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Le cœur de Palmieri

Par Ugo Bocchi et Theo Denmat
7 minutes
Le cœur de Palmieri

La mâchoire carrée, le poil long et le regard un peu fou, Julian Palmieri n'est pas le meilleur joueur du championnat. Mais il est de ceux qui ne lâchent jamais. Et en Ligue 1, c'est déjà beaucoup. Entre des échecs récurrents, une grosse sortie de route et un « voyage spirituel », retour sur une carrière déjà bien fournie.

C’est une période dont très peu peuvent témoigner. Il y a d’abord ceux qui n’en « savent pas assez » . Puis les autres, ceux qui estiment que « ce n’est pas à (eux) de le faire » . Tous, en revanche, s’accordent à dire que l’espace de quelques mois, Julian Palmieri « a été perdu pour le football » . Pour plus de détails, c’est lui qu’il faut contacter. S’il le souhaite. « Il en a déjà parlé, maintenant c’est derrière lui, il n’y a pas de problème » , souffle son agent et ami Christophe Vecchioni. « Julian, c’est devenu la famille, explique-t-il, c’est comme mon petit frère. » Seulement, à la différence de la plupart des fratries, le benjamin n’a pas pu se prémunir des erreurs de l’aîné. À 15 ans, le petit barbu est pourtant promis à l’aile gauche lyonnaise où il a effectué la première partie de sa formation, mais il est repoussé en Corse, à Bastia. Puis repoussé à Crotone, en D2 italienne, cinq ans plus tard. Puis repoussé hors du foot, finalement, l’année d’après. Neuf mois à bosser les mains dans le pétrole pour une boîte d’intérim tenue par son père, à boire, à faire des insomnies. Pile le temps d’une grossesse, comme pour accoucher d’un nouvel homme et d’une nouvelle vie : « Cet épisode a été une grosse épreuve pour lui, détaille Yves « Tonton » Pianelli, président de la formation bastiaise et proche du joueur. Ce n’était même pas un retour aux sources, c’était un retour à la cave. »

Le justicier

Pour comprendre une descente aux enfers, il convient de remonter aux portes du paradis. En 2001, à l’OL. René Duplessy, l’un de ses entraîneurs de l’époque, se souvient d’un gamin tout à son aise au milieu de la génération 1986 de Grégory Bettiol et Mourad Benhamida : « Il était rapide, petit, il jouait attaquant gauche à l’époque. Il fallait d’ailleurs tout cela pour pallier son déficit physique. » Oui, Julian est petit. Mais surtout, il est né un an trop tôt. Sur son aile gauche, il gêne « le meilleur joueur qu’on ait jamais eu à l’OL » , selon René : Hatem Ben Arfa. « Je ne suis pas dans le secret des dieux, mais les deux profils étaient les même, et Hatem a toujours été au-dessus. C’est peut-être pour ça qu’on ne lui a pas signé de contrat pro. » Une première baffe dont Palmieri ne s’accommode guère, lui qui considère sa catégorie d’âge comme « sacrifiée » pour celle d’après. Direction alors Bastia, qu’il connaît bien de son père et de ses grand-parents. Un vrai Corse, le Julian, même s’il n’y a jamais habité : « Quand tu es corse, tu ne l’es pas de terre, tu l’es de sang, tonne-t-il.Quand Bastia venait à Gerland, j’étais pour Bastia ! »

Sur place, l’adolescent fait la rencontre d’Yves Pianelli, aujourd’hui son mentor. C’est là, au cours d’un match de Gambardella à Montpellier, qu’il va découvrir le poste de latéral gauche. Tonton se souvient : « À l’entraînement, le latéral gauche se blesse. Franck Gouvernier se grattait la tête, et je lui susurre : « Essaye Julian. » Et bon, ça ne s’était pas trop mal passé. » Mais malgré « une vivacité, une explosivité, une technique au-dessus de la moyenne » et plusieurs incursions dans le groupe professionnel en Coupe de France, le contrat qu’on lui faisait miroiter tombe directement dans la Méditerranée. Queue de poisson. Illogique. Jean-Michel Verdi, dirigeant influent de l’époque, ne donnera pas sa confiance aux jeunes. « Julian ne supporte pas l’injustice, analyse Pianelli. La vraie, mais aussi la fausse : s’il commence à entrer en conflit avec quelqu’un il ne s’en sort plus ! Ça peut être avec un arbitre, un juge de touche… Il est capable de dérailler pendant un quart d’heure parce qu’une touche ne lui a pas été donnée. » De fait, Palmieri a toujours beaucoup donné, mais peu reçu. Car lorsqu’il s’envole pour le FC Crotone et la D2 italienne, il pense enfin être accepté. Être gardé. C’était sans compter sur deux de ses coéquipiers.

« Je vidais des bidons de pétrole de 5l dans des cuves de 10 000l »

« Au départ, c’était très bien, sportivement je finis meilleur espoir du championnat (devant Giovinco, ndlr) et humainement… je prends la place du capitaine. Certains joueurs, comme Salvatore Soviero et Alfredo Cardinal – mais je ne l’ai su qu’après – ont parlé aux supporters pour me… pour que ça se passe mal pour moi. Donc voilà, c’est intelligent de faire ça à un jeune de 18 ans. Pas très courageux, mais c’est pas grave, ça ne m’étonne pas. Je m’attrape avec deux supporters. Pas très courageux non plus, puisque j’avais réussi à les recontacter et ils n’ont pas voulu venir à l’entraînement pour qu’on s’explique… » Encore un échec, il rompt son contrat. Unilatéralement. Pas de bol, c’est interdit. « J’en avais plein le cul, (…) je ne prenais plus de plaisir. J’ai décidé d’arrêter. » Le voilà donc suspendu neuf mois, sans possibilité de rejouer dans un autre championnat ou sur un autre continent. Bloqué. « J’avais des crédits, des frais, il a fallu que je paye certaines choses. Mais j’avais pas peur d’aller au turbin pour gagner ma croûte. Mon père avait plusieurs agences d’intérim et m’a dit que c’était la vie, que ça ne se passe pas toujours comme on le veut, qu’il fallait que je travaille. »

Loin des tacles glissés, mais toujours dans la banlieue de Lyon dans un entrepôt XXL, son travail quotidien est simple : soulever ses deux bras, et effectuer un mouvement de bascule. « Ça consistait si tu veux à vider des bidons de pétrole de 5l dans des cuves de 10 000l. Pour remettre le pétrole dans d’autres bidons, parce qu’ils étaient abîmés et que c’était pas bon pour la vente. L’entrepôt était énorme pfff… il devait y avoir des millions de bidons ! Donc voilà, toute la journée, je perçais des bidons que je remettais dans des cuves, de 4h du matin à 13h. » Forcément, le moral est atteint. Seul chez lui, il dort peu. Pire, il cogite. Il boit. Mais comme le destin n’est pas tout à fait salaud concernant les injustices, il rencontre à ce moment un autre employé de l’usine, un certain Christophe Chollet : « Avec lui, il fallait mettre les bidons vides dans des énormes cartons, tu sais. Une fois que les cartons étaient pleins, je m’amusais à sauter de 3-4m dans les cartons, ou alors il me filmait et on faisait des backflips dans le transpalette (rires). C’était des conneries, mais il fallait essayer de relativiser. » Puis un jour, alors que les deux hommes ne se connaissent que peu, Christophe propose à Julian de l’accompagner dans son chalet de Haute-Savoie, à Saint-Gervais-les-Bains.

Brokeback Montagne

Les deux compères débarquent entre le mois de septembre et d’octobre – « et je peux te dire que quand Christophe me levait à 6h du matin, il faisait pas chaud » – pour cinq jours de marche, de moto, de quad. Entre autres. Au milieu de paysages qui lui rappellent ses années corses, Julian Palmieri se « remet à l’endroit » . Christophe Chollet se souvient très bien : « On est partis là-bas quand il m’a dit que ça n’allait pas du tout, qu’il sortait beaucoup et picolait pas mal. Il était beaucoup dans le questionnement, je lui disais : « Parles-en, pleure, chante, crie. » Je lui avais aussi dit : « On ne tond pas un œuf » : on ne prend rien à celui qui n’a plus rien. Il avait bien accroché à cette expression, c’est un pince-sans-rire. » Yves Pianelli peut confirmer : « C’est un écorché vif. Il est bourré d’émotions et il a du mal à les gérer, même si c’est quelque chose sur lequel il a beaucoup progressé. C’était un rebelle qui pouvait exploser d’une minute à l’autre, avec une forme d’immaturité émotionnelle, mais jamais violent. Pour lui, à chaque fin de match, c’est « Tonton, alors comment c’était ? » Si je suis pas à la sortie du vestiaire pour lui faire le bisou, il est déstabilisé, c’est un petit rituel. C’est quelqu’un qui a besoin d’être rassuré, épaulé… »

Actuellement, Christophe vit chez Julian. Une forme d’entraide mutuelle, lorsque le premier a décidé de retourner vivre en Corse. Alors le programme, type chasse aux sangliers ? Pas tout à fait selon son ami : « Il aime les trucs très simples. On part à pied au bord de la rivière avec les chiens, on pêche, puis on discute. On essaye surtout de pêcher de la truite – s’il y en a – mais c’est plus une occasion de discuter. Le soir, on se boit une bière… Cette période sombre l’a beaucoup marquée. Il a de vraies valeurs, il n’oublie jamais d’où il vient. Il n’a pas beaucoup d’amis, mais il est très fidèle. » Voilà qui tombe bien, tonton Pianelli venait justement de faire le rapprochement avec une bête au caractère similaire : « C’est un petit chien fou, Julian, il déborde d’émotions. Mais gentil, hein, c’est pas un pitbull ! »

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