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On a retrouvé Yves, le Calaisien qui avait « perdu sa femme » au stade

Par Florent Caffery
On a retrouvé Yves, le Calaisien qui avait «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>perdu sa femme<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>» au stade

Pendant que Calais entre dans la légende de la Coupe de France en battant Bordeaux en demi-finales de la Coupe de France 2000, Yves déguste son quart d’heure de gloire au bistro. Devant les caméras de France 3, il jure avoir perdu sa femme au stade et espère la retrouver. Deux décennies plus tard, le retraité compile deux millions de vues sur les réseaux. Retour, avec le principal intéressé d’un scénario à la Very Bad Trip, sur une épopée où il s’est aussi mis à nu sur un terrain et a envoyé sa Peugeot 309 à la casse après la finale. Mais une question demeure, a-t-il retrouvé sa femme ?

Sur le parking de Bollaert, Yves Levis est bouillant ce 12 avril 2000. Quelques minutes plus tôt, le Calais RUFC a provoqué une énième déflagration. Le champion de France bordelais est envoyé au tapis, le club de quatrième division file au Stade de France, en finale de la coupe. C’est l’ivresse collective et l’ivresse tout court. « Après le match, chaque bus avait un numéro sur le pare-brise, mais il y en avait 500 ce soir-là, rejoue 21 ans plus tard Yves, clope au bec après s’être servi un petit jaune bien frais. Avec la fête, j’étais dans un état avancé. Je vois des gens monter dans un bus, je grimpe dedans. » La probabilité de s’être gouré est à son maximum. « Je me retrouve avec des supporters que je ne connais pas, mais c’est la folie, on s’embrasse, on chante, on vit notre plus belle vie. Et là quelqu’un me dit que je me suis trompé de bus. » Ce qu’il ne sait pas, c’est qu’une dizaine d’heures plus tard, il se retrouvera devant les caméras de France 3 à raconter qu’il a perdu sa femme après « une nuit d’enfer » et que deux décennies plus tard, il entrera au Panthéon des légendes du supportérisme avec deux millions de vues sur les réseaux sociaux.

Avoir le foie et la foi

Lointain cousin d’Alan dans Very Bad Trip, la barbe touffue en moins, Yves a lâché les chiens en ce soir de printemps. Son théâtre des possibles est loin du Strip le plus connu du Nevada et plutôt à la croisée de Lens, l’autoroute A26 et Calais. Mais avant le mal de crâne douloureux du lendemain matin, mieux vaut reprendre l’intrigue par là où elle a débuté. « Cette demi-finale avait démarré dès le matin », cadre le Calaisien. Pour décor, le café de Dunkerque, à deux foulées de Julien-Denis, l’antre du CRUFC. « C’était dingue ce qu’on vivait. J’ai toujours été supporter du CRUFC, même de l’US Calais avant la fusion avec le Racing en 1974. » Pas le plus dégourdi sur un terrain – « la première tête que j’ai faite m’a assommé, ce n’était pas mon truc » -, Yves est au climax de ses émotions.

C’était plein à craquer. Nous devions faire masse pour supporter notre club. Même les mamies qui n’en avaient rien à faire du foot étaient emballées.

La ville bouillonne, 500 bus s’apprêtent à quitter la cité des Six Bourgeois pour le bassin minier. « C’était plein à craquer. Nous devions faire masse pour supporter notre club. Même les mamies qui n’en avaient rien à faire du foot étaient emballées. » Le foie, lui, est bien amarré : « Mon Dieu, les coffres des bus, ils étaient pleins aussi.(Rires.)Parfois, les chauffeurs étaient obligés de refuser. Chacun ramenait son pack de 24 bières de Kronenbourg, Leffe ou 1664 et mettait son nom dessus pour ne pas qu’on leur vole. » Avec sa femme Annie, elle aussi de la partie, Yves rallie Lens. Dans la tribune Marek, c’est le feu, les hommes de Ladislas Lozano font sauter les coutures bordelaises en prolongation. « On n’y croyait pas, voir Calais en finale de Coupe de France, faut imaginer le truc quand même… »

On se serait cru à la Libération. Mais au lieu des blindés avec les Américains, nos héros étaient nos joueurs.

Pékin Express sauce calaisienne

La suite ? Ce mauvais choix de bus donc, et le père de famille (il a trois enfants) qui laisse sa femme en plan. « Je l’avais oubliée(Rires.)À un moment, on s’arrête à Saint-Omer(à une quarantaine de kilomètres de Calais, NDLR).Je croyais à un arrêt pipi, mais les gars descendent. C’était le terminus. » Yves est bloqué à deux heures du mat’, à 40 bornes de chez lui, sans nouvelles d’Annie, mais il en faut plus pour le remuer. « Deux supporters qui étaient bien fatigués eux aussi ont pris leur voiture pour me ramener à Calais. Enfin, j’ai bu quelques verres avec eux avant de repartir hein, je n’allais pas leur gâcher la fête. » Il finit par débouler rue Royale, à Calais Nord, « où c’était noir de monde. On se serait cru à la Libération. Mais au lieu des blindés avec les Américains, nos héros étaient nos joueurs. J’y reste jusqu’à quatre-cinq heures environ. »

Quand je leur dis que j’ai perdu ma femme, je ne fais pas gaffe, c’est pour blaguer. Je me doutais bien qu’elle était rentrée à la maison. Enfin, je l’espérais.

Le puzzle se reconstitue, Yves savoure, mais décide, à l’aube, de la jouer professionnel. Il file à sa formation d’électricien, à l’autre bout de Calais. « Je ne suis pas changé, j’ai encore la perruque et le maquillage qui coule. Mon chef m’a dit : « J’te laisse une journée de repos, c’est bon. »Du coup, je suis reparti boire un coup au café des Canaris, à côté du stade. Et c’est là que je vois les journalistes de France 3. Quand je leur dis que j’ai perdu ma femme, je ne fais pas gaffe, c’est pour blaguer. Je me doutais bien qu’elle était rentrée à la maison. Enfin, je l’espérais.(Rires.) » Annie, justement, est dans le canapé quand elle voit Yves au journal télévisé. « Je me demandais ce qu’il racontait encore. Franchement, je ne me suis même pas inquiétée ce soir-là, il a toujours été comme ça. Il allait bien finir par rentrer, même si, encore une fois, il n’avait pas été raisonnable. » Le couple, marié depuis 45 ans, qui s’envoie encore quelques pralines sur fond de « c’est moi qui te supporte depuis toutes ces années », finira par se retrouver à la mi-journée de ce lendemain de demi-finales. Frais comme un gardon, Yves is back. « J’avais la quarantaine à l’époque, il ne m’a pas fallu deux jours pour m’en remettre, j’étais alerte et rien ne nous faisait peur. » « Il a fait trop de conneries », reprend de volée Annie, qui sent bien que son mari en avait sous la semelle durant cette épopée calaisienne.

Tout le monde sautait sur la voiture, j’étais balloté dans tous les sens, les gens s’accrochaient aux galeries. J’ai dû ramener la voiture à la casse, mais on s’en fichait, on vivait un truc extraordinaire.

Fangio le streaker

Comme durant les premiers tours où Yves décide de les poser sur la table pour amuser la galerie : « J’ai proposé à mes copains un pari où je me foutais à poil et je faisais le tour du terrain. Ils ne m’en croyaient pas capable, mais il ne fallait pas me le dire deux fois. » Yves se désape, s’octroie une « ola devant la tribune » avant « qu’une fliquette n’enlève son blouson pour le mettre sur moi. Je n’ai pas vu la fin du match et j’ai passé quelques heures au poste jusqu’au lendemain ». Relâché sans poursuites, le Calaisien goûte à nouveau à la folie juste après la finale perdue face à Nantes. Sa Peugeot 309 en porte encore les stigmates.« J’ai voulu faire le Fangio en passant à travers la foule rue Royale. Mais tout le monde sautait sur la voiture, j’étais balloté dans tous les sens, les gens s’accrochaient aux galeries. J’ai dû ramener la voiture à la casse, mais on s’en fichait, on vivait un truc extraordinaire. »

Retiré dans la campagne calaisienne dans son mobile-home, au milieu de la nature et loin d’Internet, Yves, 64 balais, s’appuie sur ses petits-enfants pour replonger dans ces images du passé. « Combien de fois ils m’ont dit : « Grand-père, on revoit sur les réseaux le moment où tu as perdu grand-mère. »La bonne époque où tout le monde était gai, heureux, on n’avait pas cette connerie de Covid. Depuis cette période, nous n’avons plus connu un tel moment de fête. » Restent les souvenirs, « les journaux et cette bouteille de vin rouge aux couleurs du CRUFC que je n’ai jamais ouverte ». Au moins celle-là, il ne l’a jamais perdue.

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Par Florent Caffery

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