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- 6e journée
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Les Leçons Tactiques de Chelsea
Si Chelsea a réussi son début de la saison, les Blues ont anormalement souffert à plusieurs reprises. Au cœur du problème, la contradiction entre la volonté de prendre l’initiative dans le jeu et un effectif construit pour jouer un football direct.
Après avoir conquis la gloire, Roman veut l’amour
Roman Abramovitch a changé. Après le vide décisionnel laissé par le départ de José Mourinho, le Russe recruta selon une logique d’achat de marque (Sheva, Ballack, Torres), cherchant des grands noms avant de penser à la compatibilité de ses joueurs (Torres et Drogba, Ballack et Lampard…). Maintenant qu’il a remporté la Ligue des Champions, Roman cherche de la cohérence et un projet de jeu. Le nouvel objectif ? Plaire, comme annoncé à l’arrivée de Villas-Boas, oui. Abramovitch veut encore, comme le Barça, recevoir des louanges pour les « valeurs » que son collectif dégage. Du coup, le recrutement est marqué par la volonté de trouver des jeunes joueurs techniques, habiles dans les petits espaces et capables de grandir au sein d’un même système, forcément séduisant.
Entre autres, Oscar le milieu a été préféré à Lucas l’ailier et Azpi a doublé Maicon. Sans oublier les Hazard, Marin, Piazon, Romeu. La question est maintenant de savoir quel projet de jeu… Le potentiel de cette équipe est énorme : l’effectif a les latéraux pour prendre la profondeur et construire, la charnière centrale suffisamment rapide et puissante pour jouer haut, les attaquants pour garder le ballon et créer. Chelsea pourrait, dit-on. Du moins, c’est ce que pensait Villas-Boas quand il avait décidé de faire monter d’un cran la ligne défensive. Comme Benitez à l’Inter, il avait tout changé et échoué. Ses Blues étaient déséquilibrés, peu incisifs et donnaient l’impression de « tourner autour du pot ». Dans un Chelsea en crise, les idées de jeu direct de Di Matteo avaient donc plu à tout le monde, car cela marchait.
Le regret Modric
En ce début de saison, Di Matteo rencontre deux problèmes : les responsabilités trop grandes de Mata, Hazard ou Oscar à la création, et le manque de contrôle des Blues, qui ont souffert contre les petits (Wigan, Reading) et se sont fait dominer par les gros (Juve), voire corriger (Atlético). En gros, on ne voit pas le collectif destructeur capable de remporter la PL, celui que Mourinho et Ancelotti avaient su trouver. Di Matteo mise sur le 4-2-3-1 de la paire Mikel-Lampard, censée récupérer, conserver et distribuer. Mais pas organiser, et encore moins créer. A l’image des Pays-Bas de la paire Van Bommel – De Jong, la création des Blues se situe à un niveau trop haut sur le terrain, là où il est impossible de conserver le ballon sans prendre le risque de le perdre : au niveau de Sneijder en orange, de Mata-Hazard en bleu. Conscient du problème, Di Matteo demande à sa charnière de ne pas jouer trop haut, pour éviter de se faire mitrailler par les contre-attaques adverses. Un cercle vicieux.
L’Italien fait même souvent dans le conservatisme : en alignant Ramires à droite du 4-2-3-1 et Bertrand ou Oscar à gauche, l’équipe ressemble fortement à un 4-4-1-1. Équilibré et difficile à bouger, mais loin de prendre l’initiative dans le jeu. Quand les Blues jouent clairement un football de contre-attaque, c’est beau et foudroyant. Quand leurs idées sont obscurcies par une volonté de possession, c’est brouillon, et dangereux. Dans cette configuration, Di Matteo, tout comme Villas-Boas auparavant, souffre de l’absence d’un milieu mobile, capable de diriger la rencontre et ordonner le rythme du match. Il manque un regista, un architecte, un meneur reculé. Des exemples ? Pirlo bien sûr, mais aussi Xavi, Verratti, Yaya Touré sur certaines séquences, Paul Scholes évidemment, le bon Nuri Sahin, Mikel Arteta, et surtout la première cible des Blues lors du mercato 2011, et même 2012 : Luka Modric… Alors, que faire ?
Donner les clés à Romeu, déjà ?
Le meilleur match de la saison du collectif bleu reste le 6-0 de mardi (contre les Wolves de seconde division, certes), un match brillamment « dicté » par le seul Oriol Romeu, sans Lampard ni Mikel. Demandé par Villas-Boas et acquis pour 5M€ en 2011, l’Espagnol formé à l’Espanyol puis au Barça (qui conserve une option de rachat jusqu’à l’été prochain) est le seul milieu Blue au profil de constructeur. Intelligent, patient et doué, Romeu « a du football dans les pieds » . Mettre en place un 4-3-3 au milieu Ramires-Romeu-Lampard est donc envisageable, ou encore un osé Ramires-Romeu-Oscar. Au contraire de Villas-Boas, dépassé par la réalité, Di Matteo a montré qu’il savait tirer le meilleur d’un effectif donné, peu importe l’objectif et le style de jeu (Chelsea 2012, WBA 2010). N’ayant aucun principe de jeu, il ne ferme la porte à aucune option.
Cette saison pourrait donc être une année de transition à Stamford Bridge. Si Chelsea gagne en jouant un football direct, Di Matteo ne changera rien, et tant pis pour les puristes. Si Chelsea souffre, il cherchera une solution, et cela pourrait être Romeu. Après avoir accueilli de nombreux changements et digéré quelques départs de marque (Drogba, Essien, Malouda), il ne faut rien brusquer. Tant qu’il entendra le chant « Champions of Europe, we know what we are » à Stamford Bridge, Di Matteo pourra afficher son sourire malicieux, conscient qu’il peut faire évoluer son équipe à son rythme. Roman, rappelle-toi que l’amour sait attendre.
À visiter :
Le blog Faute Tactique sur SoFoot.com
Markus Kaufmann