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Le nouveau Bosz de l’Ajax
Avec le matraquage Frank de Boer à Everton, on en a presque oublié que l'Ajax n'avait plus de coach. Le club amstellodamois, lui, a déjà une idée en tête : offrir à Peter Bosz, l'un des plus fins tacticiens du pays, l'un des meilleurs effectifs d'Eredivisie. Mais Peter Bosz, ça vaut quoi, au fait ?
C’est un secret de polichinelle : la finale de Coupe d’Israël qui oppose le Maccabi Haïfa au Maccabi Tel Aviv sera le dernier match que le Néerlandais Peter Bosz, 52 ans, passera sur le banc des Jaunes. Professionnel jusqu’au bout des ongles, connu pour sa discrétion, l’ancien milieu touffu devenu chauve une fois entraîneur préfère attendre la fin de Liga ha’Al, qui l’a vu finir deuxième sur les talons de l’Hapoël Beer-Sheva, ainsi qu’une possible victoire en coupe nationale face à Haïfa, pour annoncer officiellement qu’il plie les gaules pour débarquer chez d’autres joden.
Du côté d’Amsterdam, à l’Ajax. Un choix qui peut paraître surprenant sur le papier : Peter Bosz n’a jamais joué ni entraîné chez les jeunes du club amstellodamois, a contrario de techniciens « sur le marché » tels que John van den Brom, Michael Laudrup, Clarence Seedorf, voire Louis van Gaal, dont les noms ont été soufflés en capitale néerlandaise. Mais au Toekomst, on ne jure que par Peter Bosz, et ce, même si le bonhomme a porté les couleurs du rival séculaire Feyenoord. Parce qu’à l’Ajax, on s’y connaît encore un tout petit en football, quand même. Alors, l’entraîneur du Maccabi Tel Aviv du même acabit que Frank de Boer ? Possiblement. Voire mieux.
Peter le bourlingueur
« Il y a deux façons de débuter comme entraîneur professionnel : soit tu fais comme Frank de Boer et tu commences à l’Ajax, soit tu fais comme moi. » Lorsqu’il nous accordait une interview en mars 2015, Peter Bosz ne s’imaginait sans doute pas que la comparaison avec Frank de Boer irait plus loin que ça. Mais les faits sont là : Peter Bosz a été vraisemblablement choisi par le club ajacide pour prendre la suite du sextennat de Frank de Boer, couronné de quatre titres en Eredivisie.
Et « faire » comme le natif d’Appeldoorn signifie traîner ses guêtres un peu partout. Comme footballeur, d’abord. Espoir du Vitesse, Bosz se révèle au RKC Waalwijk avant de signer au SC Toulon à la fin des années 80, sous les ordres de Rolland Courbis. Le milieu à bouclettes revient au pays, du côté du Feyenoord, pour cinq saisons où il grattera un championnat, un quart, puis une demie de C2, et sera de la seule défaite infligée aux invincibles Ajacides de Van Gaal en 1995. Il obtient au passage huit sélections en Oranje. En 1996, il s’envole pour la toute nouvelle J-League au JEF United Ichihara, revient au bout d’un an et demi en Bundesliga au Hansa Rostock, puis en Eredivisie au NAC Breda, avant de repartir chez les Nippons pour une dernière pige de six mois.
Champion de CFA avec son club d’enfance
Comme entraîneur, Bosz repart à zéro, de là où tout a commencé : Appeldoorn. En 2002, il remporte la Hoofdklasse (l’équivalent néerlandais de la CFA) avec son club d’enfance de l’AGOVV, avant de se ramasser pour sa première expérience professionnelle la saison suivante avec De Graafschap. Il signe alors au Heracles Almelo en Eerste Divisie, avec lequel il passera six saisons entre 2004 et 2013, entrecoupées d’un passage de trois ans comme directeur sportif du Feyenoord.
À chaque fois, Bosz fait beaucoup avec peu : une montée en Eerste Divisie en 2005, des playoffs pour l’Europe en 2011 et une finale de KNVB Cup en 2012. Il monte en grade en prenant la tête du Vitesse Arnhem en 2013. Pendant deux saisons et demie, il fait de l’antichambre de Chelsea et son indécent turn-over un véritable laboratoire de football tactique. Terminant sixième puis cinquième d’Eredivisie, Bosz quitte un Vitesse quatrième lorsqu’il signe au Maccabi Tel Aviv en janvier dernier. Depuis, le club jaune et noir a fini la saison 2015-2016 à la neuvième position.
Guardiola, le doordekken et le « meilleur football des Pays-Bas »
Mais plus que de résultats, c’est avant tout de manière dont il s’agit avec Peter Bosz. Pendant son mandat au GelreDome, le Vitesse récupère l’envié titre d’équipe la plus offensive du championnat, adoubée de surcroît par les spécialistes comme l’équipe la plus plaisante à voir jouer. Bosz, lui-même, n’avait d’ailleurs aucun mal à le reconnaître en 2015 :
« Je pense que l’on pratique le meilleur football des Pays-Bas, mais on manque de points. » Mais alors, ça ressemble à quoi le « meilleur football des Pays-Bas » ? « Nous pressons les équipes très haut et très tôt dans le jeu. Lorsque nous avons la balle, le but est d’avoir une bonne possession et de construire par l’arrière, et lorsque nous perdons la balle, nous avons mis en place la règle des cinq secondes. Chaque joueur doit faire en sorte d’avoir récupéré la balle dans les cinq secondes qui suivent sa perte en pressant immédiatement l’adversaire. […] C’est un concept mis en place par Guardiola à Barcelone. Il avait sa règle des trois secondes. Bon, on n’est pas Barcelone, donc j’ai décidé de donner à mes joueurs deux secondes de plus. J’essaie aussi d’appliquer ledoordekken: si un adversaire retourne dans sa moitié de terrain, le dernier défenseur de mon équipe ne doit pas avoir peur lui aussi d’entrer dans la moitié de terrain de l’adversaire » , poursuivait Bosz, rappelant qu’entre « le premier attaquant et le dernier défenseur attaquant, il ne doit y avoir que trente mètres. »
Mourir pour des idées, l’idée est excellente pour l’Ajax
Si Peter Bosz avait eu plus de moyens, il aurait sans doute terminé dans les places qualificatives pour la Ligue des champions – il a d’ailleurs atteint ce niveau en cours de saison 2013-2014 l’espace de quelques journées. Même chose s’il avait transigé avec son football et accepter de parfois gagner sale à défaut de « perdre beau » . Au lieu de ça, sa réputation d’homme d’idées, prêt à mourir pour elles, est intacte et c’est désormais l’Ajax et sa philosophie qui font passer le jeu avant toute autre priorité qui lui tend les bras. Bosz est patient, et la preuve en est, ça valait le coup d’attendre. D’autant que le timing est quasiment parfait pour le natif d’Appeldoorn : les rouages du 4-4-3 imprenable de Frank de Boer avaient fini par se gripper ces deux dernières saisons, au point de laisser filer deux titres en Eredivisie au profit du PSV, laissant apparaître des lacunes offensives qu’il pouvait masquer auparavant dans son collectif.
Avec un coach qui a découvert des manieurs de cuir, tels que Davy Pröpper ou Marko Vejinović, et des flèches comme Bertrand Traoré ou Lucas Piazón, il n’est plus interdit de jouer haut, vite et fort pour l’Ajax. Davy Klassen redeviendra meneur de jeu, Joël Veltman sera le faux libéro qu’il aurait toujours dû être et Arek Milik – s’il ne part pas en Italie – jouera encore plus les renards des surfaces. Tout en gardant l’ADN ajacide : possession de balle et jeu de passes courtes. « Son jeu et sa philosophie s’intègre à 100% dans ceux de l’Ajax » , a récemment déclaré Ronald de Boer à NOS. Au point que l’Ajax est prêt à débourser un demi-million pour racheter son contrat. Et tant pis si ça fâche le Feyenoord.
Par Matthieu Rostac, à Amsterdam