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La faille de San Andrea

Par Éric Maggiori
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La faille de San Andrea

À force de l'ériger en disciple de Jésus, voire en demi-dieu, on en avait presque oublié qu'Andrea Pirlo avait une faille : il a vieilli, lui aussi. Et à 37 ans, celui qui a disputé trois Coupes du monde et trois Euros va regarder le Championnat d'Europe 2016 sur son canapé. Loin, de l'autre côté de l'Atlantique.

La dernière image d’Andrea Pirlo lors d’un Championnat d’Europe des nations aura donc été celle-là. Un homme en larmes. L’Italie vient de s’incliner en finale 4-0 contre l’Espagne. Pirlo, auteur d’un Euro magistral, a été impuissant face à la déferlante espagnole. Il termine donc sa compétition ainsi, après l’avoir éclaboussée de toute sa classe avec, en point d’orgue, cette Panenka divine face à Joe Hart, en quarts de finale face à l’Angleterre. Le beau Andrea a alors 33 ans, l’âge du Christ. D’ailleurs, quelques semaines après la fin de cet Euro, il se laisse pousser la barbe. Une coïncidence, sûrement. Puis il continue de briller avec la Juventus, club avec lequel il remporte trois autres Scudetti.

Le Mondial 2014 est en revanche un fiasco. L’Italie sort au premier tour, mais les Italiens sont confiants : en 2016, pour l’Euro en France, Pirlo aura 37 ans. Et comme il se bonifie avec les années, il sera là, en chef d’orchestre, c’est une certitude. Sauf qu’entre-temps, Andrea a soudainement senti le poids des années. Il a pris son ballon, et est parti s’exiler à New York. Antonio Conte, son coach pendant trois ans à la Juve, le convoque pour les premiers matchs de qualification à l’Euro, malgré l’océan qui sépare désormais le numéro 21 de son Italie natale. Mais les jambes n’y sont plus. Pirlo lâche prise petit à petit. Une cape en octobre 2014, deux autres en juin 2015, une dernière en septembre. Et puis plus rien. Pirlo ne verra pas la France cet été.

Premiers signes de faiblesse

Officiellement, Antonio Conte a invoqué le niveau de la MLS comme argument principal de la non-convocation de Pirlo pour l’Euro. Une thèse qui se tient si l’on considère que l’ancien coach de la Juve n’a pas non plus appelé Sebastian Giovinco, pourtant en pleine forme avec Toronto. « C’est normal que si vous choisissez d’aller jouer là-bas (en MLS), vous pouvez en payer les conséquences footballistiques. Mais rien n’a été laissé au hasard » , a assuré le sélectionneur après avoir dévoilé sa liste. Néanmoins, il existe évidemment une autre raison, plus délicate à admettre, mais qui n’a échappé à personne : Andrea Pirlo a vieilli. Déjà, lors de sa dernière saison turinoise, il avait montré des premiers signes de faiblesse.

Souvent blessé, il n’avait disputé que 20 matchs de Serie A, contre une moyenne de 33 pour ses trois saisons précédentes. Allegri s’était résigné à composer sans lui, construisant sa Juve autour de joueurs plus frais, et considérant plutôt Pirlo comme un « bonus » . Mais depuis qu’il est en MLS, l’ancien joueur de l’AC Milan tourne carrément au ralenti. Il n’a pas marqué le moindre but depuis son arrivée là-bas, délivre quelques rares passes décisives (quatre depuis juillet 2015) et a une influence moindre sur le jeu de son équipe. Difficile à accepter pour tous les amoureux du barbu, mais le Pirlo de 2012 n’est plus.

Les héritiers absents

Reste qu’au-delà de son âge et de son état physique, avoir un Pirlo dans un groupe n’aurait certainement pas pu faire de mal. On parle là d’un garçon qui a tout gagné, deux Ligue des champions, six Scudetti, une Coupe du monde… Un garçon bourré d’expérience, associé inévitablement aux succès de la Nazionale. Aucun Italien normalement constitué n’a oublié que c’est de ses pieds soyeux qu’est partie la passe magique pour Fabio Grosso en demi-finale du Mondial 2006, face à l’Allemagne. En 2010, Pirlo, blessé, avait manqué les deux premiers matchs de la Coupe du monde sud-africaine. L’Italie est alors terne, éteinte. Lippi le fait entrer en jeu à la 56e minute du dernier match de poule, contre la Nouvelle-Zélande, et le jeu des Azzurri s’est alors illuminé, comme si quelqu’un venait d’allumer la lumière. Pas suffisant pour se qualifier, car le mal était déjà fait, mais suffisant pour se rendre compte qu’il y avait une Italie avec, et une Italie sans Pirlo.

Pour cet Euro 2016, Antonio Conte va donc non seulement devoir composer un milieu de terrain sans Pirlo, mais aussi sans Marchisio, Montolivo et Verratti, ce dernier ayant été désigné depuis toujours comme « l’héritier » du Maestro. Trois absents notables (même si de nombreux Italiens se réjouissent du forfait de Montolivo), qui auraient pu, du coup, rouvrir la porte du Championnat d’Europe à Pirlo. Même pas. Rien. Pas même un rôle de joker de luxe, ou de réserviste étoilé. Mieux vaut un Sturaro en pleine possession de ses moyens qu’un Pirlo diminué. C’est en tout cas ce que pense Conte.

Une dernière cape

Alors voilà, c’est comme ça que ça se termine. Il faut s’y faire, on ne reverra plus Pirlo sous le maillot azzurro. Son 116e et dernier match avec la Nazionale restera donc une victoire 1-0 face à Malte. Le prochain sélectionneur (Ventura ?) lui offrira probablement une dernière cape en guise de jubilé, comme cela avait été le cas pour Roberto Baggio, rappelé en sélection en 2004, cinq ans après sa dernière cape. Mais elle comptera « pour du beurre » , au mieux pour la gloire. Le temps du beau Andrea est désormais révolu.

Et ce qui chagrine le plus, ce n’est pas juste le fait de se dire que la dernière grande compétition qui s’est disputée sans lui, c’est la Coupe du monde 2002. Ou que l’on ne verra pas l’une de ses ouvertures millimétrées de 50 mètres ou l’un de ses coups francs pleine lucarne. Non. C’est simplement le fait de regarder dans le rétro, et se dire qu’une page s’est tournée sans même que l’on s’en soit rendu compte. Et cette page-là contient un putain de chapitre de l’histoire du football italien, dont Gigi Buffon est encore le dernier gardien. Lui a promis qu’il irait jusqu’au Mondial 2018. Au moins un à qui l’on n’a pas encore trouvé de faille.

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Par Éric Maggiori

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