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« Nous devons être une valeur ajoutée pour les clubs masculins »

Propos recueillis par Valentin Pauluzzi
7 minutes
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Elle est la meilleure joueuse italienne de tous les temps et continue de martyriser les défenses adverses du haut de ses 40 ans. Patrizia Panico a aussi décidé de mettre sa notoriété au service d'un foot féminin transalpin très en retard par rapport aux nations phares.

Il paraît que vous étudiez les sciences de la communication car fatiguée de répondre aux mêmes questions. Bonjour la pression !(rires) Mais non, il n’y a pas de soucis à se faire et je dois passer encore deux examens pour obtenir mon diplôme !

Comment vit-on le fait d’être la meilleure joueuse italienne de tous les temps ?Sincèrement, je n’y pense pas vraiment. C’est sûr que c’est gratifiant de sentir l’estime de nombreuses personnes, mais je tends à ne jamais penser à ce que j’ai fait, ou à ce que je fais. J’ai la chance de pratiquer un sport qui me plaît et d’en avoir fait mon travail, rien de plus.

Dès l’âge de 12 ans, vous jouiez avec les seniors. Compliqué, non ?Ah ça, j’en ai pris des coups, et ça m’a forgé. Mais d’un autre côté, j’étais un peu la chouchoute de toutes mes coéquipières. Il ne fallait pas qu’un adversaire fasse faute sur moi, car elles venaient de suite demander des explications. Cela dit, je viens de la rue, des quartiers de Rome, donc j’avais déjà une carapace pour évoluer avec des joueuses beaucoup plus âgées.

Vous étiez déjà attaquante ?Non, j’ai débuté ailier, et ensuite, on m’a fait jouer milieu de terrain, c’est seulement en Serie A à la Lazio que l’on m’a transformée en avant-centre.

Vos statistiques sont impressionnantes, avec de nombreuses saisons à 40 buts en 30 matchs, quel est votre record en une seule rencontre ?(Elle réfléchit) Je n’en ai aucune idée en fait, 6, 7, peut-être 8.

10 ?Non quand même pas !

10 comme le nombre de Scudetti que vous avez remportés, et avec 5 équipes différentes qui plus est.Oui, mais je ne me suis pas tatoué une étoile pour commémorer ça (rires).

Pourquoi n’êtes-vous jamais allée dans des championnats plus relevés hormis une petite escapade aux USA ?J’ai reçu des offres d’Allemagne, Suède, Danemark, Japon et Corée du Sud, mais j’estime que si les meilleures joueuses italiennes s’en vont, le championnat italien en pâtit et s’appauvrit. Je milite pour l’inverse, faire venir des étrangères pour progresser.

C’est un comportement altruiste, mais avec le recul, vu que votre championnat a stagné, vous auriez peut-être dû être plus égoïste, non ?C’est un choix de vie pour essayer de faire progresser la Serie A féminine. C’est certain que ça aurait été sympa d’aller à l’étranger et gagner par exemple une Ligue des champions, mais je ne sais pas si je l’aurais sentie mienne, elle n’aurait pas été italienne. J’admets avoir un discours un peu patriotique. Si nos meilleures joueuses italiennes vont à l’étranger, elles ont plus de chances de gagner des titres prestigieux, mais le foot italien n’en tire aucun bénéfice.

Même pas l’équipe d’Italie ?Je ne pense pas, j’en ai vu des collègues partir, et je n’ai pas remarqué de différences. C’est par exemple le cas de Sara Gama qui a passé plusieurs saisons au PSG.

D’ailleurs, vous avez tout raflé en club, mais en sélection, c’est loin d’être le cas.Effectivement, tout juste une finale de l’Euro en 1999. La différence est trop importante avec les équipes nord-européennes, mais aussi Canada, USA et Japon. Les derniers Euros que l’on a disputés, on est tombées à chaque fois contre l’Allemagne et on est sorties en quarts. Il faut aussi une part de chance, car je considère que nous faisons au moins partie du top 8 européen. Mais bon, j’ai pris ma retraite internationale après les qualifications de la dernière Coupe du monde, c’est donc trop tard pour moi.

Vous avez déclaré : « L’hymne m’émeut, mais je le chanterai lorsque la société italienne aura plus de considération et de respect pour les femmes. » L’Italie est très en retard sur ce point. Dans tous les secteurs, les femmes doivent trimer trois fois plus que les hommes pour arriver à certains postes à responsabilité. C’est le cas en politique, ou pour les dirigeants des grandes entreprises, mais aussi dans le sport et le foot. L’an dernier à la Fiorentina, le team manager était une femme, mais il s’agissait d’une exception.

Et Barbara Berlusconi au Milan ?(Sourire) Il ne s’agit pas de méritocratie. Dans d’autres pays, il y a des collaboratrices féminines dans le football, en Italie, c’est très compliqué. On peut parler de discrimination.

En France, le foot féminin a le vent en poupe, tandis qu’en Italie, les filles sont obligées de menacer de faire grève pour obtenir leurs quelques revendications. Je n’étais pas pour une action aussi forte. Il y a des règles à changer, des petits points à conquérir, mais il faut le faire politiquement et pas via ce genre de manifestations. Je crois même que la menace de grève a été instrumentalisée et que notre message n’est pas passé.

Vous attendiez-vous à une solidarité venant du foot masculin ?Il y avait un petit espoir. On peut parler de parité d’opportunité et de traitement, mais sans solidarité entre footeux et footeuses, cela n’arrivera jamais. Et si les premiers à s’en foutre sont les joueurs, tout se complique. Je répète, l’espoir était là, mais je savais que rien ne serait arrivé.

Paradoxalement, malgré le peu de moyens à disposition, la Squadra Azzurra féminine résiste à une belle 13e place au classement FIFA. On pourrait parler de génétique. Ici, le foot est vécu à 360 degrés, et les talents naissent naturellement, car les familles se nourrissent de pain et de football. Le problème survient après, car jusqu’à 16/17 ans, il n’y a pas encore cette différence entre les Italiennes et les meilleures nations. Preuve en est, la troisième place lors de la Coupe du monde U17. Mais à 20 ans, la transalpine doit choisir entre bosser, étudier ou cultiver sa passion. Disons que les ressources techniques sont là, mais qu’elles sont gâchées.

En attendant, la Fiorentina est le premier club italien à posséder une section féminine officielle, la Fiorentina women’s.Oui, mais nous restons une anomalie. La Fiorentina nous permet de nous concentrer exclusivement sur le football et elle s’occupe du reste, c’est déjà beaucoup. Elle croit en nous comme une valeur ajoutée et ne nous considère ni comme une charge ou une obligation. J’espère que tous les autres clubs féminins réussiront à nouer ce genre d’accords. C’est en train de venir avec Cesena, le Hellas, l’Udinese, la Lazio. Cependant, j’insiste, il ne faut pas que cela soit une charge, il faut une volonté de développer les sections féminines et ne pas les laisser dans un coin.

On peut dire que vous êtes une sorte d’ambassadrice ?C’est cela. J’ai toujours été disponible pour parler du foot féminin hors terrain et je comprends la stratégie du club, car c’est difficile d’attirer des spectateurs sans quelqu’un ayant un peu de notoriété. Je suis très honorée d’avoir ce rôle et de porter ce message à Florence.

Vous avez récemment intégré le Hall of Fame du football italien, alors que vous êtes encore en activité. C’est un beau sentiment, même si ça veut dire que je vieillis. J’ai 40 ans et je le sens, pas sur le terrain, mais en dehors, car je supporte de moins en moins l’approximation dans le foot féminin, alors qu’à 20 ans, les problématiques vous passent au-dessus de la tête.

Parlons aussi de votre engagement en faveur de la lutte des droits LGBT. En France, le mariage pour tous a été adopté, c’est pour quand en Italie ?Oula ! On a énormément de retard, il n’y a même pas une union civile, un équivalent de votre PACS. Malheureusement, ici, il y a un petit État qui s’appelle le Vatican, ainsi qu’une forte présence ecclésiastique, c’est un sacré obstacle. On doit s’adapter aux autres pays européens, je ne pense pas qu’on puisse rester à la traîne malgré la présence du Vatican. Je suis pour le respect de tous, tant que cela n’envahit pas mon espace personnel. Je déteste entendre les personnes qui parlent de tolérance à propos de ce sujet. Il n’y a rien à tolérer. La tolérance implique que l’on doit supporter quelque chose, et ce n’est pas juste. Une personne doit être jugée pour ce qu’elle est et non pour son orientation sexuelle, sa religion et la couleur de sa peau.

Pour finir, un mot sur la dernière finale de l’US Open entre Flavia Pennetta et Roberta Vinci ?C’était le sommet de l’orgueil féminin ! Je les en remercie encore aujourd’hui, elles ont porté haut et fort les couleurs de l’Italie, mais surtout de la femme italienne.

Retrouvez le reportage sur la Fiorentina dans SOFOOT CLUB#18, actuellement en kiosque

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Propos recueillis par Valentin Pauluzzi

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