- France – Ligue 1 – Le joueur de la 26e journée
Oniangué, enfin Prince de la ville
Ce n'est pas une revanche, mais un rendez-vous avec le destin. Cinq ans après avoir touché le plus haut niveau du doigt avec le Stade rennais, Prince Oniangué, 25 ans, crève enfin l'écran avec Reims. Passé par la Ligue 2, l'international congolais sait mieux que quiconque que rien n'est acquis. Ce qui ne l'empêche pas d'avoir des ambitions.
Triste et frustrante activité qu’est le vrai lèche-vitrine. Flâner devant les boutiques, s’imaginer avec une nouvelle tenue, le tout sans pouvoir acheter, c’est assez pénible. Cette situation existe également en football. Formé au Stade rennais, « dans un milieu de requins où un ami d’aujourd’hui pourra vous faire une crasse demain » selon un dicton de formateur qu’il n’oubliera jamais, Prince Oniangué a touché du doigt le haut niveau en terres bretonnes. Quelques apparitions au sein de l’élite, des voyages exotiques en Intertoto et même une finale de Coupe de France contre Guingamp en 2009. Alors âgé de 20 ans, le milieu de terrain longiligne (1m90) a de quoi être optimiste sur son avenir. Mais un embouteillage dans l’entrejeu rennais le pousse à reculer pour mieux sauter. Après quatre saison passées en Ligue 2, entre Angers et Tours, Prince retrouve le haut niveau qu’il n’avait goûté qu’en amuse-gueule. À 25 ans, Oniangué revient de loin et donne raison à ce grand classique du 113 : « On est jeune et ambitieux, parfois vicieux, faut que tu te dises que tu peux être le Prince de la ville si tu veux, où tu veux, quand tu veux » .
Big Red Corvette
Oniangué est devenu un peu plus Prince ce week-end, sur le Rocher, à Monaco. Auteur d’un doublé vain lors de la courte défaite de son bon Stade de Reims face aux Monégasques (3-2), l’international congolais s’affirme de plus en plus comme l’une des bonnes surprises de la saison. Joueur possédant ce fameux profil de « box-to-box » , Oniangué récupère, percute, se projette et plante des buts. Une qualité que l’on ne lui connaissait pas vraiment au Stade rennais. « À l’époque où il était chez nous, ce n’était pas son fort. Ce qui séduisait, c’était ses prises d’initiative dans le jeu. On aurait dû lui laisser plus de temps » regrette Patrick Rampillon, responsable de la formation bretonne, dans les colonnes de L’Équipe. Le temps, l’intéressé l’a donc pris en Ligue 2. 114 matchs disputés dans l’antichambre de l’élite en guise d’apprentissage lors desquels Oniangué travaille humblement sans jamais oublier son but : regoûter au haut niveau. « Une deuxième chance en Ligue 1, c’est presque unique. Oniangué doit la saisir » prévenait d’ailleurs Hubert Fournier en début de saison. Hermétique à la pression et trop conscient d’avoir son rêve et sa revanche entre les pieds, le gaillard souriant de 25 ans donne satisfaction. Avec déjà 7 buts cette saison, il est avec Mandi ou Krychowiak le symbole d’un Stade de Reims qui séduit la France du football. Un homme « consciencieux, travailleur et à l’écoute » selon Hubert « coach Taylor » Fournier.
Purple rain
Oreille attentive au moment de recevoir des conseils, Prince sait également en distiller, notamment à son petit frère Giovan, l’autre grand gaillard de la famille Oniangué, qui a, lui, opté pour le basket-ball. Ailier-fort au Paris Levallois, en Pro A, le gamin de 22 ans sait qu’il peut compter sur son frangin. Oui, trop conscient de l’incertitude permanente qu’est la vie du jeune sportif, Prince peut décrocher son téléphone à tout moment pour la famille. Outre cet amour et ces qualités communes pour le ballon orange – Prince shoote la balle très correctement – The Oniangués partagent une histoire familiale chargée. Si le plus grand a quitté le Congo plus tôt que le petit, ils partagent tous deux le souvenir douloureux du 25 décembre 1993. Ce jour-là, leur père, garde du corps du Président de la république Denis Sassous-Nguesso, est victime d’un attentat et reçoit neuf balles dans le corps. Rapatrié en France, le paternel survit miraculeusement et suit aujourd’hui avec fierté le succès de ses deux sportifs de fistons. Cinq ans après ses souvenirs rennais, Prince croque le haut niveau à pleines dents dans un club qu’il considère comme une famille, sous les yeux attentifs d’un miraculé de père rentré au Congo. Avant peut-être d’aller voir plus haut. Tant que comme un autre Prince sur scène, il est Sexy Mother Fucker sur le terrain, il n’a plus aucune raison de faire du lèche-vitrine.
Par Swann Borsellino