rencontre, porte le sifflet à la bouche. Trépignant dans sa zone technique, le coach caennais Patrice Garande comprend immédiatement que son équipe vient de concéder son quinzième penalty de la saison, en seulement 28 sorties. La faute cette fois-ci a une mimine légère quoiqu’existante de Dennis Appiah dans sa propre surface. Scène devenue coutumière en Ligue 1, l’entraîneur normand peste ouvertement et balance sa frustration jusqu’au banc bordelais auquel il va même jusqu’à demander de la fermer. Les esprits s’échauffent, mais à quelques mètres de là, Diego Rolán exerce la sentence en trompant Rémi Vercoutre, privant Caen d’un point qu’il aurait certainement mérité au regard de sa prestation, mais qu’il voit s’envoler – naïvement encore – faute de clairvoyance.

Si la petite querelle d’après-match entre Garande et Sagnol s’est appropriée toute l’attention, elle ne saurait pour autant masquer que tel un Messi enfilant les buts, le Stade Malherbe empile cette saison les penalties les uns sur les autres, au point de se bâtir un record sans précédent. Quinze penalties en seulement vingt-huit rencontres, c’est du jamais vu parmi les grands championnats européens. Les Caennais font largement pire dans ce domaine que Tottenham, plus mauvais élève d’Angleterre ou que le FC Séville, cancre de la Liga, avec sept penalties offerts chacun. En Ligue 1, les relégables Toulouse et Lens talonnent Caen, mais à… huit unités derrière. Et alors que la moyenne de fautes concédées dans la surface par équipe se situe aux alentours de 4,1 par match depuis le coup d’envoi de l’exercice 2014-2015, les Malherbistes pulvérisent cette statistique de onze penalties. Bien qu’il en ait stoppé deux – un de Fekir à Gerland, un de Batshuayi au Vélodrome –, Rémi Vercoutre a été en chercher 13 au fond de sa cage depuis août, soit près d’un tiers des buts encaissés par Malherbe (42) cette saison. Tout simplement hallucinant.

Une équipe malchanceuse et trop gentille

« Sur le banc, on me dit que le penalty est sifflé à 2 minutes 10 (de temps additionnel), alors qu’il y a 2 minutes d’arrêts de jeu, s’égosillait Garande en conférence après la défaite contre Bordeaux. Donc voilà, je suis juste allé voir l’arbitre parce que je ne sais pas si la psychologie fait partie de leur formation ou pas, mais moi, je n’aurais jamais sifflé ça. » Si le coach caennais a logiquement les nerfs à vif après la prestation courageuse des siens, il ne peut toutefois pas en appeler à une indulgence de la part du corps arbitral qui n’a à juger que les faits de jeu plutôt que la considération des efforts malherbistes fournis. Si l’équipe la plus méritante devait à chaque fois l’emporter… Troyes serait encore parmi l’élite aujourd’hui, par exemple. Plus sérieusement, les Caennais ont certes eu leur lot de malchance en début de saison face à Lille (0-1) avec la faute imaginaire du malheureux Appiah sur Origi sifflée par M. Desiage ou encore cette erreur litigieuse du même Appiah sur Ninkov à Toulouse (3-3). Mais ils ont aussi évidemment leur lot de responsabilités.

Alors, d’où vient le mal ? Les Calvadosiens jouent-ils avec un encombrant « poltergeist » ou s’agit-il tout simplement d’une maladresse incurable ? On ne concède évidemment pas autant de penalties par hasard. Pour certains, concéder de trop nombreuses fautes dans sa propre surface relève d’une agressivité trop accrue de la part des défenseurs. Alors, trop batailleurs les Caennais ? Curieusement, non. Si les Malherbistes sont en tête niveau penalties, ils sont tout simplement lanterne rouge du classement des cartons récoltés cette saison (31 biscottes et 4 exclusions). Les Bas-Normands sont les plus sages de la Ligue 1, avec Montpellier. Un étrange paradoxe qui laisse donc à penser que les joueurs de Garande manquent peut-être justement d’un chouïa d’agressivité dans le dernier geste pour le rendre plus tranchant et moins brouillon. Car à ce niveau, les détails comptent énormément.

Jeunesse et maladresse : le combiné gagnant

Si le manque d’expérience n’explique pas tout, il est toutefois très simple de constater que la moitié des penalties concédés par les Caennais l’ont été par des joueurs qui n’avaient jusque-là jamais posé le moindre orteil sur une pelouse de Ligue 1 : Damien Da Silva, Jordan Adéoti (responsables de deux penalties chacun) et évidemment le malheureux Dennis Appiah, formé à Monaco et qui a déjà concédé trois erreurs fatales dans sa propre surface. Si le comportement global de la défense caennaise a donné satisfaction depuis le début de la saison et si l’idée d’aller débaucher Da Silva et Adéoti d’une Ligue 2 qui les a révélés a globalement porté ses fruits, il y a encore ce petit palier que les néophytes caennais n’ont pas véritablement franchi. Garder son sang-froid quand on subit la pression adverse ou savoir ranger ses bras dans les dernières secondes d’un match à enjeu en font évidemment partie. La jeune garde peut toutefois se rassurer.

À Malherbe, la palme d’or des errances dans la surface revient en vérité à Alaeddine Yahia, certainement le plus expérimenté des joueurs défensifs caennais. Le Tunisien a déjà concédé trois penalties en 12 sorties sous le maillot rouge et bleu. Un penalty concédé tous les quatre matchs, ça fait lourd pour les Caennais, même si ses erreurs n’ont paradoxalement coûté qu’un point aux Normands (merci Vercoutre). Si l’expérimenté Yahia apporte sa clairvoyance et qu’il vaut certainement mieux qu’un Jean-Jacques Pierre (2 penalties concédés) envoyé à Angers, car devenu trop juste pour la Ligue 1, il est réclamé à l’ancien Lensois un peu plus de sérénité. Car, au total, sans cette guigne dans les 18 mètres, les Caennais auraient pu sauver neuf points et occuper aujourd’hui une virtuelle 6ème place. Du maintien à l’Europe. Alors oui, quinze penalties, ça change la vie. Le pire, c’est que ce n’est peut-être pas fini.

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Et si Gyan n’avait pas tiré le penalty d’Uruguay-Ghana en 2010 ?
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Par Aurélien Renault

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