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Lens-Bordeaux, l’horaire de la discorde
Joueurs, supporters et dirigeants lensois unissent leurs forces pour faire changer l’horaire du 1/4 de finale de Coupe de France Lens-Bordeaux, prévu mercredi 17 avril à 17h. Entre coups de gueule et fatalité, retour sur une polémique qui n’attend qu’un geste des hautes sphères du foot français pour s’estomper.
« Les dirigeants du football français sont-ils incompétents ? » C’est par ces mots, très forts, que débute le communiqué envoyé hier par les Red Tigers, principal groupe ultra lensois, aux médias, au groupe France Télévisions et à la FFF. En cause ? L’horaire du match Lens-Bordeaux que la Fédération Française de Football et France Télévisions ont fixé à 17h en pleine semaine. Autant dire qu’à cet horaire, le stade Bollaert, qui peut contenir jusqu’à 40 000 supporters, risque de sonner creux. Si les supporters et dirigeants lensois comprennent que les matchs de Paris ou de Saint-Étienne soient plus attractifs pour passer en prime time à la télévision, tous regrettent que ce choix se fasse au détriment d’une équipe et de ses supporters.
D’autant que la confrontation face à Bordeaux était certainement la dernière chance pour les Sang et Or, quasiment certains de ne pas monter en L1, de sauver leur saison. Une fête d’ores et déjà gâchée par l’horaire du match. Pierre, membre du bureau des Red Tigers, ne mâche pas ses mots « En fait, quand on a vu que le match était à 17h, on est tous partis au quart de tour. Et quand je dis tous, je ne parle pas forcément des Red Tigers, c’est vraiment un ras-le-bol général de tous les supporters lensois concernant les horaires de matchs. On galère depuis deux ans en Ligue 2 et là, alors qu’on joue un quart de finale de Coupe de France face à une grosse équipe de Ligue 1, la FFF nous met le match à 17h un mercredi. Du coup, non seulement toutes les animations tombent à l’eau, mais on va limite devoir prendre une demi-journée pour aller voir le match. »
Il faut dire que Lens, qui revient de loin après un début de saison très difficile, misait beaucoup sur cette rencontre, pour le spectacle comme pour remonter le moral des supporters. « Si 7 000 supporters parviennent à se déplacer au stade, on pourra s’estimer heureux » regrette Pierre. D’où le sentiment de Didier Decoupigny, président du 12 Lensois, la principale association de supporters sang et or, d’ « avoir été piégé par Daniel Bilalian (Directeur général adjoint chargé des sports à France Télévisions) » . Il affirme savoir de source sûre que la diffusion de ce match est une décision de France Télévisions que Noël Le Graet, « en bon nabab qu’il est, a décidé de valider entre deux ascenseurs. » « Le problème, poursuit-il, c’est qu’on voulait vraiment faire de ce match une fête. On a fait le maximum pour ouvrir des tribunes, pour proposer des tarifs moins chers, mais Le Graët, Thiriez et compagnie n’en ont rien à foutre des supporters. Et là, on est baisés ! »
Un mécontentement partagé par le club
Même son de cloche, exprimé de manière plus policée toutefois, chez les dirigeants du RC Lens. Joint dans la matinée, Luc Dayan, président des Sang et Or, s’avoue « effondré ! C’est vraiment dommage ce qui se passe. J’ai essayé de faire bouger les choses en contactant Daniel Bilalian, mais il n’a rien pu faire non plus. Alors, certes, on est habitués à jouer les matchs de Coupe de France en pleine semaine, mais là, en le programmant à 17h, c’est une très mauvaise chose pour le public. » En bon président, il tente toutefois de relativiser : « Le seul point positif, c’est que le match se déroulera durant les vacances scolaires. Ensuite, bien que le club soit actuellement en difficulté économiquement, on a tenté d’adapter nos tarifs. Le but étant simplement de faire les places moins chères pour que les moins de 16 ans puissent venir plus facilement et que ceux qui travaillent ne perdent pas trop d’argent pour venir au match. »
En conférence de presse hier, Éric Sikora ne voyait pas du tout les choses de la même façon, se montrant nettement plus direct : « On espérait jouer Bordeaux dans un stade plein. Malheureusement, avec leur horaire à la con, le mercredi à 17h00, tu n’auras pas forcément un stade à 25 000 (spectateurs). Tu te bats pour que ton public soit récompensé et on trouve un match le mercredi à 17h, il faut vraiment être cinglé ! Cela reste du foot et il faut que dans les stades de foot, il y ait du monde. Il ne faut pas que ça passe à la télé et qu’il y ait 10 000 spectateurs. Je ne vois pas l’intérêt » .
La ruée vers l’or ?
Face à une telle polémique, on est en droit de se poser une question naïve : les aspects budgétaire et marketing du football auraient-ils supplanté la passion du fan de foot ? Si les méfaits du business ne font aucun doute du côté des ultras, Luc Dayan se fait plus philosophe : « Il ne faut pas tout mélanger. Les supporters critiquent actuellement le côté business du foot, mais ce sont aussi les premiers à gueuler quand on n’investit pas assez pour acheter de nouveaux joueurs. C’est sûr qu’un stade plein à Bollaert est toujours un vrai spectacle sportif, même indépendamment de la qualité du match, mais l’interaction entre le football et la télé a toujours créé et créera toujours des choses contradictoires. Le système est comme ça depuis des années et il est normal qu’on privilégie actuellement l’attractivité du PSG » . Une attractivité financière dont Lens a amplement joui il y a quelques années, profitant de sa popularité pour bénéficier de la manne des droits télé.
Mais là n’est pas le problème. Le problème, c’est qu’aujourd’hui aucun effort n’est fait pour rendre ce match attractif : « Ce qui m’agace avec France Télévisions ou la FFF, c’est qu’ils ont toujours tendance à se réfugier derrière des contrats » , se révolte Luc Dayan avant d’ajouter : « Ils ne font que rarement l’effort de comprendre notre position et donc de s’adapter. Mais la passion du foot est partout à Lens. Que ce soit les élus, les joueurs, les supporters ou autres, personne n’est content de cette décision. »
Quid de la FFF et de France Télévisions ?
Contactés plusieurs fois dans la journée, le groupe France Télévision et la Fédération Française de Football n’ont pas daigné nous répondre sur ce sujet. Une absence de déclaration signifiant que l’affaire serait clause ? « Le problème, c’est qu’on n’a plus de recours possible. Il y a eu un accord acté entre la FFF et France Télévisions. Donc, connaissant la rigidité des structures, je suis très pessimiste. » A entendre Luc Dayan, les choses ne devraient plus bouger.
Mais certains supporters, Didier Decoupigny en première ligne, ne l’entendent pas de la même façon : « Je ne sais pas encore sous quelle forme, mais ça risque de bouger d’ici ce week-end. Certains supporters sont mêmes prêts à faire le déplacement jusque Paris pour aller protester au siège de France Télévisions. C’est clair qu’on ne va pas se laisser faire comme ça. On demande juste un peu d’humanisme. Ce n’est pas qu’un match de foot, il y a du lourd derrière, des hommes, des supporters, une économie locale. Daniel Bilalian n’est pas le patron du foot français, encore moins des supporters. S’il veut qu’on en discute autour d’une table, faisons-le. Il y a d’autres alternatives. »
Vu la teneur des propos tenus par Daniel Bilalian ce midi au journal de France 3 Nord Pas-de-Calais, pas sûr que ces tentatives s’avèreront efficaces : « Nous sommes une télévision grand public, explique-t-il, nous n’avons pas de chaîne thématique au sport et nous avons des impératifs. Il n’y a plus de changement possible. On ne peut pas reculer. » Reste que les supporters continuent d’y croire. Didier Decoupigny : « On en a marre d’être pris pour des couillons. S’il faut des communiqués ou d’autres formes de revendications, il y en aura. Il faut qu’ils reviennent sur leur décision ! »
par Maxime Delcourt