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Les Leçons Tactiques de la L1 : le FC Lorient
La saison dernière, le FC Lorient avait fini 17ème, à un point de la relégation. Après la quatrième journée, les Merlus sont encore invaincus et pointent à la troisième place, avec déjà neuf buts marqués. L’occasion de revenir sur les questions de la possession de balle et du mouvement, et de poser une comparaison avec le jeu du LOSC.
Un 4-4-2 vivant, c’est encore possible
Ce samedi soir, les hommes de Christian Gourcuff ont comblé les 14 241 âmes présentes au stade du Moustoir : une fluidité déconcertante, des actions à une touche de balle, des combinaisons en veux-tu en voilà, des unes-deux osées dans la surface. Bref, du jeu, du jeu, et encore du jeu. Sans Aliadière et Coutadeur, Gourcuff met un place un 4-4-2, système pourtant très souvent sclérosé et peu propice au mouvement. En face, l’ASNL de Fernandez joue en 4-3-3 (4-5-1 ?), comme quoi. Pourtant, le 4-2-2-2 breton est de loin le plus vivant.
D’abord, Giuly et Alain Traoré font preuve d’une mobilité sans limite : en profondeur (surtout Giuly), en combinaison sur les côtés, en rupture, les deux hommes laissent voir un système adaptable et de nombreuses variations aux avants-postes. A droite, Yann Jouffre fait la différence et crée les décalages. A gauche, Barthelme est plus en retrait et laisse les montées de Lucas Mareque apporter le surnombre. Au centre, le replacement de Wesley Lautoa (défenseur central à Sedan) à la récupération donne de la densité et de la protection. Devant lui, Arnold Mvuemba et son fameux titre de meilleur joueur du Tournoi de Toulon 2005 se chargent de la distribution du jeu (78 ballons joués, 86% de passes réussies). Derrière, Lamine Koné et Grégory Bourillon se chargent de relancer le plus possible au sol. Mais le plus marquant reste les mouvements incessants des joueurs offensifs, offrant toujours deux solutions au porteur de balle. En fait, la mobilité de Giuly et Traoré transforme presque le système en 4-2-4.
La stratégie nancéienne et les buts lorientais
« Entre les deux équipes, ce soir il n’y avait pas photo » , affirme Fernandez à la sortie des vestiaires. De son côté, la logique d’un tel déplacement doit être analysée dans un tout autre contexte. Il faut se rendre à l’évidence : face à un FC Lorient en forme, partir à l’extérieur à l’abordage avec une attaque d’une moyenne de 22,8 ans, c’est presque mission impossible. Les Lorrains ne viennent pas en Bretagne avec une logique de domination, mais d’opportunisme. L’équipe tente des coups, accélère directement vers l’avant dès qu’elle le peut, joue long et ne passe presque jamais par l’axe. La défense joue très bas et les latéraux ne participent pas (ou peu) aux offensives. Devant, on attaque le plus vite possible, à trois, quatre, cinq joueurs, sans laisser le temps au bloc de remonter et on espère voir un exploit individuel ou une balle en profondeur parfaite.
Et il faut dire que le football est fait de telle sorte que sur quatre-vingt dix minutes, une telle stratégie aurait pu marcher. Sur de nombreuses situations, Nancy s’est retrouvé à négocier des contre-attaques à quatre contre trois, et le coup-franc de Grange à la 43ème aurait du venir se loger dans la lucarne d’Audard si ce dernier n’avait pas réalisé un arrêt exceptionnel. Il est intéressant de noter qu’aucun des trois buts de Lorient n’a été marqué sur une action construite dans le jeu. Le premier arrive sur une erreur défensive dramatique de Nancy, le second sur corner et le troisième sur coup-franc. Et sur la saison, 39% des buts lorientais ont été marqués sur coups de pied arrêtés. Monsieur Gourcuff jouerait-il alors un « football positif » avec des armes de méchant ?
La question du beau jeu et de la possession de balle
En parlant de « football positif » (expression d’ailleurs tout à fait insensée), il est intéressant de comparer les jeux de Lorient et de Lille. Le jeu des hommes de Rudi Garcia repose sur la multitude de manœuvres réalisées par le trio composé de Mavuba et des deux latéraux (Béria et Digne, plus de 87 ballons joués chacun hier), et se situe ainsi dans une logique de possession. La maîtrise et le contrôle sont au rendez-vous, mais Lille a pour le moment du mal à créer des déséquilibres en l’absence d’un dynamiteur comme Hazard dans le troisième quart du terrain. C’est l’inverse à Lorient. Le jeu des hommes de Gourcuff se déclenche véritablement dans le camp adverse, à l’origine dans les pieds de Mvuemba, un cran au-dessus de Mavuba sur le terrain, mais surtout ensuite par les mouvements des ailiers bretons et les décrochages de Giuly et Traoré. Le jeu breton est ainsi fait de séquences de création très proches du but adverse et le déséquilibre du bloc adverse ne dépend pas d’un seul homme (Coutadeur et Aliadère absents hier).
Lorient n’a donc pas besoin du ballon pour être dangereux, comme l’a montré la première mi-temps au Parc des Princes, où chaque contre-attaque aboutissait sur une situation dangereuse. Par contre, comme l’a montré la seconde mi-temps à Paris et l’ensemble de la saison dernière, les hommes de Gourcuff ne contrôlent pas suffisamment le rythme de leurs matchs. Malgré les discours du technicien breton sur les « prouesses barcelonaises » , Gourcuff ne semble pas rechercher à tout prix la possession de balle. La fréquence des longs ballons de son équipe, que ce soit de son gardien ou de ses défenseurs centraux, et la répétition de frappes lointaines (6/14 hier) en sont un signe majeur. D’ailleurs, la possession a souvent été à l’avantage de Nancy hier, et n’a fini qu’à 54% pour les Bretons. Après quatre journées, il manque à Lille ce que Lorient a réussi à trouver, et vice-versa.
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Markus Kaufmann