Tu achèves à Montréal ta troisième saison de MLS. Avec quel bilan, d’un point de vue collectif et personnel ?
Globalement, je suis très content. Il y a d’abord eu six mois d’adaptation pour moi, puis on a réussi une belle saison l’an dernier, en MLS, avec la Coupe du Canada et la Champions League. On a bien joué, c’était du bon travail, ce qui m’a décidé à poursuivre une saison de plus, qui est plus difficile. J’ai eu des blessures et des suspensions en début d’année. Cela m’a empêché d’enchaîner les matchs comme j’en ai besoin. Heureusement, ça va mieux dans la deuxième partie de saison. Je me sens bien dans l’équipe, surtout depuis l’arrivée d’Ignacio Piatti (ancien de l’ASSE, ndlr). On joue encore la Ligue des champions et on a de grandes chances de se qualifier pour les quarts de finale (c’est officiellement acquis depuis cette semaine grâce à la contre-performance à domicile des Red Bulls, son dernier concurrent pour la qualification, ndlr).
Y a-t-il une différence entre l’image que tu avais de la MLS quand tu évoluais en Europe et ce que tu as pu constater depuis ton arrivée à Montréal en 2012 ?
Pas vraiment, dans le sens où je ne suis pas arrivé avec des idées à l’avance ! J’avais fait cette erreur en allant en Espagne (transfert de la Juve à Valence en 2004, ndlr) et la situation avait été complètement différente de ce à quoi je m’attendais. Pas forcément mauvaise, mais différente. Alors là, je me suis dit que j’allais y aller pour découvrir une expérience, sans me prendre la tête. Et le résultat ? Je suis content, je vis une expérience incroyable. J’ai rencontré des personnes merveilleuses au club, dans la ville… À mon âge, c’était la meilleure décision que je pouvais prendre dans ma vie de venir ici.
La MLS a-t-elle de l’avenir ?
(Catégorique) C’est sûr, c’est sûr. La MLS, c’est le futur. Pour moi, c’est un championnat qui va venir concurrencer les grands championnats européens. De plus en plus de grands joueurs vont venir faire une expérience ici. Il y a tout pour que ça continue de progresser. Les responsables de la Ligue doivent encore monter un peu le niveau des salaires pour que ça devienne vraiment un nouveau marché dans le monde, accessible et intéressant pour les plus grands joueurs. Actuellement, ils restent encore en Europe car c’est là qu’il y a les championnats les plus relevés, mais ça ne sera pas forcément toujours le cas dans le futur. C’est différent de la Chine, du Moyen-Orient ou ce genre de destinations qui attirent les joueurs seulement en fin de carrière. Ici, on peut attirer des joueurs plus tôt.
Il lui reste quand même des points à améliorer, non ?
Si, bien sûr. Au niveau tactique surtout, ça reste inférieur à ce qui se fait en Europe. D’après moi, la prochaine étape pour que la MLS continue de grandir, ça va être d’attirer non seulement des grands joueurs, mais aussi les meilleurs coachs pour apporter leur expérience et leur culture tactique, comme ce qui s’est passé en Angleterre. Quand vous avez des grands coachs à la tête des grandes équipes, comme Mourinho, Ancelotti, Wenger et les autres, ça apporte une émulation et de nouvelles idées de jeu, ce qui est forcément bénéfique pour l’ensemble du championnat.
Le système américain de ligue fermée, sans promotion ni relégation, mais avec des franchises qui paient un droit d’entrée, ce n’est pas un frein à l’acceptation de la MLS dans un univers du football très conservateur ?
Oui, c’est vrai que c’est plus difficile à accepter quand on a une vision européenne de la chose. Mais tous les sports nord-américains fonctionnent de cette façon, c’est ancré dans la culture et donc difficile d’en changer. La MLS peut s’adapter sur certains points au soccer, mais on ne peut pas changer complètement la culture du sport telle qu’elle est considérée ici. Tu sais, quand tu viens ici, que tu viens disputer une compétition différente de ce que tu as l’habitude de jouer. C’est comme ça.
Les dirigeants de l’Impact de Montréal aimeraient te garder une saison de plus. Est-ce envisageable ?
Non. (Hésitant) Pourtant, c’est difficile pour moi comme décision parce que je joue, je marque, je me sens bien, j’ai toujours envie de faire les efforts aux entraînements et pour l’équipe, tous les jours. C’est difficile pour moi de me dire que c’est bientôt fini, mais c’est sûr maintenant que je retourne en Italie à la fin de la saison. Ma famille est retournée là-bas depuis un an. Un an ça va, je peux faire sans elle, mais plus ce n’est pas correct.
Tu vas donc achever une carrière pro débuté avec la Lazio de Rome il y a 20 ans. Rétrospectivement, quand t’es-tu senti au sommet ?
D’une manière générale, les quatre ans passés à Bologne (2008-2012) restent pour moi le meilleur moment de ma carrière. Je venais de passer des moments difficiles à l’étranger et pouvoir revenir en Serie A et redevenir un joueur important pour l’équipe, c’est une vraie fierté. J’en ai été le capitaine pendant trois saisons et ça a été beaucoup d’émotion pour moi là-bas (ému). Vraiment, c’était incroyable.
Quand j’ai signé à la Juve, je ne comprenais rien aux entraînements, une autre dimension
Tu parles de moments difficiles pour toi avant Bologne. Tu fais allusion à ton passage à l’AS Monaco ?
C’était (il souffle)… pas bien pour moi là-bas parce que j’ai pris la décision de venir à Monaco d’abord pour l’entraîneur, qui était Guidolin et qui est parti. Après ça, j’ai rencontré des problèmes avec son successeur (Bölöni, ndlr), qui ne me faisait pas jouer. Donc oui, c’était un mauvais moment pour moi, mais c’est le sport. C’est comme ça, il y a des hauts et des bas.
Que gardes-tu comme souvenir de la Ligue 1 ?
À l’époque où j’y étais, c’était un championnat très physique. Maintenant, de ce que j’ai pu en voir, la culture a un peu changé, c’est plus technique. Il y a plus de jeu que quand j’y étais. Les arrivées de grands joueurs à Paris, mais aussi à Monaco sont de bonnes choses pour le championnat français, qui est encore en mesure de progresser.
Quel est l’entraîneur qui t’a le plus marqué ?
J’ai eu beaucoup de bons entraîneurs, mais si je devais en retenir un seul, ce serait Lippi. À tous les niveaux, c’est le meilleur que j’ai pu avoir : mental, tactique, au niveau des émotions aussi…
Et le joueur ?
Là pareil, j’ai aussi eu la chance de côtoyer des grands attaquants, au niveau du talent et au niveau de l’humain. Je ne peux pas t’en citer un, mais d’emblée, je peux te parler de Crespo, d’Amoroso, de Del Piero, de Trezeguet, d’Aimar… J’ai toujours essayé d’apprendre quelque chose de chacun d’eux. Mais si je devais te citer non pas un joueur, mais une équipe qui a changé le cours de ma carrière, c’est la Juventus. Quand je suis arrivé là-bas, j’avais 26 ans et je sortais de trois bonnes saisons à Parme. Je signe dans une équipe référence, avec Buffon, Thuram… J’arrive là en me sentant fort, et lors des premiers entraînements pourtant, je ne comprenais rien (rires) ! C’est une autre dimension. Au niveau des entraînements et de la vie de tous les jours, ce sont des efforts du quotidien pour arriver à être un grand champion et à durer au plus haut niveau. J’ai mis trois ou quatre mois à m’adapter à cette exigence, j’ai beaucoup souffert, mais après je peux dire que ça a changé ma vie. Si je joue encore à 38 ans et que je continue à marquer des buts, c’est grâce à ce que j’ai appris là-bas, l’importance de chaque entraînement et l’hygiène de vie.
Comment juges-tu la Serie A italienne et son évolution ces dernières saisons ?
C’est sûr qu’elle n’a pas progressé. Le premier problème, c’est qu’il y a moins d’argent qu’avant. Heureusement, on a une vraie culture du football, des très bons coachs et d’excellents recruteurs qui réussissent à repérer et à attirer des jeunes joueurs. C’est comme ça qu’on a su attirer Thiago Silva, Cavani, Pastore… Mais regarde, ils partent tous ailleurs après ! Avant, tout le monde voulait venir jouer en Italie pour jouer la meilleure ligue du monde. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les problèmes sont profonds, avec beaucoup de retard au niveau des infrastructures. On n’a plus ce qu’il faut pour attirer les grands joueurs et les faire rester. Il va falloir se montrer plus intelligent pour changer la tendance. Il faut une vraie prise de conscience et des grandes décisions doivent être prises pour les prochaines années, sinon le niveau de la Serie A risque de baisser encore plus.
Que penses-tu des résultats de la sélection ces dernières années ?
Ils ne sont pas très bons, mais c’est la conséquence directe des problèmes que rencontre la Serie A. Depuis deux éditions, on ne passe pas la phase de groupes de la Coupe du monde et c’est décevant. Il faut chercher à comprendre pourquoi, se poser les bonnes questions. C’est ce qu’a réussi à faire l’Allemagne. On a la chance en Italie de très bien connaître le football. On a l’histoire derrière nous et une grande culture de ce sport. Peut-être est-ce seulement une question de cycle ?
Tu as porté 14 fois ce maillot azzurro entre 2001 et 2004. C’est une fierté ou aurais-tu aimé jouer encore plus ?
C’est sûr que j’aurais aimé pouvoir plus jouer dans la sélection, mais quand je suis parti de la Juventus pour Valence en 2004, je venais de disputer l’Euro au Portugal et ce n’était pas encore une habitude pour les Italiens de voir partir des joueurs nationaux dans d’autres championnats, on ne suivait pas mes performances et l’aventure s’est arrêtée là pour moi, malheureusement.
Un dernier mot sur les joueurs offensifs actuels de la sélection ?
J’aime beaucoup Immobile, vraiment un très bon joueur. Et ça illustre ce que je disais : il y a dix ans, il aurait forcément signé à la Juventus ou au Milan et pas à Dortmund ! Il me plaît, il est rapide, moderne… J’aime aussi Destro, un joueur à la Inzaghi, un vrai finisseur. Il y a Balotelli bien sûr, qui a beaucoup de qualités, mais qui doit encore faire preuve de constance. Je pense aussi à El Shaarawy. Lui comme d’autres peuvent tirer profit de la situation actuelle en Serie A, avec moins de stars et plus d’espaces pour les jeunes Italiens pour s’exprimer.
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