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On était à Boulogne – Quevilly
L'US Boulogne, National, recevait l'US Quevilly, CFA, en match de préparation hier au stade de la Libération. On a été voir s'il faisait toujours aussi beau dans ce coin de pays. Compte-rendu depuis la tribune Franck Ribéry.
La Friterie « Dédé » marque l’entrée Nord de Boulogne-sur-Mer. La route plonge sur le port, le soleil fait pétiller l’eau ridée de voiles, sur la plage largement découverte par la marée basse courent des joggeurs. Le tableau a quelque chose des maîtres flamands, à peine entaillé par la masse difforme de Nausicaá – l’aquarium, pas la princesse de l’Odyssée. L’accès Nord répond joliment à celui du Sud, où la gare SNCF, grise et terne, signale la frontière entre le premier port de pêche français et la tristement célèbre ville d’Outreau. Ici, au septentrion, le chemin passe devant le bassin Napoléon et son cliquetis de haubans, grimpe vers la vieille ville, serpente autour des fortifications, dépose au stade de la Libération, couvé du regard par Notre-Dame-de-l’Immaculée-Conception, une basilique. Clémence distribue, entre deux sourires, les billets pour la tribune Franck Ribéry.
Nénesse et Mauricette, en rouge et noir
À l’entrée, Nénesse et Mauricette sont immanquables. Nénesse, fils de Nénesse, illustre des Ch’tis boulonnais, arbore un T-shirt « Meilleur public de Ligue 2 2010-2011 » ; Mauricette trimbale son mégaphone, agrippée au bras de son futur époux : ils se marieront le 5 septembre prochain « en rouge et noir ! » L’arrivée dans la tribune en pierre dédiée à Ch’ti Franck ne passe pas inaperçue. Ils serrent des pinces à tout-va, saluent un enfant par ci, un ancien par là. « Va pas trop loin ! » , crie Mauricette à Nénesse. Lui obéit, s’assoit, déballe un paquet de chips, fait chauffer le mégaphone. Il va vriller les tympans pendant 45 minutes d’un chant unique. Ce qui ne perturbe pas outre mesure le gamin Baptiste, fervent commentateur de chaque action boulonnaise, qui invite son père à regarder le « panneau d’affichement » annonçant la mi-temps à venir. Sur le terrain, ça fait 2-0 pour les locaux.
Depuis la buvette, en surplomb de la tribune, les friteries « Sensas » rappellent le record du « plus gros cornet de frites au monde » : 6 225 kg à Hazebrouck en 2013. « Six tonnes, vindious ! » Sur l’autre versant, le soleil se couche paresseusement sur le clocher de la basilique. Ambiance bucolique, bercée par les conversations mâtinées d’accent local, simple et chaleureux. Jusqu’à la reprise du match : la sono crache un remix techno de la BO de Pirates des Caraïbes au goût plus que douteux. Les quelque 900 spectateurs présents reprennent leurs places, les Red and Black ressortent le tambour.
Ligue 1 et club familial
Les Red and Black, c’est ce groupe « nouvelle génération » de jeunes aspirant à redorer l’image des habitants du coin : « Le truc, c’est que les gens ont une mauvaise image de nous, une image d’abrutis. C’est ça qu’on veut changer, les jeunes, avec de nouvelles animations, de nouveaux chants. » Et de repartir sur un « Notre ville, c’est aussi notre fierté / La Libé’, notre enceinte bien-aimée ! » à gorges déployées. Ils sont cinq. Mais rappellent qu’ils n’entament que leur seconde saison, après avoir fait l’intégralité des déplacements de la première et après avoir terminé à une vingtaine de membres. « Nous, on ne veut absolument pas de la violence. On est là pour encadrer les jeunes. Après, si des gens viennent avec des insultes qui ne servent à rien, on est là pour les faire taire. Les Dunkerquois, par exemple. Ils se prennent pour des ultras parce qu’ils ont une amitié avec Reims. Mais nous, on est plutôt cool. D’ailleurs, le huis clos du prochain match, il concerne la tribune présidentielle (pour une histoire de crachat sur l’arbitre, ndlr) ! »
Le passé récent du club ressort, entre nostalgie et amertume : « La montée en Ligue 1, c’était de la folie. 4-0 contre Amiens au dernier match, le stade, le centre-ville plein… Une fête ! » La Ligue 1 qui aurait aussi fait beaucoup de mal au club, selon les dires de Seb’ : « La Ligue 1, ça a tout détruit. Les gens se sont habitués à des stars, ils voulaient voir de grands joueurs. Alors que nous sommes un club familial. Je vais te dire, je prends plus de plaisir avec les joueurs de CFA ou de National qui donnent tout sur le terrain. » La CFA, Joël s’en souvient : « Putain, les matchs contre Calais avec les Corsaires (ancien groupe boulonnais, ndlr), c’était énorme ! Le stade était plein à crever, il y avait une vraie rivalité. J’étais gamin, mais j’en ai vu des pierres voler ! »
Et demain ? L’objectif est d’abord le maintien rapide pour cette valeur sûre du National, qui tourne à 3 000 spectateurs de moyenne. Et plus si affinités : « Grégory Thil va peut-être revenir. C’est une idole ! 100 buts en 6 saisons, de la CFA à la Ligue 1. Avec lui devant, on aura un pilier à chaque ligne : Fabre au but, Argelier en défense, Ducasse au milieu, et Greg pour finir. Il a 35 ans, mais ça reste un grand. » En attendant, le match se termine sur le 2-0 de la mi-temps. Pas de revanche pour Quevilly, sorti sur le même score en 8e de finale de Coupe de France en février dernier. Chacun va reprendre sa route, en CFA pour le nouveau US Quevilly Rouen Métropole, en National pour l’US Boulogne Côte d’Opale. Séb’ lance l’invitation : « Tu reviens en championnat, hein ! Quand tout le groupe sera là. À partir de 18 heures, on est là, derrière le stade ! » D’accord, mais pas en février.
Par Eric Carpentier