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Louis dort

Louis Saha vient de dire stop au football à 35 ans après 488 matchs et 159 buts en professionnel dans une carrière qu'il aura construit à coups de buts de Metz à Rome en passant par Manchester, Londres et l'équipe de France (20 sélections). Sans aucun doute l'attaquant des Bleus le plus poisseux de sa génération. L'un des plus doués, aussi.
Louis Saha s’est retiré en douceur. Dans l’anonymat de ses followers. En trois gazouillis, P’tit Louis a décidé d’arrêter son histoire d’Amour avec le football. « Je voudrais remercier tous mes entraîneurs, mes partenaires, mes adversaires pour tout l’amour et le soutien qu’ils m’ont apporté dans ma carrière. Je suis un homme fier mais sans vous, je ne serais pas l’homme que je suis aujourd’hui. Merci pour les challenges, pour l’aide, pour les souvenirs et la passion. Je vais arrêter ma carrière de footballeur et souhaiter aux jeunes talents de prendre autant de plaisir sur les terrains que moi. Merci pour tout » . Ça vient du cœur et ça confirme que le postulat selon lequel Louis Saha n’a jamais suivi le même chemin que les autres.
C’est l’histoire d’un homme qui a raté les deux finales de sa vie (Ligue des champions 2008 et Coupe du monde 2006) pour une blessure et un carton jaune de trop. L’histoire d’un mec qui a écrit une autobiographie – Du quartier aux étoiles – sans plume de substitution et dans laquelle il se livre entièrement. D’ailleurs, dans les colonnes du JDD, Saha se confiait d’ailleurs assez facilement sur la genèse de son bouquin. « Je voulais aussi sortir des clichés, creuser un peu. Les footballeurs ne sont pas tous pareils. Le bling-bling, le sex addict, les grosses bagnoles, oui, ça existe. Mais dans les jugements, les mauvais côtés prennent le dessus. Exemple avec Mario Balotelli on rappelle toujours les fois où il a fait le con, mais on oublie qu’il a invité 30 sans-abri à l’hôtel le jour de Noël » . Le décor est planté. Louis Saha était différent. Loin de la génération actuelle. Très loin de l’ancienne aussi. « Le foot m’a éduqué, m’a fait grandir mais m’a aussi déconnecté de la vie » déclarait-il dans son livre. C’est un peu vrai. Formé à l’INF Clairefontaine avant de se polir à Metz, Saha part définitivement pour l’Angleterre à 21 ans alors qu’il n’a jamais vraiment percé en Lorraine. Saha débarque en deuxième division, à Fulham. On se moque de lui mais il va enquiller les caramels et monter en Premier League. Dans le grand jardin, il tape dans l’œil de Sir Alex Ferguson. Excusez du peu.
Le chouchou de Ferguson
On est en 2002 et Ferguson cherche alors un attaquant. La scène se passe dans son bureau de Carrington. Fergie prend le thé avec son vieux pote Walter Smith, l’ancien coach des Rangers et alors en poste à Everton. Les deux vieux parlent ballon et whisky. Smith énumère alors tous les attaquants du championnat local et d’Europe pour savoir lequel serait la recrue idéal pour United. Le Boss a alors une épiphanie. « Le garçon de Fulham, je l’aime beaucoup. Si je pouvais avoir un seul attaquant dans le monde, ça serait Louis Saha » . Deux ans plus tard, Saha débarque à Old Trafford. Il est alors au sommet de sa carrière et commence à joliment remplir son CV. Il va s’envoler. Et vite s’écraser. La faute à cette saloperie de genou qui va constamment lui jouer des tours. En forme, le gaucher était une caresse visuelle. Adroit, technique, doué des deux pieds, intelligent dans le placement et efficace devant le but, Saha était l’attaquant le plus complet de MU alors que la concurrence était au rendez-vous (Van Nistelrooy, Rooney, CR7 et Tévez). C’était un beau joueur. Un vrai. Un mec qui aimait le football plus que tout.
À United, Ferguson se prend d’amour pour lui. Une évidence. À tel point que les nombreuses blessures vont mettre du temps à effriter l’Amour que l’Écossais voue à son attaquant fétiche. Mais après cinq ans de blessures, Saha doit continuer sa route loin de Manchester. Son pèlerinage le conduira à Everton, Tottenham, Sunderland puis la Lazio, en janvier dernier, pour un baroud d’honneur. Pendant ce temps, Saha fait la navette entre son club et l’équipe de France. Souvent blessé, il a souvent dû renoncer au Graal. Un running gag auquel on a ôté la chute. À chaque fois que l’attaquant se rapprochait de son réel niveau, il se blessait. Encore. Encore et encore. À l’inverse de la génération « Moi, je » à laquelle il appartenait (Thierry Henry, Nicolas Anelka and co.), Saha était un OVNI. C’est sans doute pour ça que le monde du football a toujours cru en lui malgré un corps beaucoup (trop) fragile. Un mec capable d’aborder sans tabou le problème de l’homosexualité dans le football au cœur de son bouquin. En des termes sincères et honnêtes : « J’avoue que je serais confronté à une situation délicate dans un vestiaire si un coming out s’y produisait. Peut-être me faudrait-il un temps d’adaptation pour redevenir naturel et franc dans mes blagues de vestiaires. Ou j’opterais pour une prise de distance… » Franc, honnête, intelligent, finalement, le football ne méritait pas Louis Saha. On en a profité pendant seize ans, c’est mieux que rien.
Top 100 : Footballeurs fictifs (de 70 à 61)Par Mathieu Faure