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La pionnière Corinne Diacre ?
Il y a un an, Clermont Foot avait innové en plaçant Helena Costa à la tête de son équipe masculine, en L2, puis Corinne Diacre qui a tenu la barre et obtenu le maintien du club. De quoi entrevoir l'arrivée d'autres femmes sur des bancs de touche masculins ?
« C’est un pari gagné, mais seulement une première étape. Elle a prouvé qu’elle n’était pas moins compétente que ses prédécesseurs. Si elle avait échoué, cela aurait été mal interprété, on aurait dit que les femmes n’avaient pas le niveau, alors qu’un échec sportif n’est pas forcément la faute de l’entraîneur seul, plein de paramètres entrent en compte. » Sonia Souid savoure, car c’est elle qui, au printemps dernier, avait glissé à Claude Michy l’idée de nommer une femme pour remplacer Régis Brouard, l’entraîneur en partance pour Niort. Séduit par la possibilité d’être le premier club professionnel à installer une technicienne à la tête de son équipe première, le président clermontois se penche alors sur les CV disponibles. Et avec l’agent Sonia Souid, ils ne voient au départ qu’un profil vraiment idoine : Helena Costa, forte d’une grande expérience comme formatrice (Benfica, Qatar), recruteur (Celtic Glasgow), sélectionneur (Iran) et même entraîneur d’une équipe masculine de niveau régional au Portugal (Cheilerense).
Corinne Diacre nommée en catastrophe
Mais à peine la reprise débutée, elle quitte son poste pour désaccord avec son directeur sportif, et Corinne Diacre la remplace au pied levé. Une donnée qui renforce son mérite selon Sonia Souid, car « elle a pris le train en marche et, en plus, elle avait la pression du néophyte à ce niveau » . Neuf mois plus tard, le maintien de Clermont acquis malgré un début de saison poussif, les instigateurs de ce transfert atypique peuvent souffler, d’autant que selon Souid, si cela avait foiré, « on nous aurait traités de fous » . Mais aujourd’hui, l’expérience de Corinne Diacre tend à crédibiliser les femmes comme responsables d’équipes masculines selon Bertrand Cauly, président du Syndicat national des agents sportifs (SNAS) : « Se demander si les femmes vont désormais être plus crédibles, c’est déjà répondre oui, car seule la réussite compte et Corinne Diacre a rempli ses objectifs. » Même si Sonia Souid préfère prévenir : « Corinne doit oublier sa condition de femme pour réussir, car si elle monte en Ligue 1, on parlera de miracle, si elle descend, on dira à nouveau que c’est logique… » Alors même qu’elle a prouvé – à l’instar de Stéphanie Frappart qui, elle, a pris place comme arbitre de champ en Ligue 2 masculine – que le « sexe faible » était capable de performer au milieu des hommes. Et éventuellement de leur apporter un nouveau regard ?
« Les joueuses n’osent pas prévenir leur entraîneur quand elles ont leurs règles »
C’est un point de vue que tend à approuver Bertrand Cauly, car « les femmes sur les bancs, c’est une diversité intéressante » sans pour autant être une perte en matière de compétences. Une approche, un regard qui diffèrent de celui des techniciens masculins, et qui peuvent s’avérer précieux notamment dans le sport féminin, où les hommes restent également majoritaires : « Ma fille joue au plus haut niveau en handball, il y manque cette diversité y compris dans le hand féminin, si bien qu’on a des joueuses qui n’osent pas prévenir leur coach quand elles ont leurs règles de peur d’être mises de côté. » Rien que sur ce point, le président du SNAS estime qu’une femme a déjà l’avantage de mieux appréhender la psychologie des sportives. Mais si les femmes peuvent réussir dans des univers d’hommes, « alors qu’on vous donnera toujours moins de temps pour prouver » , Bertrand Cauly estime qu’on ne peut pas forcément placer des femmes sur n’importe quel banc, et surtout, n’importe quelle femme à n’importe quel poste : « Pour moi, le recrutement d’Helena Costa était une erreur, car si je n’étais pas étonné de voir débarquer une femme, j’étais étonné de voir débarquer une femme non francophone, cela revient à cumuler des éléments non maîtrisés, et donc à ajouter des risques. » De là à penser que la première expérience d’une femme à la tête d’un effectif d’hommes aurait pu partir en vrille à cause de la barrière de la langue, Bertrand Cauly franchit le pas, et pense que le club a « pris trop de risques pour un enjeu trop important, car Costa représentait l’ensemble des femmes entraîneurs » .
Le scepticisme initial de Noël Le Graët
Heureusement pour la belle histoire, Corinne Diacre, débarquée comme pompier de service, a réussi à mener le club au maintien, mais ce succès ne va pas forcément ouvrir une nouvelle ère selon Sonia Souid, car « il manque en France des femmes titulaires du BEPS, quand Helena Costa a quitté Clermont, seule Corinne Diacre avait le profil pour lui succéder » . Un point de vue que rejoint son homologue masculin Bertrand Cauly : « On part de zéro, il y a trop peu de femmes formées et déjà beaucoup de coachs hommes sur le carreau. » Mais pour Sonia Souid, ce qu’a accompli Corinne Diacre ne sera pas forcément sans conséquence, car cela a « permis une ouverture d’esprit » , l’agent se souvenant d’un échange avec le président de la FFF Noël Le Graët avant que la nomination d’Helena Costa n’ait été envisagée : « Il m’avait dit que c’était impossible de voir une femme à la tête d’un club pro. Désormais, on sait que ce n’est pas fou de le proposer. »
Mais le combat n’est pas encore arrivé au stade d’installer des femmes en Ligue 1 masculine, mais plutôt de les voir prendre du galon dans l’univers féminin. Sonia Souid : « Il n’y a qu’une seule femme sur un banc en première division féminine, c’est anormal. » Ce qui fait dire à Bertrand Cauly que l’enjeu est avant tout de voir les femmes prendre leur place dans le foot féminin, car « l’anomalie est surtout là, cela montre que l’on ne fait pas confiance aux femmes dans le foot français » . Pour Sonia Souid, il faudrait tout simplement commencer à voir plus de femmes accéder à des postes à responsabilité, mais aussi ne pas oublier que ces dernières sont les premières responsables de leur situation : « Le monde du foot est macho, c’est vrai, mais il y a aussi une responsabilités des femmes, elles doivent franchir le pas, se lancer, passer les diplômes et revendiquer des postes. Pour le moment, cela manque de femmes compétentes. Même chez les agents, on est une dizaine sur 300 agents licenciés, c’est peu. Il y a des peaux de banane pour tout le monde dans le milieu du foot, pas seulement pour les femmes. Ce n’est plus une excuse. »
Par Nicolas Jucha