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  • Rétro – Ce jour-là – 27 novembre 1988

Michel Platini, international koweïtien

Par Régis Delanoë
5 minutes
Michel Platini, international koweïtien

Alors qu'il avait mis un terme à sa carrière sportive l'année précédente, Michel Platini a accepté de rechausser les crampons pour disputer un dernier match officiel sous les couleurs de… la sélection nationale koweïtienne. C'était le 27 novembre 1988 contre l'URSS, et l'affaire reste encore aujourd'hui entourée de mystères.

Dans la France d’aujourd’hui, où l’opinion publique se montre si intransigeante vis-à-vis du comportement de ses footballeurs internationaux, c’est une décision qui aurait déclenché la polémique, voire un tollé. Comment ne pas l’imaginer alors même que les Bleus sont montrés du doigt si leurs lèvres ne bougent pas pendant La Marseillaise ? Que dirait cette même opinion si elle voyait l’un des membres de la sélection revêtir le maillot d’une autre nation pour y disputer un match ? Trahison ! Ce fut pourtant le choix fait par le meilleur d’entre tous, Michel Platini, dont le curriculum vitae indique très officiellement qu’en trait d’union entre sa carrière sportive et celle – éphémère – de sélectionneur, il a honoré une cape pour la sélection… du Koweït. Bizarre ? Certainement. Scandaleux ? Il y a en tout cas matière à s’étonner de cette incongruité, bien qu’à l’époque la nouvelle ne semble pas avoir fait autant de bruit qu’on pourrait s’y attendre aujourd’hui. « Platoche » était une personnalité trop respectable, trop intouchable pour remettre en cause ses décisions, si surprenantes soient-elles.

De spectateur à titulaire au coup d’envoi

Le contexte de cet événement, c’est celui d’un jeune retraité frustré. Le 17 mai 1987, le meneur de la Juve a été contraint de mettre un terme à sa carrière, la faute à un corps en souffrance. « Je suis mort aujourd’hui à 32 ans » , dit-il alors. Mais il ne va pas rester inactif très longtemps : début novembre 1988, il remplace en urgence Henri Michel à la tête de l’équipe de France. L’objectif de la qualification pour le Mondial 1990 est déjà mal embarqué. Après le nul 1-1 à Chypre du 22 octobre qui a été fatal à Henri Michel, son successeur débute sur le banc avec une défaite 3-2 des Bleus face à la Yougoslavie à Belgrade, le 19 novembre. C’est déjà la pression pour le triple Ballon d’or. À la même période, il reçoit une invitation, en qualité de représentant d’Adidas, de la part de l’émir du Koweït Jaber al-Ahmad al-Sabah. La sélection locale est alors en pleine préparation du championnat d’Asie des nations, organisé au Qatar entre le 2 et le 18 décembre. Le Koweït fait partie des outsiders. Lors de l’édition 1980 disputée à domicile, il l’avait emportée. Le petit émirat se sent fort et puissant. Influent aussi. Le 23 novembre, une première confrontation a lieu face à l’URSS, en tournée dans le Golfe, avec la victoire 1-0 des Soviétiques. Les deux nations doivent se retrouver le 27 novembre au stade Al-Sadaka de Koweït City pour une seconde opposition. C’est autant un match de préparation qu’une rencontre de gala qui doit se jouer, puisque Platini a accepté l’invitation et est présent sur place. De simple spectateur à la base, comment s’est-il retrouvé le maillot du Koweït sur les épaules à disputer les 21 premières minutes de ce match ? Mystère. Il ne s’en est jamais expliqué, ni lui ni personne.

Le contentieux de 1982…

On peut facilement supposer qu’une prime rondelette a convaincu le héros de l’Euro 84 de jouer pour une autre nation, mais il ne peut s’agir que d’une – forte – supposition. Autre mystère entourant cette cape : comment se fait-il qu’elle ait été validée par les instances internationales ? Car elle figure bel et bien dans les archives de la FIFA. Oui, Michel Platini a joué le début de ce match amical, gagné 2-0 par l’URSS (buts d’Oleg Protasov à la demi-heure de jeu et de Vasyl Rats en fin de rencontre). Aucune archive vidéo n’a subsisté, mais ce match a eu lieu avec le Français sur le terrain, lequel est encore aujourd’hui le seul footballeur de l’ère moderne à avoir disputé des matchs sous l’égide de la FIFA pour deux nations différentes (hors des cas particuliers comme les joueurs des départements d’outre-mer s’agissant des Français). Là aussi, aucune explication. Peut-être le match a-t-il été validé à l’époque par l’instance, alors dirigé par João Havelange, sans que ni l’arbitre ni aucun officiel n’ait prêté attention au fait qu’un triple Ballon d’or ait son nom d’inscrit sur la feuille de match, même si ça paraît peu probable… En plus, Platini était censé avoir un contentieux avec le Koweït. Lors de la phase de poules du Mondial 1982, le match entre les Bleus et la petite sélection du Golfe avait donné lieu à une scène surréaliste : le frère de l’émir, Fahad al-Ahmad al-Sabah – fondateur du Comité olympique koweïtien – descendant des tribunes pour demander à ses compatriotes de cesser de jouer, afin de protester contre un but que venait d’inscrire Alain Giresse.

De retour au Koweït avec les Bleus en 1990

Ce but fut finalement annulé par l’arbitre soviétique, un certain Miroslav Stupar, qui accepta la requête des Koweïtiens : ils s’étaient arrêtés de jouer sur l’action du but, expliquèrent-ils, perturbés par un coup de sifflet descendant des tribunes. La France de Platini gagna finalement 4-1, non sans crier au scandale, et l’arbitre fut radié à vie. Donc s’il y avait bien une nation pour laquelle il était particulièrement malvenu de jouer, c’est bien ce Koweït qui fit tant polémique lors de la seule Coupe du monde qu’il disputa. Cette étrange parenthèse refermée, Platini rentre en France et poursuit sa mission de sélectionneur des Bleus. Ceux-ci échouent à se qualifier pour la Coupe du monde italienne. Sitôt l’élimination acquise, fin 1989, la France doit se tourner vers le nouvel objectif : participer à l’Euro 1992. Pour mobiliser les troupes, Platini procède à une large revue d’effectif et emmène ses ouailles dans une tournée à l’étranger pour y disputer une série des matchs amicaux. Tournée qui se déroulera… au Koweït.

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