- COUPE DU MONDE 2014
- GROUPE A
- CAMEROUN
- FICTION
La carte postale de Jean-Armel Kana-Biyik
On affirme souvent que les footballeurs ne savent pas écrire. Faux : ils écrivent avec des fautes d'orthographe. Durant la Coupe du monde, un stagiaire du service courrier collectionne les timbres exotiques et intercepte les meilleures lettres envoyées aux sélections. Aujourd'hui : Jean-Armel Kana-Biyik.
Rennes, le 8 juin
Mes ex-coéquipiers, l’Autre,
Vous savez très bien qui je suis. Pas la peine de vous faire un dessin. Apparemment, ma carte postale a des chances d’arriver avant vous au Brésil puisque vous avez refusé de monter dans l’avion (j’ai vu ça sur mon appli L’Équipe, celle qui m’a appris que je faisais pas partie des 23). Vous avez bien fait de lâcher l’affaire, niveau grève vous ferez jamais mieux que la France. Très honnêtement, cette attitude n’était pas digne de notre standing. Pour moi, les seuls Africains qui ont le droit de refuser de prendre l’avion, ce sont ceux en situation irrégulière que l’on expulse au pays. Franchement. Tout ça pour des primes… Vu comme vous négociez bec et ongles avec la fédé, j’espère que vous allez en reverser une bonne partie par Western Union.
Quelle fin de saison de merde ! Au Stade rennais comme en sélection ! Franchement, tout m’a soûlé. Pire que M’Vila en train de s’enjailler rue Saint Michel. Au fait, je suis rentré sur Rennes. À peine, je pose un pied dans le 35 qu’un bouffeur de galettes saucisses m’alpague comme un flic en civil et me balance : « Elle est où la Coupe de France Jean-Armel ? » Direct, je me lui suis farci. Je lui ai fait un tacle rugueux dont j’ai le secret qui lui a transformé les genoux en kouign-amann. Il a pris pour tout le monde. Ça m’a fait du bien. Ça m’a défoulé. J’aurais écopé d’un carton rouge direct en Ligue 1 et une douzaine de matchs de suspension par la commission de discipline. Tiens, en parlant de cartons, je suis en plein dedans à l’appart’. Je commence à préparer tranquillement mon déménagement. Turquie ? Angleterre ? Je me tâte, je vais voir ça avec mon agent. Une chose est sûre à 100% : vous êtes pas prêt de me revoir avec le maillot des Lions indomptables sur le dos.
À propos de maillot, quand j’ai vu la gueule du nôtre, j’ai compris que les choses allaient pas très bien se passer. Entre nous, c’est quoi cet effet aztèque ? Je savais pas que la Coupe du monde se passait au Mexique. Et puis la suite : les embrouilles, l’accent allemand de l’Autre, les mecs qui parlent d’eux à la troisième personne dans le vestiaire… Fatigant ! Comptez pas sur moi pour mettre à nouveau un orteil parmi vous. 5 sélections. 24 ans (et mon état civil est correct là-dessus). Je pars la tête haute. Rien à me reprocher. Et contrairement à Sarkozy, quand je dis que je prends ma retraite internationale, c’est pas pour me pointer à la première occasion.
Franchement, j’espère que vous allez pas au Brésil pour faire les mariolles. Sinon à quoi bon se qualifier ? Je vais pas jouer l’hypocrite, le lèche-cul qui n’est pas retenu dans les 23 et qui dit : « Je suis derrière vous les gars. Je serai votre premier supporter pendant la compétition. » Vous trouvez vraiment que j’ai une gueule de mascotte ?! Pas moi !
Pour finir cette fable préparatoire, je vous laisse sur cette phrase que vous pouvez méditer : « Kana-Biyik, qui l’effrite si pique » .
À jamais, Jean-Armel
NDLR : Ceci est bien évidemment une fiction, toute ressemblance avec des faits réels ne serait que fortuite.
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Par Adrien Rodriguez-Ares