Tu étais au Parc pour mixer l’autre soir face à Sainté…
Exactement oui. J’étais avec Birdy.
Ça devient une habitude pour toi !
Ouais. En fait, je l’ai fait une saison entière. À partir du premier sacre et jusqu’au second titre de champion de France du PSG, j’ai officié au Parc avant les matchs.
C’était devenu ton terrain de jeu, en fait ?
On peut dire ça. Même si depuis, je n’y étais pas retourné jusqu’à ce match face à Sainté, mais avec Birdy Nam Nam ce coup-là.
Ça va, vous êtes peut-être tombés sur le meilleur match de la saison jusqu’ici…
Oui, c’est clair. Mais en même temps, c’est finalement devenu habituel de voir autant de buts. La saison où j’ai officié là-bas, je crois que je n’avais jamais vu autant de buts de ma vie. On peut dire que c’est devenu une tradition de voir des 3-0, 4-0.
On les a quand même sentis un peu révoltés après les critiques qu’ils ont dû essuyer dans la presse française…
C’est d’ailleurs Di María qui se plaignait de ça, du fait d’être encensé sur un match et ultra critiqué sur un autre. Il trouve ça apparemment plus difficile que dans d’autres pays. C’est bien français, quoi. Enfin, j’ai l’impression que c’est la mentalité ici, on allume vite les mecs dès que le jeu ne convient pas tout de suite à nos attentes.
Il va falloir qu’il s’habitue à la presse française où le PSG est parfois sévèrement jugé.
Oui, je trouve ça autrement plus violent qu’en Espagne, en Italie ou en Angleterre.
Pourtant, on ne peut pas dire que dans les autres pays, ils soient forcément plus tendres avec les joueurs… Il n’y a qu’à lire les tabloïds anglais pour s’en rendre compte.
C’est vrai, mais je ne sais pas, il y a un truc… T’as quand même l’impression que les mecs sont moins… je ne sais pas. Déjà, la grosse différence à mon goût, c’est que les journalistes de ces pays assument leurs couleurs en fait. Que ce soit en Espagne, en Angleterre ou en Italie, les mecs sont journalistes, mais aussi supporters d’un club. Du coup, j’ai l’impression qu’ils ont plus de recul par rapport à la critique ou à l’éloge. Il faudrait que chez nous les gars assument un peu leur côté partisan. C’est pour ça que j’aime bien les mecs comme Di Meco. C’est quelqu’un dont on sait pertinemment qu’il est marseillais et qu’il n’aime pas du tout Paris, mais en même temps, franchement, il est assez pertinent quand Paris joue et il ne tombe pas dans la critique débile du supporter frustré.
T’as pensé quoi du match face au Real ?
Je ne sais pas, disons qu’il y avait une sorte de frilosité, ils ne se sont pas trop découverts. Mais même si on avait l’impression qu’on pouvait gagner ce match, ça reste 0-0 contre le Real et c’est pas si mal. Même si on dit que c’était un Real diminué, ce qui est vrai, ça restait du très haut niveau.
Quand on écoutait les gens avant le match, t’avais presque l’impression que ça allait être simple, que les remplaçants, c’étaient des tocards. Alors que pas du tout…
Ben non c’est clair, c’était du très, très lourd. En même temps, si les mecs sont sur le banc du Real, c’est qu’il y a quand même un petit niveau !
Maintenant, il va falloir aller gagner à Santiago Bernabéu.
Mais carrément ! Vu que de toute manière, ils ne sont pas portés par les supporters du Parc (rires), jouer à l’extérieur, ça ne va pas changer grand-chose pour eux ! Après, plus sérieusement, même si ce n’est pas forcément le sujet, je suis un énorme fan d’Ibra et je ne me permettrai jamais de critiquer ce joueur-là, mais j’ai l’impression qu’on arrive tout de même au bout d’un cycle. Je trouve que ça bloque vraiment et ça empêche même Pastore de jouer, alors qu’à mon avis, il a plus de solution à apporter que Zlatan aujourd’hui.
C’est probablement pour la saison prochaine.
Ouais, après il faudra trouver un joueur au moins aussi fort que lui et c’est pas gagné.
Bon parlons un peu de toi. Le PSG, t’es tombé dedans quand t’avais quel âge ?
Franchement, je ne sais pas. Je devais avoir une dizaine d’années, un truc comme ça. Ça m’est venu assez naturellement. J’ai grandi dans un HLM en région parisienne et avec les potes, on était tous plus ou moins mordus de foot. Je me souviens que le Conseil général d’Île-de-France donnait des places à toute les maisons de quartier pour qu’on puisse aller au Parc. C’est comme ça qu’on a mis les pieds au stade pour la première fois.
À cet âge-là, on doit prendre une claque quand on entre au Parc…
C’est clair. Surtout à cette époque-là. On peut même dire que c’était parfois tendu, les signes politiques divers étaient visibles partout en tribunes. Et nous, vu qu’on était des groupes de jeunes de banlieue, donc assez cosmopolites, et qu’on était placé en tribune K, juste à côté des mecs de Boulogne, il y avait une vraie tension. Je te parle de la grande époque des blousons noirs, c’était impressionnant. Dans le mauvais comme dans le bon sens. L’ambiance était folle dans le stade, mais aussi à l’extérieur. Il y avait quand même un truc assez fascinant.
T’étais abonné à une époque ?
Oui, j’ai été abonné trois ans, mais bien après ce que je te raconte. À Auteuil.
T’as fait partie d’une asso ?
Moi, non, mais j’avais des potes qui l’étaient. J’étais en G Haut Bleu et on étais avec les ATKS (Autentiks, ndlr). Si j’allais au stade, c’était surtout pour kiffer l’ambiance, c’était fou. Bon, on faisait des matchs nuls contre les derniers du championnat, mais le délire, il était ailleurs. Il se passait quelque chose qu’on a du mal à expliquer et à exprimer aujourd’hui.
En fait, à Paris, soit t’as droit à la galère sur la pelouse (et encore, pas tout le temps) et le feu en tribune soit l’inverse…
Ouais. Après, chacun trouve l’essentiel là où il le souhaite. Et pour moi, l’essentiel, c’est le foot, mais c’est aussi la culture. Aujourd’hui, ça devient un peu comme en Angleterre, on vient au stade comme on va voir un blockbuster au cinoche. On veut voir Leonardo Di Caprio et Brad Pitt en attaque et on exige qu’ils gagnent à la fin.
Tu étais au Parc lors du dernier match avec les associations de supporters (contre Metz ????, le ……). Comment t’as vécu ça personnellement ?
Une fois de plus dans le stade, tu avais une pression énorme. Ça sonnait vraiment comme la fin d’un truc qui avait compté, et tout le monde savait ce soir-là que plus rien ne serait comme avant. Maintenant voilà, il faut bien se faire une raison. Il faut essayer de vivre sa passion autrement et sans tomber dans l’aigreur avec le fameux « c’était mieux avant » . Ouais ok, en matière d’ambiance, c’était mieux avant, mais en matière de foot, c’était pas du tout la même chose.
Et il ne faut pas oublier qu’il y a eu des drames…
Oui, oui, c’était vraiment chaud parfois. Après, j’ai du mal à exprimer un vrai avis là-dessus parce que dès qu’on parle de cette question, on entre dans des choses qui sont politiques et ce sont des décisions et des sujets qui nous dépassent.
Mais pour rester sur l’ambiance, on sent que le sujet est en train de revenir sur le tapis. Entre David Luiz la saison dernière qui exhorte le Parc à se réveiller et les dernières déclarations d’Aurier ou de Matuidi sur ce manque de ferveur, on sent que le problème commence à faire réfléchir.
C’est évident. C’est sûr que se faire siffler quand tu rentres aux vestiaires à la mi-temps alors qu’il y a 0-0 comme ça a pu déjà être le cas, ça a de quoi surprendre. À un moment, dans le foot, les supporters sont là pour quoi ? Ben comme leur nom l’indique, ils sont là pour supporter. Même quand ça va mal, même quand c’est pas beau. Surtout quand ça va mal et que c’est pas beau, d’ailleurs. Or là, ça commence à gueuler à partir du troisième but… Enfin, je ne sais pas… Il n’y a pas d’animation quoi. Déjà, il n’y a ni porte-voix ni tambours… À partir de là, tu ne peux pas organiser quelque chose qui prenne et qui envoie.
Tu te trompes. Les tambours ont fait leur réapparition !
Mouais (rire jaune)… Je ne sais pas trop quoi penser de tout ça. Le sujet de l’ambiance actuelle me paraît être un sujet aussi sensible que la légalisation du cannabis en fait !
C’est-à-dire ?
Ben, c’est-à-dire que tout le monde le vit, tout le monde est au courant qu’il y a un truc qui ne va pas, mais personne n’ose vraiment en parler. C’est le sujet tabou.
On se souvient aussi du tifo raté contre le Barça…
Après, l’ambiance est tellement pourrie que ce genre de trucs, tu ne le relèves même plus. Ce qui est gênant avant tout, pour ne pas dire honteux, c’est que le Parc faisait partie des ambiances les plus folles de France, voire d’Europe. Du coup, cette pression de malade qu’il y avait sur les épaules des adversaires, elle n’existe plus. Même si la pression aujourd’hui est sur le terrain, on ne peut pas s’empêcher de penser qu’avec un vrai douzième homme, ces joueurs-là se surpasseraient encore plus et feraient peut-être des choses encore plus belles.
T’imagines les Sud-Américains dans une ambiance bien de chez eux, ça aurait pu donner, non ?
Laisse tomber, ça aurait été complètement fou. Faut espérer que ça reviendra un jour. (Il réfléchit) En fait, je pense non seulement que ça ne reviendra pas, mais en plus, je crois que ça va devenir un peu comme ça dans les autres stades.
On a l’impression en France que c’est de plus en plus difficile de supporter son équipe de foot, non ?
Ben, en tout cas de la manière dont nous, on voit les choses, sans forcément être des ultras, mais juste des gars hyper passionnés avec quelque chose qui touche véritablement à la culture, je pense en effet que c’est le début de la fin, oui.
Comme tout fan de foot qui se respecte, toi aussi, t’as rêvé un jour de devenir footballeur professionnel quand t’étais môme ?
Bah ouais carrément ! Mais le seul problème, c’est que j’étais un petit gros ! J’ai des souvenirs mémorables quand je jouais au foot à cette époque-là. Genre des footings horribles où mes cuisses se frottaient l’une contre l’autre et je finissais avec des putains d’irritations. La hantise de tous les petits gros qui font du sport quoi (rires) ! Mais sinon oui, j’ai toujours été à fond là-dedans. D’ailleurs, il faut que je te dise que je supporte l’équipe d’Italie. En grandissant, j’ai fini par aimer un peu l’équipe de France aussi, mais à la base, comme mon père était italien, j’ai toujours été pour la Squadra Azzurra. Dans ma chambre, j’avais des posters du PSG et de Roberto Baggio. La base.
Donc tu fais partie de ces rares Français qui ont eu la banane le soir du 9 juillet 2006 !
Ah ben en 2006, je jubile. Pour te dire, ce soir-là, je sors avec un fumigène tout seul dans la rue et je nargue toutes les bagnoles qui passent. Ouais, c’était mon apothéose à moi. Et puis ça m’a donné plein de prises pour vanner mes potes. Faut dire aussi que j’avais pris cher avant ça. Je me souviens de la défaite en quart de finale au Stade de France en 98 où il a fallu que je parte en courant ; je me souviens évidemment de la finale de l’Euro 2000. Là, il a fallu que je descende de chez moi armé d’un bâton (rires) !
Ça a dû piquer. Surtout vu le scénario du match !
Ouais. Je me rappelle encore comment ma ville a tremblé sur le but en or… Je suis passé du paradis à l’enfer en quelques minutes.
Comme les joueurs italiens sur le bord de la touche, tu te voyais déjà sur le toit de l’Europe ?
C’est clair, je jubilais déjà à l’idée de remporter cet Euro. J’étais prêt à foncer voir mes potes, j’étais bien, heureux, et puis plus rien. Mais c’est aussi ça qui fait la beauté du foot. C’est d’ailleurs ce qui manque un peu aujourd’hui avec le PSG, le suspense, l’ingrédient magique.
Tu tâtes toujours un peu le ballon aujourd’hui ?
J’aimerais bien m’y remettre, mais c’est dur de trouver le temps. La dernière fois que j’ai joué, c’était il y a plus de deux mois avec mes potes, en banlieue, et je me suis fait un claquage direct ! Et là,, avec Birdy Nam Nam et tout le travail qu’on a à fournir pour finir ce disque et préparer la tournée qui arrive derrière, c’est difficile de s’y remettre vraiment.
C’est prévu pour quand cette tournée ?
Le 4 décembre prochain (à la Cartonnerie, à Reims, pour ceux qui voudraient noter ça dans leur agenda, ndlr).
Tu parles toujours un peu de foot dans tes concerts ?
Non, j’ai calmé le jeu. Vu que maintenant Paris est loin devant, ça n’a plus vraiment d’intérêt, il n’y a plus d’honneur à défendre ses couleurs. C’était bien plus drôle quand on était dix-huitièmes ! Et puis aujourd’hui, tout le monde est subitement devenu fan du PSG, tout le monde a le maillot, c’est devenu le truc à la mode, et moi, je trouve ça moins cool.
T’imagines qu’à Marseille aujourd’hui, ils vendent plus de maillots du PSG que de l’OM ?
Ouais, je sais. Mon frère qui est fan de l’OM me dit souvent ça, et ça me fait beaucoup rire. Je trouve ça à la fois super pathétique et en même temps très marrant. C’est un juste retour des choses finalement. Chez nous, ça fait tellement longtemps qu’on a plein de mecs qui portent le maillot de Marseille…
Et puis il leur reste encore la Ligue des champions en 93…
Ouais. Mais même quand on l’aura gagnée, ils trouveront toujours quelque chose pour nous emmerder, ça fait partie du jeu et il ne faut absolument pas que ça s’arrête. Finalement, je trouve que c’est plus cool d’échanger avec un Marseillais avec qui on n’est pas d’accord qu’avec un Parisien avec qui tout va glisser, avec qui on va trouver que Pastore est trop classe, qu’Ibra est un monstre, Verratti un génie, que Matuidi est incroyable et qu’Aurier, c’est le futur meilleur latéral du monde.
Comment tu vis ton expérience du PSG quand tu n’es pas au stade ? C’est plutôt un truc collectif, avec les potes, ou quelque chose de très personnel, toi et l’équipe en tête-à-tête ?
Ça dépend. En ce moment, j’ai plutôt tendance à regarder les matchs sur l’ordi, car je suis tout le temps enfermé en studio. Et là, le match contre Rennes (vendredi dernier, ndlr), je l’ai carrément maté sur mon téléphone parce que j’étais avec mon fils et que je lui laisse la primeur de la télévision. Regarder un match sur le portable, c’est pas ce qu’il y a de plus agréable, mais je trouve ça assez futuriste comme truc. J’ai même regardé la finale de la Ligue des champions sur mon téléphone, en mangeant, tout seul au comptoir d’un bistrot. Et je dois dire que j’ai bien aimé le concept.
Tu parlais de ton fils à l’instant. Tu l’as baigné directement dans les eaux bleu et rouge du PSG ou alors il n’y a pas de pressing à ce niveau-là ?
Ah ben si, il y a un pressing évident (rires) ! Je suis obligé d’imposer ce pressing et ça a été le cas dès sa naissance. J’ai envie de partager ça avec lui, j’aime ça, il y a quelque chose de très positif là-dedans. Je lui achète des maillots de Paname tout le temps. D’ailleurs, quand on a joué au Parc lors de PSG-Sainté, on a eu la chance que le PSG lui offre un maillot floqué à son nom avec la signature des joueurs. C’était vraiment cool. Je pense aussi que j’aurais bien aimé partager ce genre de trucs avec mon père. Mais du coup, voilà, mon fils est déjà blueprinté PSG. C’est pour la vie.
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