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Les démons d’Hayange
À Hayange, fleuron de l’ancien bassin sidérurgique lorrain, le FN a pris la mairie lors des élections municipales de 2014. Et changé la donne pour les clubs de football locaux. Si la plupart des associations sportives accueillent la nouvelle donne avec enthousiasme, le FCH, le principal club de la ville, est lui plongé dans la crise.
Hayange, en plein cœur du bassin minier lorrain. Au milieu des hauts fourneaux qui ont cessé de fonctionner, plongeant la ville la tête la première dans la crise, le FN s’empare de la ville lors des élections municipales de 2014, à la faveur d’une triangulaire où l’UMP et le PS ont décidé de maintenir leurs candidats. Propulsé sur le devant de la scène, Fabien Engelmann, ancien ouvrier fonctionnaire territorial et syndicaliste à la CGT, met les pieds dans le plat et taille dans les subventions du club fanion : le FC Hayange.
Subvention divisée par 4 pour le FCH
La première victime est en réalité le chouchou de l’ancienne administration PS. Le FCH qui évolue alors en DHR accuse une nette baisse de ses subventions. Le club favori de l’ex-adjoint aux sports, Patrice Hainy, ne reçoit en 2014 que 10 700 € contre 30 000 €, plus 20 000 € exceptionnels auparavant. Ce qui a fait dire à l’époque au président du club, François Noël, dans La Voix du Nord « qu’il espère ramener le maire à de meilleurs sentiments, sinon à Noël, il n’y aura plus de club » . Depuis, Noël, il évite de s’exprimer dans l’espace public. La raison ? : « Dès que je parle, on a des problèmes, la mairie nous coupe les subventions. Franchement, à ce rythme-là, si quelque chose sort dans la presse, dans deux ans, on met la clé sous la porte » , évoque-t-il, catastrophé.
Une assertion rejetée par le maire Fabien Engelmann. Pour l’homme qui a un temps milité au NPA d’Olivier Besancenot, avant d’en déchirer sa carte, outré que le parti ait présenté une femme voilée aux élections régionales dans le Vaucluse, la baisse de la subvention a plus à voir avec la mauvaise gestion du club fanion : « Il n’y a rien d’idéologique là-dedans, j’ai reçu le FCH, et ils ont présenté un déficit de 17 000 euros alors qu’ils bénéficiaient chaque année d’une subvention de 20 ou 40 000 euros. C’est juste un club mal géré, quand je leur ai demandé de me présenter leur budget, ils ne m’ont jamais remis les documents. Ils donnent des arguments fallacieux, ils disent que le club va mourir, mais c’est faux. »
L’administration PS dans le viseur
En filigrane, la baisse des subventions serait aussi une sanction pour un club qui bénéficiait des largesses de l’ancienne administration PS. C’est en tout cas ce que maintient Engelmann : « Ils sont aigris de ne plus recevoir leur subvention exceptionnelle qui était assurée par leur copinage avec l’ancien maire PS. Sous l’ancienne administration, le FCH bénéficiait chaque année de 40 000 euros, il n’y en avait que pour eux, parce que les dirigeants du FCH étaient encartés dans le même parti. Avec cette subvention, ils payaient des primes de matchs à des joueurs venus d’autres communes. Je ne vois pas pourquoi on devrait financer cela. Je préfère un club bien géré avec des bénévoles. »
À vrai dire, les autres clubs de la ville abondent dans le même sens qu’Engelmann, satisfaits de la fin des privilèges accordés au grand club de la ville. Plus que l’idéologie politique, c’est une querelle de clochers entre les différents clubs qui agitait jusque-là Hayange. La ville s’est construite en ajoutant des villages alentours, si bien qu’elle compte 4 clubs : Konacker, Saint-Nicolas, le FCH et l’US Marspich. Président de ce dernier, Marc Thomas revient sur les raisons de la discorde. « Le FCH et nous, on n’est pas trop pareils. La mairie PS voulait faire disparaître les clubs de quartier pour les faire fusionner avec le FCH, et nous, on n’était pas d’accord évidemment. Donc, devant notre refus, la mairie PS a fermé nos installations, supprimé nos subventions, sous prétexte que notre terrain était situé sur une zone dangereuse. Avec les autres clubs, on a porté l’affaire au Tribunal administratif de Strasbourg et on a eu gain de cause à la veille de notre expulsion. Seulement voilà, la mairie a mis des barrières sur notre terrain et on ne pouvait en utiliser que la moitié. Au vrai, le FCH est l’équipe fanion de la ville. Ils évoluaient en DHR, mais n’étaient pas en règle au niveau de la Fédération, ils n’avaient pas assez d’équipes de jeunes. Donc la mairie a voulu fusionner tous les clubs, pour qu’ils aient assez de jeunes. »
Entre le cochon et la Saint-Jean
Autant dire que devant le « marche avec le FCH ou crève » de l’administration PS envers les clubs de quartier, ceux-ci n’ont pas vu d’un mauvais œil l’arrivée d’une nouvelle équipe municipale. « On a eu un peu peur quand M. Engelmann est arrivé, avoue Marc Thomas. On ne savait pas à quoi s’attendre. Mais il a fait construire un terrain synthétique, a même fait construire des projecteurs des deux côtés du terrain. On a trouvé une oreille. Nos subventions ont été maintenues, au prorata du nombre de licenciés et du niveau auquel évoluent les équipes. Avant, les dirigeants du FCH se payaient grassement, l’entraîneur avait des émoluments inédits à ce niveau, certains joueurs étaient aussi payés. M. Engelmann a établi le même critère pour toutes les assos, c’est plus juste ainsi. »
Pourtant, Fabien Engelmann fait rarement l’unanimité. L’ancien militant d’extrême gauche symbolise le nouveau FN du XXIe siècle. Fils de sidérurgistes mosellans, il a quitté l’univers de référence de la gauche politique ou syndicale pour rejoindre directement la protestation frontiste. Et en a vite adopté les pires lubies. La dernière fois qu’Engelmann a fait parler de lui, c’était pour une histoire de rois mages, quand la crèche municipale arborait un Balthazar blanc, alors que celui-ci est noir. Cela s’ajoute à son principal fait d’armes : la création de la fête du cochon, immédiatement après son élection en avril 2014. Une célébration municipale fréquentée par pas mal de skinheads et au cours de laquelle les associations municipales bénéficient de stands, histoire de se faire un peu d’argent de poche, pour servir des compléments aux subventions. Mais le FC Hayange n’a pas voulu célébrer le cochon. De quoi se retrouver une fois de plus dans le viseur d’Engelmann : « C’est un club qui ne participe absolument pas aux événements municipaux ou aux cérémonies patriotiques, comme cette fête du cochon. S’ils participaient à ces événements où il y a plus de 3000 personnes, ils pourraient obtenir des rentrées d’argent pas négligeables, en organisant des lotos, des tombolas. J’ai mis un stand à leur disposition à la fête du cochon et aussi à la fête de la Saint-Jean, mais ils ne sont jamais venus. »
« Ici, tous les enfants sont verts »
Les autres clubs, plus pragmatiques, tiennent leurs stands, à l’image de l’US Marspich de Marc Thomas, qui se souvient de la Saint-Jean : « Le FCH a mis une belle carotte à la mairie. Ils devaient animer un stand mis à leur disposition. C’était l’occasion de faire rentrer de l’argent dans leurs caisses. Ils ne sont pas venus. Ça donnait un stand vide, au milieu de la fête, et ça la foutait mal. Nous, on participe à tous les défilés et les manifestations, pour faire vivre notre club. Fête du cochon ou pas, je m’en fiche. Je ne fais pas de politique, je suis une asso. Ce que je sais, c’est que lors de cet événement, mon club a gagné 3000 euros, venant agrémenter mes 10 000 de subventions. Dans mon club, il y a sans doute des gens qui votent FN, extrême-gauche ou PS, je m’en fous. Ici, tous les enfants sont verts. »
Retrouvez le dossier complet sur le foot dans les villes FN, dans le SO FOOT #133
Par Arthur Jeanne