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L’Algérie, le championnat qui rend maboul
à deux journées de la fin de la saison en Algérie, six équipes peuvent encore potentiellement viser le titre et, surtout, quinze des seize équipes en lice en sont encore à lutter pour le maintien. Une dinguerie qui soulève des questions sur le niveau du championnat et la stratégie des clubs…
L’Algérie championne du monde ! Véridique, le titre est incontestable. Dans quelle discipline ? Dans celle qui honore le championnat de football le plus serré, le plus compact, le plus homogène, celui qui rend le plus maboul ses participants et observateurs. Un titre décerné à l’unanimité à la Ligue 1 locale et à sa saison 2014/2015 complètement folle. Voici sa situation actuelle, à deux journées du terme : si l’ES Sétif possède une légère avance en tête du classement, cinq autres équipes sont encore en mesure théoriquement de lui contester le titre. Mais le plus spectaculaire est ailleurs : seulement six points séparent le deuxième du classement, le MO Béjaïa, de la zone rouge. Ce qui veut dire que sur les seize formations engagées dans ce championnat, seule la première a assuré son maintien… À deux journées du terme, on se permet de le rappeler. Vous voulez d’autres preuves que cette Ligue 1 algérienne est tarée ? Aucun problème, tous les chiffres et statistiques observés cette saison sont totalement anormaux par rapport à ce qu’on peut voir ailleurs sur la planète foot. Par exemple, il n’y a que deux défaites d’écart entre le bilan provisoire du leader, l’ES Sétif (sept défaites depuis le début de saison), et l’un des trois relégables, l’ASO Chlef (neuf défaites). Un autre exemple : l’ES Sétif, toujours, a marqué 34 buts sur l’exercice 2014/2015, soit un de moins que le MC El Eulma, qui squatte actuellement la zone rouge. Dernière anomalie observée : le concurrent avec la meilleure différence de buts, le MO Béjaïa, n’est qu’à +10 au bilan après 28 journées, quand le dernier du genre, le RC Arba, compte seulement -8. Histoire de comparer, en France, on est sur un rapport +46/-30 entre le PSG et Lens, en Espagne +86/-43 entre le Barça et Córdoba…
Instabilité et jeu défensif
L’extrême homogénéité, c’est une habitude du championnat algérien, mais elle n’avait jamais été observée dans ces proportions. Comment l’expliquer ? Alain Michel, l’entraîneur du CR Belouizdad, s’essaie à la réponse. « Les changements permanents opérés au niveau de l’encadrement technique commencent à se faire sentir, analysait-il dans un entretien accordé récemment au site de la FIFA. Aucune équipe ne parvient à s’approprier un système sur le long terme. La plupart des clubs pratiquent un jeu similaire. Le football algérien est devenu très physique et les matchs sont de plus en plus serrés. Les écarts se sont réduits, au point qu’il n’y a plus grand-chose pour séparer deux équipes. » En matière d’instabilité sur les bancs de la L1 algérienne, Alain Michel sait de quoi il parle : avant d’occuper celui de Belouizdad, il en a occupé quatre autres sur les six dernières saisons, dont le MC Alger sur trois périodes différentes. Et c’est loin d’être un cas exceptionnel… Cette particularité algérienne aurait des conséquences directes sur la façon de jouer des participants au championnat, observe également l’international du MC Oran Kamel Larbi, lui aussi interrogé par le site de la FIFA : « Toutes les équipes défendent énormément. Elles pensent avant tout à ne pas encaisser de but. Dans ces conditions, la victoire est perçue comme un bonus. » Jules Accorsi, entraîneur français du MC El Eulma, au rebond : « Les clubs ont peur de perdre avant tout. Tout le monde joue avec le couteau sous la gorge et cette menace pèse sur les comportements. » Illustration parfaite de ces déclarations : lors de la dernière journée disputée samedi dernier, on a recensé sept résultats nuls en huit matchs !
Un carton sur la scène continentale…
Ce constat effectué, quelques explications avancées, se pose désormais la question du niveau de cette Ligue 1 algérienne. Et là encore, il apparaît bien difficile à lire. D’un côté, les observateurs s’inquiètent de cet état de fait, synonyme selon eux de nivellement vers le bas. Voici par exemple ce qu’en disait il y a quelques jours le journaliste Samir Lamari dans un article paru dans le quotidien Liberté Algérie : « Le futur champion ne sera pas forcément la meilleure équipe, mais la moins mauvaise ou plutôt la moins faible. Le reste, c’est-à-dire les quinze clubs, des cancres en série, sont aspirés vers le bas dans ce championnat version 2014-2015, collé, serré et atypique, qui fonctionne comme un immense aspirateur. » C’est vrai qu’il n’y a pas de quoi se réjouir de voir des « gros » du championnat tels que l’USM Alger, le MC Alger ou la JS Kabylie être capable de perdre contre n’importe quelle équipe… Quelque part, ce n’est pas très rassurant. En même temps, paradoxalement, les représentants algériens sur la scène continentale n’ont jamais été aussi performants. La saison dernière, l’ES Sétif a remporté la Ligue des champions locale, ce qui n’était plus arrivé depuis près de 25 ans à un club algérien. Cette saison, cette même C1 est squattée encore par les Algériens. Sur les huit participants à la phase de poules, il y a trois équipes algériennes encore en lice : l’ES Sétif, le MC El Eulma et l’USM Alger, les deux premières ayant sorti tout de même le Raja Casablanca et le CS Sfaxien au tour précédent. Drôle de football algérien, décidément…
Par Régis Delanoë