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Le jour où l’Aigle des Açores s’est posé à Paris

Par Florian Lefèvre
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Le jour où l’Aigle des Açores s’est posé à Paris

Le 10 juillet 2003, Francis Graille tient sa star. Ronaldinho vient de s'envoler à Barcelone et un numéro 9, pas loin de la fin de carrière, débarque en provenance de Bordeaux. Pedro Miguel Pauleta. Douze ans plus tard, le Portugais reste le meilleur buteur de l'histoire du PSG avec 109 réalisations. Une légende. Parce qu'il a soulevé deux Coupes de France, un peu. Parce qu'il a achevé sa carrière dans la capitale malgré des équipes en carton, surtout. Retour sur ces cinq années en rouge et bleu, si frustrantes et si belles.

Le Parc est plein, l’union sacrée, décrétée. En son sein, l’ambiance, digne de ses plus belles soirées européennes, rappelle son glorieux passé. Au coup d’envoi, ce samedi 10 mai 2008, le PSG est relégable ; au terme de la rencontre, le point du match nul arraché grâce à un missile de Jérémy Clément n’assure en rien le maintien en Ligue 1. La survie du club de la capitale se jouera une semaine plus tard, au stade Auguste-Bonal de Sochaux. Mais qu’importe, ce soir-là, l’essentiel est ailleurs. Ou plutôt, il est là, agenouillé au milieu du terrain, tel un fidèle au sein du temple. Pauleta : un nom qui résonne et circule encore et encore dans cette arène qu’est le Parc des Princes. Le peuple parisien rend hommage à son héros. Les supporters pleurent, Pedro aussi. Avant de quitter son nid, l’Aigle des Açores embrasse la pelouse et déploie une dernière fois ses ailes, pour remercier le public de l’avoir tant aimé. Une échappée (presque) à la hauteur de sa légende – le capitaine parisien sortira une ultime fois sous les applaudissements de la foule lors de la finale de la Coupe de France, perdue face au sextuple champion de France lyonnais.

« C’est la seule star que j’ai entraînée au PSG, se souvient Guy Lacombe, qui a passé l’année civile 2006 sur le banc de la capitale. Pedro fait partie de cette race de buteurs d’exception. » De son arrivée en 2003, après le départ de Ronaldinho vers Barcelone, au clap de fin cinq ans plus tard, à l’aube du renouveau, Pauleta restera le seul de sa génération à avoir fait lever le Parc. « Un formidable joueur, appuie Sylvain Armand, qui l’a connu quatre saisons durant. Quand il est parti, on l’a ressenti. Certes, son remplaçant Guillaume Hoarau a fait du bon travail, mais sur la longueur, Pedro nous manquait… » Avec le Brésilien Juninho, LE numéro 9 parisien a survolé la Ligue 1 dans les années 2000. Quels joueurs de sa trempe seraient restés autant de temps à Paris, pendant l’une des pires périodes sportives de l’histoire du club ? Très peu. L’international portugais a, lui, toujours repoussé les sirènes de Jean-Michel Aulas et d’autres cadors européens. Car Pauleta a deux amours : « Mon pays et Paris » .

Au commencement, il y a Bordeaux, Francis Graille et les trophées UNFP. L’attaquant des Girondins vient de fêter ses 30 ans et reçoit la récompense de meilleur joueur du championnat, sous les ovations de l’Olympia. Comme toujours, le Portugais se trouve un peu gêné d’attirer la lumière sur lui. La cérémonie terminée, au moment de regagner l’ascenseur, un inconnu se présente à lui : Francis Graille, le nouveau président du PSG. Ce dernier n’y va pas par quatre chemins : « Tu es notre priorité de recrutement. On parviendra à un accord quoi qu’il arrive » , rapportera ensuite Pauleta. Le choix est vite fait : après la Gironde, direction la Ville Lumière.

Avec Jérôme Alonzo, Bernard Mendy est le seul à l’avoir connu durant toutes ses années chez les Rouge et Bleu. « C’était un homme droit, un très bon capitaine. » Guy Lacombe confirme et se souvient d’une « personne humble, réservée, avec beaucoup d’empathie. (…) Mais Pedro n’était pas fait pour devenir capitaine, il n’aimait pas se mettre en avant. » « Un leader à sa manière, calme, classe, qui n’avait pas besoin de gueuler pour nous remotiver, reprend Mendy, latéral droit passé ensuite par Hull, le Danemark, Brest, l’Inde et désormais Chypre, à l’AEL Limassol. « Réservé » , le qualificatif revient si souvent, mais reflète-t-il vraiment la personnalité du Portugais ?

Chambreur, coup franc raté et saison(s) de merde

Derrière l’image du gendre idéal et footballeur modèle, il y a aussi un partenaire accessible. « Pedro n’était pas réservé, c’est juste que ce n’est pas un gars bling-bling » , insiste Sylvain Armand. Le Rennais se rappelle un « gros chambreur » . « C’était le premier à chambrer, se marre Mendy. Moi, je suis un boute-en-train, mais ce n’était rien par rapport à lui ! » D’ailleurs, quand il s’agit de conter une anecdote, l’homme qui a enrhumé Roberto Carlos n’évoque pas tout de suite les buts fantastiques face à Fabien Barthez : « Je me rappelle un coup franc à Metz la première saison. Pedro voulait que je fasse une feinte, mais avec son accent, j’avais compris qu’il fallait lui décaler la balle. Un gros raté. C’était cocasse (rires), mais derrière, il m’a bien engueulé ! » Pedro Pauleta dispute alors son deuxième match avec sa nouvelle équipe et ne sait pas encore qu’il caressera les ficelles 109 fois sous la tunique bleu-blanc-rouge-blanc-bleu.

« Je viens à Paris pour être champion » , déclarait à son arrivée le natif de São Miguel, la plus grande île de l’archipel des Açores, au milieu de l’Atlantique. Meilleur buteur de L1 en 2006 (21 buts), puis 2007 (15 buts), l’attaquant décrochera finalement deux Coupes de France : contre Châteauroux en 2004, avec son meilleur PSG, et surtout face à l’OM, deux ans plus tard. Cette année-là, Paris se prend quatre pions à la maison, non seulement par le RC Lens, mais aussi par l’AC Ajaccio (alors que le club corse était déjà relégué en L2), sans oublier de se faire humilier par les minots marseillais (0-0, le 5 mars 2006, le président phocéen de l’époque, Pape Diouf, avait envoyé l’équipe réserve à Paris en invoquant des raisons de sécurité). Une bonne saison de merde, en somme. Sauf que comme le confirme l’entraîneur à la moustache, « l’équipe a su se remobiliser pour la Coupe de France » . Et l’Aigle de prendre son envol.

Pauleta marque à Bollaert devant Vermelles, en 32es de finale. Pauleta marque – deux fois – à Gerland face à Lyon la Duchère, en huitièmes de finale. Pauleta marque au Parc contre Lille, en quarts de finale – « Ce jour-là, j’ai dit but avant qu’il ne marque, je le savais ! » , rembobine Guy Lacombe. Vient le dernier carré et la demi-finale à Nantes. Victime d’une légère contracture à la cuisse gauche, le joueur ne s’entraîne pas la veille du match à la Beaujoire dans l’idée de bluffer le staff nantais. Le lendemain, Pauleta marque une reprise somptueuse à cinq minutes de la fin. La veille de la finale, l’homme invite tout le monde au restaurant portugais pour fêter son anniversaire. Pas de sortie en boîte, mais de bonnes tranches de rigolades. La suite… un pétard de Bonaventure Kalou et une folie de Vikash Dhorasoo ! À Saint-Denis, le PSG bat l’OM (2-1) ; capitaine Pauleta soulève la coupe Charles Simon. S’ensuit une nouvelle fête, un peu plus arrosée cette fois.

Chambourcy, « Monsieur Matuidi » et Laurent Ruquier

Mais les paillettes et les déhanchés sur le dancefloor parisien, ça n’a jamais été le genre de la maison. Le Portugais aime la tranquillité de Chambourcy, un nom de yaourt pour une petite bourgade cosy de l’Ouest parisien. Casanier, ce père de famille y mène une vie peinard. D’ailleurs, là-bas, dans les Yvelines, Pierre Morange, maire élu de longue date, n’a aucun souvenir de son ancien concitoyen. « J’ai juste entendu parler dernièrement d’un certain Monsieur Matuidi » , glisse son collaborateur. En vérité, pour trouver trace de Pauleta, il faut se tourner vers l’ASM Chambourcy, le club de foot de la ville. Le président, Paul Chemama, a signé une licence à Pauleta… André, fils de. « Un enfant respectueux, jamais un mot plus haut que l’autre, et aussi super fan de son père » , détaille avec le sourire le président de l’ASMC. Le père ? « Un homme qui faisait l’unanimité auprès des parents et offrait des lots de maillots au club aussi souvent que possible, assure Paul Chemama. Il encourageait sans mettre la pression. Quand il venait, Pedro n’intervenait jamais auprès du coach, il tenait à rester à sa place. Ça lui arrivait même d’attendre dans la voiture dès qu’on multipliait la masse de gens… »

L’homme n’aime pas s’exposer sous les projecteurs. Une attitude anti-star qui tranche avec la beauferie de certains. N’en déplaise à Laurent Ruquier qui lui lâchera un gênant « ta gueule » sur le plateau d’ONPC, reprochant au néo-retraité un excès de modestie. Sans doute l’animateur de France Télévisions trouverait désormais en Zlatan Ibrahimović un meilleur client pour son talk show. Les autres garderont en mémoire la fidélité, l’authenticité, la classe folle, la volée contre Ajaccio, les misères à Barthez, le une-deux avec Reinaldo contre Porto, les aigus de Denis Balbir, les ailes déployées et les annonces mythiques de Michel Montana, le speaker du Parc. « Numéro 9 et capitaine, Pedro Miguel… »

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Par Florian Lefèvre

Tous propos recueillis, sauf ceux de Pedro Pauleta, tirés de Pauleta, un livre-entretien avec Daniel Riolo.

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