- Elections présidentielles de 2012
La Gauche à l’assaut du sport
Pendant que la droite dégaine son choc de civilisations pour aimanter le vote FN et que le président brade un second mandat contre deux référendums, PS et PC (et PG) avaient semble-t-il d’autres soucis en tête. En effet, le Front de gauche et François Hollande ont lancé leur programme pour le sport français, autrefois source de toutes les attentions de la part de Nicolas Sarkozy (c’était il y a une éternité, en 2002). Une chose est sûre, pour les partis de gauche qui ambitionnent de gouverner, le foot doit (re)devenir, aux yeux du gouvernement, un sport comme un autre. Du moment que les élus locaux votent les subventions aux clubs pro et aux stades dans les municipalités évidemment..
« Mélenchon n’a jamais été foot. Pour lui le footballeur millionnaire reste une caricature de ce qu’il déteste. Marie-Georges Buffet a essayé en vain de le convaincre de la dimension universelle de l’affaire ou des mérites de l’ascension sociale dans le foot. Déjà quand il fut évoqué de construire pour 98 le grand stade à Massy, il s’était opposé au maire de la ville et avait voté contre. Sa seule prise de position se résuma à exprimer une relative empathie pour les joueurs de Knysna, sur fond de syndicalisation chez les riches » . Les propos de Stéphane Allies, journaliste à Médiapart et co-auteur du livre « Mélenchon le Plébéien » (Robert Laffont), démontrent à quel point le Front de Gauche part a priori de loin sur la question du ballon rond, tant sur le fond que sur la forme. « Place au peuple » certes, mais pas à son sport n°1.
Heureusement pour lui, son « allié » communiste possède en revanche une véritable histoire, voire passion, en la matière. Et même aujourd’hui souvent une expertise reconnue dans sa famille politique – à voir le nombre d’adjoints municipaux au sport ou de vice-présidents en région -, sans oublier la dernière ministre de gauche en date, Marie-George Buffet (réalité dont s’est moquée, sûrement involontairement, Eva Joly dans sa saillie dépitée : « Si je fais 2-3%, on va me donner le ministère de la Jeunesse et des Sports, et ça s’arrêtera là » ). C’est donc à ce canal historique « rouge » – à l’exception d’Eric Coquerel, secrétaire national du PG et conseiller de Mélenchon, fan de voile et de Socrates – que l’ont doit le lancement du Front de Gauche du sport avec un slogan qui sent bon l’éducation populaire : « L’humain d’abord » . Le collectif qui le compose rassemble ainsi le cortège habituel de syndicalistes CGT, SNEP (les profs d’EPS), de dirigeants de fédérations sportives (FSGT, Canoë-kayak) et même Alain Vernon de Stade 2. Le discours déroule sans surprise les thèmes habituels sur la défense du service public, du bénévolat ou encore de la vie associative, et forcément de l’EPS.
Discours bien ficelé
La seule chose que peut en craindre le football tient dans la volonté de mieux « mutualiser » les moyens financiers, avec notamment une augmentation de la taxe Buffet et un prélèvement sur les capitaux financiers issus de la commercialisation des produits sportifs. Tout ça pour espérer arriver à un budget de 1% (Sarkozy avait promis 3%). Thiriez risque encore de crier au bolchévisme, comme avec la fin du DIC, et cette fois-ci il ne pourra plus aller pleurer au château de l’Elysée pour forcer la montée des droits télé. Sachant également que le grand attachement de la gauche en faveur de l’impôt républicain peut s’avérer un outil d’oppression politique bien réel sur le foot pro et qu’en temps de crise, de TVA sociale, et de privatisation des retransmissions de L1 et de Champions League, il sera dur de faire pleurer dans les chaumières sur les résultats européens des clubs tricolores.
François Hollande a organisé de son côté un raout à Créteil ce samedi pour rencontrer sportifs et dirigeants tout en livrant un discours bien ficelé (avec beaucoup d’éthique et de lutte antidopage) de futur chef de l’Etat, mais sans grandes promesses fermes, même sur le budget ! Il affiche au moins un point commun avec celui de ses futurs alliés de gouvernement : le besoin d’une nouvelle loi cadre pour dépoussiérer celle de 84. Pour le reste, Pape Diouf et Vikash Dhorasoo représentaient le foot français dans un aéropage très « omnisport pré-JO » de soutiens jouant davantage sur le name-dropping (avec Stéphane Caristan, ou surtout le judoka Thierry Rey, ex-gendre de Jacques Chirac, peut-être une revanche sur Frédéric Mitterrand ?). A noter, l’absence remarquée de Noël Le Graët qui lui avait apporté son amiité durant les primaires… Bref, on a bien sûr eu le droit à une petite charge inoffensive contre le football, « sport qu’il aime » bien qu’il en trouve donc le poids dans les retransmissions trop hégémonique. D’ailleurs, aucune mesure contraignante n’a été annoncée pour y changer quoi que ce soit, qu’on se rassure du côté de Charles Biétry… Les budgets des stades de l’Euro étant bouclés et Al-Jazeera dans la place, le foot pro peut dormir tranquille, la révolution n’est pas prévue en mai.
Par Nicolas Kssis-Martov