- CAN 2013 – Groupe B – RD Congo/Niger
Mputu, le trésor du Congo
Buteur lors du premier match face au Ghana, le capitaine congolais Trésor Mputu est un sacré coco, imprévisible pour le meilleur comme pour le pire. Considéré comme le meilleur joueur évoluant en Afrique depuis pas mal de temps, il n’a encore jamais eu sa chance en Europe, la faute à sa réputation d’ingérable. Récemment suspendu un an pour violence, il assure avoir changé et se dit prêt à quitter son club le TP Mazembe, où il est un Dieu vivant. La CAN est un bon moyen de la prouver.
« Un génie » , « un talent pur » , « un joyau » , « une pépite » ou encore – le meilleur pour la fin – « le nouveau Samuel Eto’o » . Un joueur de foot né sur le continent africain affublé de tels compliments, dans quasi tous les cas, il fait le voyage en Europe alors qu’il n’a pas encore atteint sa majorité, a la gueule encore barbouillée d’acné et possède l’extrême timidité d’un ado arraché au monde de son enfance. Ce qui n’est clairement pas le profil de Trésor Mputu, 27 ans, une carrière de footballeur qui s’éternise depuis une bonne décennie chez lui au Congo, le front déjà plissé de quelques rides et une grande gueule pouvant allègrement rivaliser avec celle d’une poissonnière de Ménilmontant. Au vrai, l’attaquant est une anomalie, l’une des seules grandes stars du foot à évoluer sur le continent africain, une idole avec tout ce que le terme implique d’excès et de débordements. En club comme en sélection, chacun de ses matchs, de ses exploits et de ses buts est un évènement. Avec lui aux avant-postes, le Tout Puissant Mazembe s’est hissé parmi les meilleures formations d’Afrique, se montrant capable de rivaliser avec les traditionnels grands clubs d’Égypte, de Tunisie et du Maroc.
Arbitre tatané, 12 mois à l’ombre
Sur un terrain, Mputu dégage un sentiment inné de supériorité. Sans ballon, il sait se placer pour le recevoir dans les meilleures conditions. Avec, il sait porter le regard vers le but adverse autant que vers les possibilités de passe en direction d’un coéquipier en meilleure situation. Mputu est un GPS, positionné en électron libre en club comme en sélection, où sa polyvalence et son intelligence sont considérées à raison comme indispensables par Claude Le Roy. Le jeu de mots est facile mais approprié et nullement exagéré : Mputu est un trésor. Du moins tant que le jeu se déroule. Car en dehors, ce n’est plus la même limonade. Et c’est certainement la raison pour laquelle aucun club européen n’a encore pris le risque de l’enrôler. Sur le dossier-bilan des nombreux recruteurs venus l’observer, la case des « plus » où doivent figurer ses multiples talents footballistiques est forcément contrebalancée par un gros « moins » : sa réputation d’ingérable caractériel. Le mec a quand même réussi l’exploit de se faire suspendre 12 mois entiers par la FIFA suite à un dérapage lors d’un tournoi amical en août 2010. Il faut dire que ce n’était pas n’importe quel dérapage, puisque Mputu, mécontent de se voir refuser un but, s’énerve, récolte un rouge et pète carrément les plombs, coursant l’arbitre comme un dératé sur la pelouse et lui balançant ses crampons dans la tronche, bien aidé dans cette vile entreprise par un coéquipier.
« Jésus mon sauveur »
Ce coup de sang particulièrement violent lui a coûté très cher, avec une saison blanche, un forfait pour la Coupe du monde des clubs, que le TP Mazembe a terminée comme finaliste, et des possibilités de transfert qui ont forcément capoté. Deux ans auparavant déjà, en 2008, Mputu avait failli signer à Arsenal, Wenger se montrant satisfait des qualités montrées par le garçon lors de l’essai qui lui avait été accordé. Mais au dernier moment, l’affaire ne s’était pas faite. À l’époque déjà, bien avant la suspension d’un an, le joueur se trimbalait cette mauvaise réputation, sa première grosse compétition internationale – la CAN 2006 – s’étant terminée avec un carton rouge direct récolté lors du deuxième match face à l’Angola pour avoir frappé un adversaire. Mais depuis la fin de sa suspension en 2011, Trésor l’assure : il a « changé » . En bien, évidemment. Le joueur est resté le même, marquant au bout de 46 secondes de jeu seulement lors de son retour à la compétition, tandis que l’homme aurait mûri, se disant prêt à tenter l’aventure européenne, avec une préférence pour l’Angleterre ou la France. Il faut dire qu’avec le TP Mazembe, il n’a plus rien à prouver. Élu meilleur joueur africain de l’année 2009, l’attaquant congolais a remporté deux Ligues des champions et détient désormais le record des buts inscrits sur les compétitions continentales : plus de 40. Capitaine en club et en sélection, Mputu semble désormais se tenir à carreau, attendant patiemment de pouvoir faire parler de lui en Premier League ou en Ligue 1. Sa seule incartade l’an dernier ? Une amende de 5 000 dollars réclamée par la CAF pour avoir exhibé un calbute où était inscrit « Jésus mon sauveur » après avoir inscrit un but lors d’un match de C1. Un vrai geste d’enfant de chœur.
Par Régis Delanoë