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Lionel Carole : « Podolski parle français, mais juste des insultes »

Propos recueillis par Nicolas Taiana
Lionel Carole : « Podolski parle français, mais juste des insultes »

Lionel Carole fait partie de ces Français qui ont besoin d'exil pour être reconnus à leur juste valeur. Parti très tôt à Benfica, pour revenir la queue entre les jambes en L2, il vient de signer à Galatasaray cet été, où il s'est installé sur le flanc gauche de la défense et avec qui il retrouve le stade de la Luz ce soir. Même s'il sera en tribune, pour cause de blessure, il revient sur son début de carrière chaloupé. Entre les palourdes lisboètes, l'amour du beau jeu de Furlan et celui de Podolski pour les mamans.

Tu as signé à Galatasaray cet été, comment ça s’est passé ?

Ils m’ont suivi toute la saison que j’ai passée avec Troyes, ils étaient très intéressés. Ils ont d’abord vu avec le club, qui était aussi vendeur, ils avaient besoin d’argent, c’était assez urgent. Après, le feeling est très bien passé avec le coach, avec les dirigeants, je sentais un club qui voulait me faire confiance, donc ça s’est passé assez facilement.

Tu aurais pu découvrir la Ligue 1 avec Troyes. Tu n’en avais pas envie ?

Moi, c’est ce que j’avais en tête. Avant la reprise, pendant les vacances, j’avais en tête de découvrir cette Ligue 1. Après, le foot, c’est assez aléatoire, ça va très très vite et on ne contrôle pas toujours tout. Malgré tout, au lieu de découvrir la Ligue 1, j’ai découvert la Ligue des champions avec Galatasaray, donc je pense que je ne perds pas non plus au change (rires).

Tu avais pourtant prolongé en avril jusqu’en 2017…

Oui, c’était pour retourner la marque de confiance que m’avait faite le club. C’était pour les arranger aussi. Troyes ne pouvait pas se permettre de ne pas récupérer d’argent. Ils avaient quand même besoin de faire des ventes pour rester en Ligue 1.

Tu as retrouvé ton ancien club, Benfica, à l’aller (victoire 2-1) et ce soir, tu seras dans les tribunes (il souffre d’une élongation, ndlr). Les Lisboètes ne t’ont pas vraiment laissé ta chance quand tu y es passé. Y a un esprit de revanche qui t’anime ?

Forcément, c’est spécial. C’est un club qui m’a énormément plu et qui a été important dans mon parcours. Je pense que tous les clubs par lesquels je suis passé m’ont emmené un peu ici et ont forgé le joueur que je suis maintenant. Il n’y a pas du tout un esprit de revanche, mais c’était un beau clin d’œil de pouvoir rencontrer ce club-là en Ligue des champions et de revoir aussi pas mal de personnes, de joueurs que j’ai côtoyés quand j’étais là-bas.

Tu les avais rejoints à l’hiver 2011, après tes six premiers mois en pro, à Nantes. C’était pas un peu précipité ?

Oui et non, c’était la décision que j’avais prise. Après, selon les circonstances, ça aurait pu être un meilleur choix. Ça s’est avéré un peu moins joyeux à la fin, parce que je suis arrivé là-bas, j’ai fait six mois avec l’équipe une – j’ai fait sept matchs il me semble (six en réalité, ndlr). J’étais bien installé dans le groupe, j’étais la doublure de Coentrão, qui était encore là à l’époque, ça se passait plutôt bien. Après, ça s’est un peu effrité avec la Coupe du monde des moins de vingt ans (en Colombie, génération Lacazette-Griezmann-Grenier, il est très peu aligné par Smerecki, ndlr). Ça m’a éloigné du club pendant deux mois au moment de la reprise. À ce moment-là, un club comme Benfica, qui jouait le tour préliminaire, a dû recruter un effectif très tôt et ça m’a joué des tours…

Puis, après un prêt mitigé d’un an à Sedan, tu te tapes une année en équipe B…

C’était un peu compliqué, mais j’étais quand même suivi par l’équipe une. Même par les dirigeants du club, j’étais pas mal apprécié. Ils voyaient encore en moi une possibilité pour l’équipe première, mais le coach (Jorge Jesus, parti au Sporting depuis, ndlr) en avait décidé autrement…

T’as quand même pu apprécier la vie à Lisbonne ?

En tant que footballeur, on ne peut pas être non plus totalement content quand on ne joue pas là où on aimerait jouer, mais c’est un club que j’apprécie énormément. Je pense que c’est un très bon et un très grand club. Malgré tout, j’en garde des bons souvenirs. La vie à Lisbonne, c’est top. C’est une ville magnifique, le temps aussi, il fait chaud la plupart du temps, il n’y a pas d’hiver, il y a énormément de choses à faire… C’était très agréable. Après, le foot, c’était autre chose.
Benjamin Nivet, il est mythique, franchement. C’est un très, très grand joueur, surtout à l’âge qu’il a.

Et les spécialités locales ?

On allait souvent dans un restaurant où le patron était un fanatique de Benfica. Le restaurant était extraordinaire. Dès que j’avais de la famille ou des amis qui venaient, le premier restaurant où je les emmenais, c’était celui-là. Ils servaient toutes sortes de poissons, palourdes, crustacés… En bord de mer en plus…

Ce qui devait te changer un peu de Troyes, aujourd’hui dernier de L1. Tu suis leur parcours ?

Oui, je suis bien, bien frustré. Je suis encore en contact avec pas mal de personnes de là-bas et je ne l’explique pas trop, mais j’espère qu’ils vont se relever. Il y a quand même un très bon entraîneur, un très bon effectif là-bas, donc je ne pense pas que ça soit leur place.

Avec Furlan, Troyes développait probablement le meilleur jeu de L2, ce qui n’est pas rien. C’est quelque chose qui lui était cher ?

Pour moi, c’est un très, très bon entraîneur. Il m’a beaucoup marqué, il a une très belle philosophie du football et il essaye vraiment de la transmettre à ses joueurs. En fait, il veut que son équipe joue, pas seulement pour la beauté du jeu, mais pour lui, plus une équipe est joueuse, plus elle a une maîtrise sur le match et plus elle peut obtenir des résultats sur le long terme. C’est pour ça que ça lui tient à cœur. Je me rappelle une anecdote : on va à Istres, c’était la première année où j’étais au club. On gagne 1 ou 2-0 à la mi-temps, mais on avait été débordés par Istres, ils jouaient beaucoup mieux que nous, ils avaient la possession de balle… (rires) Et il nous engueule à la mi-temps, il était vraiment furieux parce qu’on n’arrivait pas à sortir le ballon, on ne jouait pas, on ne faisait pas trois passes, alors qu’on gagnait. Fin du match, on gagne 2-0. Et malgré tout, pas un sourire, il était complètement énervé ! (Rires) Il nous a quand même dit « Bravo » , il nous a félicités de la victoire, mais il nous a bien engueulés parce que la prestation était vraiment assez minable. Il nous a dit que c’était la dernière fois qu’on produisait ce genre de matchs… (Il rit encore) Dans le fond, quand même, c’est assez drôle qu’un entraîneur sorte énervé d’un match alors que son équipe gagne 2-0, mais lui, il essaye de voir sur le long terme et il veut vraiment que son équipe soit au top niveau et sortir le meilleur de ses joueurs. C’est pour ça que voir l’ESTAC dans cette position-là, ça me fait quand même bien mal parce qu’il y a des gens formidables là-dedans et ils méritent mieux. Mais je pense que ça va aller. J’ai regardé pas mal de matchs et je vois qu’ils produisent des bonnes choses, ils sont juste un peu en manque de réussite. Le moment où ça va tourner, ils vont pouvoir faire très mal.

Après avoir joué contre Châteauroux, tu t’es retrouvé dernièrement à Bernabéu face à Ronaldo…

On a aussi joué contre le Real, en début de saison, en amical. On perd 2-1, sur un but de Marcelo qui nous perfore tout seul. Mais c’est vrai que c’est fabuleux de pouvoir jouer contre des grandes équipes, dans des grands stades… L’important, c’est de jouer durablement à ce niveau-là et de s’installer, parce que juste faire un match comme ça, par là, c’est bien mais bon, ce que je veux c’est pouvoir enchaîner les saisons à haut niveau. De toute manière, on sait que ce sont des grands joueurs en face, qu’il faut être concentré. Du début à la fin, j’étais en totale concentration. Sur le ballon, sur le placement, sur plein de petits détails, donc il n’y a pas le temps de penser à autre chose, de penser à Ronaldo… (Il souffle) C’est un joueur, c’est un ballon. D’autant plus si le joueur est connu, est fort, j’aurai plus de concentration et je penserai de moins en moins à ce joueur-là. Pour ma part, je ne pense pas trop à toutes ces choses extérieures, je me concentre vraiment à fond sur le terrain.

Et après Nivet, tu passes à Sneijder en 10. On est d’accord, Benjamin est meilleur, non ?

Totalement ! (Rires) Benjamin, il est mythique, franchement. C’est un très, très grand joueur, surtout à l’âge qu’il a. Il m’impressionne vraiment par sa force physique et par sa force mentale. C’est quelque chose d’extraordinaire ce qu’il fait. Il est sous-coté aussi, il aurait dû faire une meilleure carrière que ça, mais bon, il apporte énormément à un effectif, il bonifie vraiment le jeu de l’équipe. Bon, j’ai changé de numéro 10, je pense que j’y perds un peu au change… (Il rit) Mais je ne suis quand même pas déçu. Sneijder, c’est classe internationale, c’est vraiment un très, très bon joueur. Quand je suis arrivé, j’ai vu une certaine différence. Des petits détails : la passe qui est mise au bon moment, au bon timing… Des petits trucs où on voit que le niveau est au-dessus.

Il est comment, Wesley ?

Assez chambreur. Mais il est très posé et assez discret.

Et Lukas Podolski dans tout ça…

Champion du monde hein, quand même. Ça se ressent. Une frappe… D’ailleurs, il a failli marquer un but contre Fenerbahçe (le 25 octobre, 1-1, ndlr) sorti de je ne sais où… Le gardien, je ne sais même pas comment il fait pour l’arrêter. Il parle français en plus, mais juste des insultes : « Nique ta mère » , « fils de pute » … (Rires) Il ne veut pas me dire qui lui a appris ça… C’est des joueurs qui se prennent pas la tête et c’est un régal de pouvoir les côtoyer au quotidien.

Le 25 octobre dernier, t’as vécu ce qui doit être l’un des derbys les plus chauds au monde à Fenerbahçe, même si les supporters adverses n’ont pas le droit de se déplacer…

On arrive là-bas, au stade, on est clairement en terrain hostile. Il n’y a que des supporters de l’équipe adverse ! Le moindre contact avec la balle, on se fait siffler. Le moindre petit truc que l’équipe de Fener fait de bien, le stade est en ébullition. C’était vraiment quelque chose… Au coup d’envoi, ils ont envoyé des genres de petits confettis, donc les deux premières minutes, on court avec des confettis à droite, à gauche… Ça, c’est une grande première pour moi (rires). C’était vraiment une très, très, très grosse ambiance. Les supporters turcs mettent une de ces ambiances dans les stades… C’est assez exceptionnel.
Istanbul est une ville magnifique, mais le gros problème, ce sont les bouchons. Bien pires qu’à Paris. Ils ont carrément une appli qui montre en temps réel les bouchons sur Istanbul…

Tu dois avoir noté le retour (20 mars) dans ton agenda…

Le derby à la maison, je l’attends avec grand plaisir. Parce que là, ça sera avec nos supporters, un stade complet en plus… (Il souffle) J’imagine même pas. Notre kop est extraordinaire. Même contre la dernière équipe, et avec le stade pas forcément complet, ils mettent un boucan pas possible. Alors le match contre le Fener…

Ils sont comment les supporters que tu croises quand tu te balades dans la ville ?

Un peu fous, mais ils sont classes. Ici, il n’y a pas d’autographes, c’est des photos. En plus, ma voiture est immatriculée en France donc un noir, immatriculé en France… En général, les supporters, ils font direct le rapprochement (il rit).

Comme Sneijder et Podolski, t’as eu le droit à une arrivée folle à l’aéroport ?

Non, parce que la première fois où je suis arrivé à Istanbul, j’étais venu visiter. Et, une fois que j’avais signé, j’ai rejoint directement les joueurs en stage. Mais depuis, j’ai fait pas mal d’aéroports avec l’équipe, et on sent bien la ferveur. D’ailleurs, le match contre le Fener, vu que les supporters ne peuvent pas aller au stade, ils sont venus directement en bas de l’hôtel pour notre départ. C’était fumigènes, drapeaux de Galatasaray, chants dans la rue, pendant qu’on montait dans le bus. C’était plutôt sympa…

Et la vie à Istanbul ?

C’est une super ville, il y a vraiment des endroits magnifiques. Le seul petit problème, ce sont les bouchons. Alors ceux-là, ils sont redoutables. Ils ont carrément une application qui montre en temps réel les bouchons sur Istanbul… Ils sont bien pires qu’à Paris, ça n’a rien à voir. Ça empêche de pouvoir circuler à n’importe quelle heure.

C’est quoi la différence entre le foot portugais et le foot turc ?

Niveau ambiance, je mets la Turquie au-dessus, c’est certain. Je ne sais pas si, en Europe, il y a mieux. Niveau jeu, au Portugal, ils sont beaucoup plus joueurs. Même le dernier du classement, même s’il perd 2-0, ça ressort le ballon du gardien, ça ressort court, ça essaye de jouer… On ne peut pas leur enlever ça. Ici, c’est un très bon championnat, mais avec quatre, cinq grosses équipes. Bon, on les voit plutôt bien : les trois premières déjà (Beşiktaş, Galatasaray et Fenerbahçe). Au Portugal, c’est un peu pareil, même si Benfica n’est pas super bien en ce moment.

Tu es né à Montreuil et tu as fait pas mal de clubs de la région parisienne avant de partir à Nantes. C’était comment tes débuts dans le foot ?

Comme tout gamin, j’ai commencé à jouer dans la ville où j’ai grandi, avec les copains à Neuilly-sur-Marne. Après, j’ai vadrouillé un petit peu, j’ai fait Villemomble, Alfortville, qui est un très bon club. J’ai fait Saint-Maur Lusitanos aussi, une sorte de préparation pour Benfica… (rires) C’était un petit clin d’œil aussi, ils me l’ont beaucoup rappelé. Ils sont pour la plupart fans de Benfica, donc je m’en suis plutôt bien sorti…
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