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Le jour où l’Espagne a découvert Raymond Kopa
Le 17 mars 1955, l'équipe de France allait défier la sélection espagnole à Madrid pour un match qui n'avait d'amical que le nom. Ce jour-là, Raymond Kopa a séduit les deux pas : la France et l'Espagne.
« Cet après-midi, j’ai vu l’un des plus grands joueurs de tous les temps. Il s’appelle Kopa. » Le moins que l’on puisse dire, c’est que les mots de Desmond Hackett sont élogieux. Le 17 mars 1955, le journaliste britannique du Daily Mail a assisté à un match amical en l’Espagne et la France. Le match a eu lieu à Madrid, au stade Chamartin, devant 125 000 spectateurs. Et il faut dire que Raymond Kopa, attaquant du Stade de Reims, a éclaboussé la rencontre de tout son talent. Le Français d’origine polonaise s’est servi de son petit gabarit (1m68) tout le match pour faire perdre la tête aux Espagnols. Les dribbles, les passes, les frappes, tout a fonctionné. Impressionné comme jamais, Desmond Hackett lui donne un nouveau surnom, repris par tous : le « Napoléon du football » .
L’impossible victoire
Comme souvent, c’est dans l’adversité que les grands joueurs se révèlent. Sur les huit premiers derbys des Pyrénées de l’histoire, les Français ont été défaits sept fois, dont quelques branlées (deux fois 4-0, une fois 8-0 et une fois 5-1). Et en 1955, la sélection espagnole, composée en majeure partie des joueurs du futur grand Real Madrid, est encore une fois largement favorite. En face, l’équipe de France est en reconstruction. Après une Coupe du monde 1954 complètement ratée, Albert Batteux est nommé sélectionneur, en parallèle de son boulot de coach au Stade de Reims. Cette confrontation face à l’Espagne est d’ailleurs son premier match. Le jour de la rencontre, l’ancien sélectionneur Gabriel Hanot écrit dans les colonnes de L’Équipe « qu’une défaite par quatre buts d’écart serait normale et qu’une victoire est impossible » . La confiance règne…
Le début de match va dans le sens du pessimisme de Gabriel Hanot. Dès la 11e minute de jeu, Piru Gaínza ouvre le score pour l’Espagne. La France manque de créativité et d’inspiration dans le domaine offensif. Jusqu’à ce que Albert Batteux repositionne Raymond Kopa. Exilé sur le côté droit, le joueur du Stade de Reims change de poste et se place dans l’axe. Il prend alors le jeu à son compte, en véritable meneur. Les effets de ce changement tactique se font tout de suite ressentir. Peu avant la demi-heure de jeu, Kopa égalise sur un service d’Abderrahman Mahjoub. Quelques minutes plus tard, il double la mise sur un centre Jean Vincent, cette fois-ci. Mais le but est refusé pour un hors-jeu inexistant. Vincent avait passé en retrait depuis la ligne de sortie de but. Peu importe, les feintes, les accélérations et la vision du jeu de Kopa ont renversé la vapeur.
J’me présente, je m’appelle Raymond
Au retour des vestiaires, les Français continuent sur leur lancée. Sur une énième percée de Kopa, Glocacki est lancé dans la profondeur et centre pour Vincent qui marque enfin le but du 2-1. En toute fin de match, la France aurait même pu bénéficier d’un penalty pour une faute sur Mahjoub. Pas grave, la victoire est tout de même assurée. « Sensationnelle et incontestable victoire d’une magnifique équipe de France » , titre L’Équipe au lendemain du match. Ce succès retentissant pose les bases d’un groupe. Le groupe qui signera le premier exploit de l’équipe de France. Le groupe qui ira conquérir la troisième place de la Coupe du monde 1958. « La Suède a commencé là » , déclare d’ailleurs Albert Batteux. Mais surtout, grâce à ce match, Kopa vient de se faire connaître aux yeux du public espagnol.
« Je pense que ça a été le meilleur match de ma carrière en équipe de France » , confiera plus tard, la première superstar du football français. Un match incroyable, à tel point que le grand Real Madrid commence à s’intéresser à lui. À partir de cette rencontre, Kopa est régulièrement observé par le club madrilène. Il faudra une finale de la première Coupe d’Europe face au Stade de Reims, moins d’un an plus tard, pour décider les dirigeants espagnols. Il rejoint alors Di Stéfano et Gento pour former l’une des équipes les plus dominatrices de tous les temps, et remporter trois Coupes d’Europe de plus. Desmond Hackett ne s’était pas trompé. Le 17 mars 1955, il venait bien de voir « l’un des plus grands joueurs de tous les temps » .
Par Kevin Charnay