- Amérique du Sud
- Brésil – Jour de Christophe Colomb – Histoire
Les conquistadors du football brésilien
Le 12 octobre 1492, alors qu'il pense découvrir un nouveau passage vers les Indes et ses richesses, Christophe Colomb pose le pied en Amérique. Quatre siècles plus tard, deux autres Européens débarquent au Brésil avec des crampons, un ballon et la ferme intention d'éduquer au football les populations locales.
Souvent décrit comme le pays du football, le Brésil n’a pourtant rien à voir avec la création de ce sport. Imaginé et né bien loin de Rio de Janeiro, en Grande-Bretagne, le football a mis bien du temps à s’exporter vers les Amériques. Pour que naisse la passion du ballon rond de l’autre côté de l’Atlantique, il a fallu attendre la toute fin du XIXe sicèle et les voyages de deux hommes, un Écossais et un Brésilien d’origine écossaise. Si, aujourd’hui, le Brésil est largement considéré comme « o país do futebol » , les joueurs de la Seleção doivent beaucoup à Thomas Donohe et Charles Miller, sans qui le pays n’aurait sans doute jamais commencé à tâter le cuir. Problème, les défenseurs de l’un comme de l’autre se livrent aujourd’hui une guerre historique pour savoir qui est le vrai père du football brésilien. Alors même que les deux ont eu une influence incontestable sur le développement de ce sport loin de ses terres natales. Au même titre que le club de football d’Exeter, qui a fait naître la Seleção, quelques années plus tard.
Thomas Donohe : les premiers pas, les premières passes
l’Écossais Thomas Donohe naît à Busby, à quelques kilomètres de Glasgow, en 1863. Comme un symbole, la première Football Association est créée à Londres juste après sa naissance. Longtemps joueur dans sa ville natale, Thomas est contraint de quitter son Écosse natale avec sa famille pour trouver un travail au Brésil, un pays alors en pleine expansion industrielle. « Il est allé à Bangu, une ville assez loin du centre de Rio. Aujourd’hui, il faut compter une heure et demie pour aller là-bas depuis le centre-ville. Lui, il travaillait dans une usine de coton » , raconte aujourd’hui Aidan Hamilton, historien du sport et auteur de plusieurs livres dont An Entirely Different Game, The British Influence on Brazilian Football, publié en 1998. Déboussolé puisqu’il doit vivre sans musique ni football, Thomas Donohe fait tout pour se sentir chez lui à Bangu. Mais il ne trouve sur place aucun ballon, pas de chaussures, rien ! Il demande alors à sa femme qui doit le rejoindre de lui rapporter ses crampons et un ballon.
« Il a instauré le football pour les ouvriers. C’est très important, il a lancé le processus. Il a introduit le football dans un contexte particulier, celui du monde ouvrier » , détaille Aidan Hamilton, faisant référence au premier match disputé entre les ouvriers, en septembre 1894. S’il a lancé le processus et introduit pour la première fois le football à des ouvriers brésiliens, Thomas Donohe n’a pas eu une influence immense, comme l’explique M. Hamilton. « Encore une fois, son influence sur le développement du sport à Rio et au Brésil ne doit pas être reniée, mais elle reste minime. Il a lancé le processus. À Rio, Oscar Cox, le fondateur de Fluminense, en 1902 (alors que le Bangu FC n’a été fondé qu’en 1904), a eu plus d’influence. »
Charles Miller : l’organisateur
Né en novembre 1874 à São Paulo d’une mère brésilienne et d’un père écossais, Charles Miller est envoyé à Southampton pour étudier. Là-bas, il découvre le football et joue même quelques matchs avec le Corinthian FC et St Mary. De retour au pays, en 1894, « il organise le sport dans son club, le SPAC. C’est lui qui a organisé le premier championnat de football brésilien, en 1902. Son rôle d’organisateur est très important. Il était vice-consul de Grande-Bretagne à São Paulo. Il a utilisé ses contacts, ce rôle, pour aider à la croissance du football au Brésil » , précise Aidan Hamilton. C’est effectivement en 1902 qu’est organisé le tout premier championnat de football de São Paulo, remporté par le SPAC (qui remportera également la compétition en 1903 et 1904) avec Charles Miller au poste d’attaquant.
« Miller a enseigné et organisé. Et puis, c’était le meilleur joueur ! Il marquait les buts, il avait un niveau excellent » , insiste l’historien. Fait marquant, c’est bien Charles Miller qui serait à l’origine du nom des Corinthians de São Paulo. « Il a joué plusieurs fois avec le Corinthian Football Club, et il impressionnait. Quand le CFC est allé au Brésil en 1910, c’est Miller lui-même qui a suggéré que le nom soit utilisé par le nouveau club fondé en septembre 1910. Il faut aussi dire que Miller a terminé sa carrière en jouant contre ces Corinthians avec le SPAC » , narre M. Hamilton. Une fois la boucle bouclée, Miller est enterré dans sa ville natale, au Brésil, loin de se douter que le pays serait aujourd’hui la terre sacrée de son sport.
Exeter City et la naissance de la Seleção
« En 1914, Exeter voyageait en Amérique du Sud. Ils ont joué huit matchs en Argentine. Sur le chemin du retour, leur bateau est arrêté à Rio » , explique l’historien. Là-bas, les joueurs de City disputent trois rencontres. La troisième est considéré comme le tout premier match de l’équipe nationale du Brésil. « Il y avait 7 joueurs de Rio et 4 de São Paulo. C’est la première fois aussi que l’équipe a utilisé les couleurs du Brésil sur le maillot. Le maillot était blanc, mais les manches étaient vert et bleu. Le Brésil a d’ailleurs gagné deux buts à zéro. Les journaux là-bas traitaient vraiment ça comme un match international. Ils parlaient d’un match du Brésil contre l’Angleterre. Deux mois plus tard, le Brésil jouait son premier match officiel contre l’Argentine » , détaille passionnément l’historien. « D’ailleurs, le 3 juillet 2014, 200 supporters d’Exeter sont allés voir un match entre leur équipe et Fluminense pour fêter le centenaire du premier match » , conclut-il.
Par Gabriel Cnudde