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Le singulier Benjamin Corgnet

Par Gurvan Abjean
Le singulier Benjamin Corgnet

Benjamin Corgnet, milieu explosif de Dijon, est la révélation française de ce début de L1. Il y a trois ans, il s’entraînait encore sur le terrain en gore de L’Union Sportive Millery-Vourles (USMV), un petit club du Rhône alors engagé en division d’honneur. Dimanche, il s’apprête à fouler la pelouse du Parc des Princes, celle des Raï, Ginola, Ronaldinho et consorts. Les terrains amateurs en guise de centre de formation. Portrait d’un ovni de la planète foot.

Oluwaseyi Ojo devrait bientôt rejoindre Chelsea pour 2,3 millions d’euros et devenir le joueur de 14 ans le plus cher de l’histoire du foot. A cet âge, Benjamin Corgnet révisait son brevet des collèges et s’amusait sur les terrains de foot de Saint-Genis-Laval, en banlieue lyonnaise. Le milieu de terrain dijonnais a suivi une trajectoire atypique pour découvrir la Ligue 1 à 24 ans. Alors depuis bientôt trois mois, il profite, sans se poser de questions : « C’est un immense bonheur d’être là. Quand on joue en amateur, on ne pense pas pouvoir atteindre ce monde. Moi, je n’ai jamais imaginé jouer en ligue 1. » Les destins de Valbuena, Drogba ou Ribery, trois joueurs qui ont éclos sur le tard, font souvent figure d’exemples. Mais tous ont intégré des centres de formation dans leur jeunesse. Pas Benjamin Corgnet : « J’aurais pu entrer dans celui de l’Olympique Lyonnais à 10 ans mais mes parents ont préféré que je continue ma scolarité normalement. »

Les études avant le foot

P’tit Ben, un surnom hérité de ses années à l’USMV, va donc squatter les terrains amateurs. Et il va commencer tôt dans sa Moselle natale : « J’ai débuté quand j’avais deux ans à Plappeville, un petit bled vers Metz où mes grands-parents vivaient » . Quand il débarque à Saint-Genis-Laval vers 4 ans, pas question d’arrêter. « On a inscrit son grand frère chez les débutants. Benjamin était trop petit. Mais il aimait tellement ça qu’on a demandé à l’entraîneur de le prendre quand même » , se souvient son père, Bruno. Le coach accepte et le fout dans les cages. Il comprendra vite que le gone est plus utile sur le terrain. Benjamin est régulièrement surclassé, il s’éclate avec son frère et fait le bonheur du club. A 18 ans, bac en poche, Benjamin Corgnet intègre la fac de médecine. Les études, les potes, les bringues… Le foot est devenu un simple passe-temps : « Je ne pouvais pas aller à tous les entraînements. J’en avais un peu marre. » Il cire le banc à plusieurs reprises et décide donc de rejoindre l’Union Sportive Millery-Vourle, où son meilleur ami joue. Il fait la rencontre d’Olivier Dumas, l’entraîneur des seniors. Un déclic. C’est le début de sa folle ascension.

Il enchaîne deux montées de rang pour hisser le club en division d’honneur. Son coach se souvient surtout d’une rencontre contre la réserve d’Evian Thonon Gaillard : « Ils ont débarqué avec huit contrats pro du groupe de National. Il y avait même le frère de Clarence Seedorf. Ils nous appelaient « les peintres » . On se fait tourner en 1ère mi-temps et grâce à un penalty chanceux on rentre aux vestiaires à 1 partout. Benjamin me demande de sortir car il ne se sent pas bien. Peut-être la bringue de la veille. Je le sors. Au bout de 10 minutes, ça va mal donc je le remets sur le terrain. Il plante deux buts et on gagne 4-2. Le plus beau hold-up de ma carrière d’entraîneur. » Au club comme chez les adversaires, tout le monde ne parle que de lui. Sa capacité à percer les lignes balle aux pieds, son explosivité sur les 3-4 premiers mètres, sa technique : Benjamin impressionne malgré son mètre quatre-vingt chétif. Yann Lucas a joué à ses côtés à Vourle: « Je me souviens de la finale de coupe du Rhône. Le vainqueur gagnait une semaine en Tunisie. Avant le match, un pote le regarde droit dans les yeux et lui dit : ‘Je ne t’ai jamais rien demandé, mais fais-nous gagner cette finale pour que je kiffe à Tunis’. On le considérait tous comme le meilleur » .

6 millions d’euros et l’équipe de France

Mais son talent ne suffit pas. L’USMV perd cette finale et descend. Olivier Dumas pousse alors sa pépite à viser plus haut. Ce sera à Chasselay, en CFA2. Benjamin Corgnet casse la baraque dès son arrivée. Ghislain Anselmini, ancien défenseur de l’OL, le prend sous son aile et contacte son ancien coéquipier, Patrice Carteron. L’entraîneur de Dijon, alors en Ligue 2, accepte de le prendre à l’essai : « Dès le premier jour, j’ai appelé mon président pour le faire signer. » Benjamin finit la saison avec Chasselay, décroche son BTS optique, et débarque à Dijon. « J’ai été surpris de rentrer dans le milieu pro comme ça. Je venais de nulle part. J’ai eu un peu de mal au début mais je ne me suis jamais posé de questions » . Là encore, il se joue de la concurrence. Résultat : la montée en Ligue 1 et une place dans le onze type de Ligue 2 aux trophées UNFP.

Ses débuts dans l’élite ? « Je suis resté à Dijon donc c’était dans la continuité. » En clair, une formalité. Déjà 4 buts en 10 journées dont un doublé la semaine dernière contre Montpellier. De quoi attirer les convoitises. « J’ai dit que Corgnet, c’était 6 millions d’euros pendant le mercato. A l’époque, ça a fait sourire. Nice nous a proposé 1,5 million. On a refusé et on a eu raison, estime Patrice Carteron. S’il jouait dans un autre club, il serait déjà en équipe de France » . La bande à Laurent Blanc est encore loin. Benjamin Corgnet le sait : « Je suis sous contrat avec Dijon jusqu’en 2015. Je veux faire une saison pleine sans blessure, je ne pense pas trop au reste. »

Pourtant, il est bien devenu, en quelques semaines, l’un des milieux de terrain les plus surveillés du championnat. Son pote Yann Lucas n’en revient pas : « Après le match à Montpellier, il figurait dans l’équipe type d’Eurosport à côté de Ribéry, Schweinsteiger et Gameiro ! » . Une surprise, même pour celui qui a toujours cru en lui, Olivier Dumas : « Quand il débarquait à l’entraînement avec son sac, Benjamin avait l’air de tout sauf d’un joueur de foot. Mais sur le terrain … »

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