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Kolašinac, l’autre Hulk
Arrivé cet été à Arsenal en provenance de Schalke 04, Sead Kolašinac a déjà frappé les esprits lors de ses premières sorties, notamment lors du Community Shield remporté dimanche dernier face à Chelsea. Portrait d'un mec taillé pour devenir l'un des repères de l'Emirates alors que les Gunners lancent leur saison vendredi soir face à Leicester.
La première rencontre a eu lieu lors d’une nuit d’hiver à St. Louis, dans le Missouri. Puis, quelques mois ont passé et des retrouvailles ont été organisées, du côté de Rio. Quoi de plus beau que le Maracanã pour découvrir le grand monde ? Rien, ou pas grand-chose. Cela laisse rêveur, parfois un peu trop. Ce soir de juin 2014, autour de la table, il y a donc l’Argentine de Sabella et la Bosnie d’un Sušić assez incertain au moment de choisir la bonne tenue pour se présenter à la première rencontre de Coupe du monde de l’histoire de son pays. Finalement, le sélectionneur bosnien décide de s’avancer avec prudence, tiré à à quatre défenseurs, histoire de se protéger, quitte à sacrifier le style. Malheureusement, les dîners mondains gardant une certaine dose de mystère, on peut parfois voir un invité un peu trop plein glisser au moment de s’approcher du buffet. Cette nuit-là, la scène a particulièrement fait marrer Lionel Messi et ses potes, tout heureux de voir la soirée d’ouverture de leur Mondial brésilien partir en vrille comme on fait tourner les serviettes dès l’apéro. La rencontre n’a alors débuté que depuis quelques minutes et Messi vient d’allumer une première mèche a priori sans danger. L’histoire aurait pu s’arrêter là, sur une déviation non cadrée de Rojo, mais Sead Kolašinac en a décidé autrement. Résultat, le premier but de l’histoire de la Bosnie en Coupe du monde aura donc été un csc. La vie est ainsi faite : on ne choisit pas toujours où et comment sortir de l’anonymat.
L’arbre et le burek
Kolašinac est donc devenu quelqu’un le 16 juin 2014 au Maracanã. Avant, il n’était personne ou simplement une promesse. Soit, un bon latéral gauche, qui venait de livrer la première saison complète de sa carrière en Bundesliga avec Schalke 04 et sur qui il était difficile de tirer un constat arrêté. Né à Karlsruhe, l’Allemagne lui avait bien soulevé sa jupe – il a notamment joué avec les U18, les U19 et les U20 allemands – mais il choisira finalement la Bosnie en 2013 après de longues discussions avec son père, débarqué dans le pays à la fin des années 1960 avant de bosser pour l’usine Mercedes du coin. Les doutes, eux, venaient d’ailleurs : comment bien utiliser le bonhomme ? Au départ, au centre de formation de Karlsruhe, Sead Kolašinac jouait attaquant avant de reculer progressivement une fois arrivé à Gelsenkirchen en 2011, après des passages plutôt bordéliques à Hoffenheim et Stuttgart. La raison est simple : Kolašinac veut utiliser son physique pour devenir un bulldozer. Tout ça, il le tient du papa. Le reste aussi, notamment ses références, lui qui n’hésite pas à se motiver sur de la musique bosniaque et adore se gaver du burek de sa mère. Puis, il y aura l’après Maracanã et un déchirement du ligament croisé antérieur du genou en plein été qui va flinguer sa progression. Peu importe, c’est justement là qu’il va se renforcer pour ne plus s’arrêter.
La suite n’a donc été qu’une courbe linéaire pour se chiffrer à une cinquantaine de matchs de Bundesliga sur les deux dernières saisons. De quoi devenir l’une des références à son poste en Allemagne, mais aussi l’un des mecs les plus décisifs de son registre, tout en étant capable de monter d’un cran voir de dépanner au milieu. « Sead incarne parfaitement ce qu’est Schalke » , expliquait la saison dernière le directeur sportif du club, Christian Heidel. À comprendre : sans être un titulaire indiscutable, Kolašinac a fait sa réputation sur sa puissance, son style, laissant son ancien coach Jens Keller parler de lui comme d’un « arbre. Il prend un coup sur la tête, mais il a juste besoin de se secouer et peut ensuite repartir. Il aime le contact. » Au point de se définir lui-même comme un défenseur assez méchant et de voir l’Europe débarquer à sa porte depuis quelques mois alors que Schalke faisait le forcing pour le prolonger, de l’AC Milan – qui lui avait même fait une avance d’un million d’euros, somme que Kolašinac aurait gardé – à Arsenal donc, qui a raflé le bordel en juin alors que le défenseur bosnien semblait se diriger vers Everton.
L’animal
Un rendez-vous aura cette fois suffi pour que le colosse glisse dans sa poche les supporters des Gunners : le succès en préparation contre Benfica (5-2) à l’Emirates où Kolašinac a été aligné sur la gauche du 3-4-3 de Wenger. Là, on a compris pourquoi Arsène Wenger avait été cherché le défenseur bosnien, apportant ainsi plusieurs réponses aux nombreuses questions posées lors de l’été des Londoniens. Oui, cette saison, l’entraîneur français devrait conserver le principe d’une défense à trois, concluant en fin de saison dernière et plutôt à l’avantage de sa troupe lors du Community Shield, remporté dimanche dernier à Wembley face à Chelsea. Oui, Arsenal va revenir à un style plus agressif, plus physique, plus brutal, histoire de couper un peu avec le ronronnement permanent. Le recrutement de Kolašinac, qui tranche avec les kids habituels et qui vient bousculer Nacho Monreal, en est la preuve et sa prestation à Wembley – il est entré à la demi-heure de jeu pour remplacer Per Mertesacker – a confirmé l’apport précieux d’un mec qui a déjà lâché quelques remontées à l’ancienne avant d’égaliser pour les Gunners en fin de match.
« C’est un animal, a expliqué à la sortie du Community Shield, Theo Walcott. En match comme à l’entraînement, on dirait un tank. Cette saison, son apport physique va être clé pour nous. Il est incroyable. Je le vois tous les jours à la salle de musculation, je le vois prendre soin de lui, avoir une attitude ultra professionnelle. Le reste, chacun peut le voir lors des rencontres et ce n’est que le début. » Arsène Wenger, qui a longtemps hésité à titulariser Kolašinac face à Chelsea, y est également allé de ses louanges : « Il est naturellement très fort. Vous avez les joueurs qui se sont musclés à la salle et les joueurs qui sont nés comme ça. Il fait partie de la seconde catégorie… Mais ce n’est pas uniquement ça, je l’ai également recruté pour son attitude. Le football moderne ne tolère plus aucune faiblesse. L’attitude est aussi essentielle. Je pense sincèrement qu’il peut devenir l’un des meilleurs défenseurs du championnat. » Voilà la locomotive lancée.
Par Maxime Brigand