- Allemagne
- Stuttgart
Kevin Großkreutz, trop humain pour être pro
Envoyé en fin de semaine dernière à l'hôpital à la suite d'une bagarre, Kevin Großkreutz s'est fait virer par son club, le VfB Stuttgart, et a décidé de prendre sa retraite. Habitué à amuser la galerie sur les réseaux sociaux et déjà auteur de frasques par le passé, l'ancien du Borussia Dortmund s'est fait rattraper par la réalité d'un monde auquel il n'a jamais voulu vraiment appartenir.
Stuttgart, le 28 février dernier, 2h15 du matin. Le « Karneval » (ou « Fasching » , selon les régions) bat son plein dans le sud et l’ouest de l’Allemagne. Cinq jeunes, âgés de seize à dix-huit ans, reviennent de la discothèque Perkins Park, où se tenait une soirée organisée par des lycéens. Arrivés à Wilhelmplatz, dans le centre-ville, ils sont pris à partie par quatre types de leur âge. Une bagarre s’ensuit, et deux personnes finissent à l’hôpital : un des jeunes qui était dans la boîte, ainsi qu’un autre qui les accompagnait. Un adulte, beaucoup plus âgé que le reste de la bande et qui répond au nom de Kevin Großkreutz. Si les raisons pour lesquelles l’ancien du Borussia Dortmund était avec des gars bien plus jeunes que lui et pourquoi il y a eu baston après sont encore inconnues, le VfB Stuttgart, lui, ne s’est pas posé beaucoup de questions : vendredi 3 mars dernier, le club souabe, qui joue la remontée dans l’élite, décide tout bonnement de mettre fin à sa collaboration avec le champion du monde 2014.
Un kebab dans la figure d’un fan
Si Kevin Großkreutz a tenu à venir devant les journalistes une dernière fois avant de plier bagages, c’est parce qu’il n’est « pas du genre à fuir » . Sauf que là est tout le paradoxe : le natif de Dortmund s’est conduit en professionnel alors qu’il a une fois de plus démontré qu’il n’en était pas un. Qu’une fois de plus, il ne comptait pas suivre les règles de son milieu. Dans le football d’aujourd’hui, toujours plus policé, Kevin Großkreutz détonne. Après tout, on parle là d’un mec qui fait tout ce qui lui passe par la tête. Comme balancer un kebab volontairement plus épicé que la normale au visage d’un fan de Cologne, le 4 mai 2014. Ou encore, pisser en étant complètement bourré sur une colonne située dans le lobby d’un hôtel à Berlin après la finale de Coupe d’Allemagne perdue par Dortmund face à Wolfsburg (1-3). Sans oublier ses frasques sur les réseaux sociaux, entre les critiques incessantes contre le FC Schalke 04 et le peuple de Gelsenkirchen, sa fausse signature au RB Leipzig (une « blague » que les dirigeants de Stuttgart n’ont pas vraiment appréciée) ou encore la promesse de venir à poil pour la fête de la montée de Stuttgart. Une promesse qu’il n’aura probablement pas l’occasion de tenir.
Des larmes sincères
Malgré les titres en club et en équipe nationale, Kevin Großkreutz n’a jamais voulu rentrer dans le moule. Et si au Borussia Dortmund, ses folies ont longtemps amusé la galerie, depuis son départ de la Ruhr en 2015, avec pertes et fracas, les choses ont changé. Ses employeurs se sont tour à tour montrés moins compréhensifs. Souvent las de jouer les baby-sitters avec un mec de presque trente ans. Sur le terrain, celui qui se battait comme un malade pour gratter le moindre ballon a laissé place à un type lent à la technique approximative. De joueur besogneux, un peu grande gueule, mais respecté, Kevin Großkreutz est devenu une sorte de blague pas toujours très drôle. Pourtant, depuis quelques jours, les soutiens affluent. Ses larmes lors de sa conférence de presse étaient si empreintes de sincérité qu’elles ont suscité des réactions de sympathie de la part de supporters du FC Schalke 04. Tout est dit.
Against modern football
Car depuis quelques années, Kevin Großkreutz était l’un des rares footballeurs qui critiquait ouvertement le football business. Bien qu’il ait réussi à faire un métier de sa passion, il est resté ce supporter du bloc 13 de la « Südtribüne » de Dortmund qui a un abonnement au Westfalenstadion depuis ses sept ans. Après avoir été évincé du Borussia Dortmund, le milieu de terrain n’a pas hésité à critiquer la politique commerciale de son club de cœur ainsi que l’augmentation du prix des billets. Ou bien, au moment de rendre hommage à son pote Jakub Błaszczykowski (envoyé à Wolfsburg), de dénoncer les pratiques du football moderne, où les joueurs et les émotions sont laissés de côté au profit des gros sous, des succès et du commerce. Devenu quelconque sur le terrain, Kevin Großkreutz s’est senti invincible sur les réseaux sociaux. Sauf que la réalité du football professionnel a fini par le rattraper et lui a collé une sacrée gifle. Suffisamment pour qu’il ouvre les yeux et décide (pour le moment) de mettre un terme à sa carrière. Si cette retraite paraît triste et abrupte pour le Weltmeister, elle augure sans nul doute une période de calme salvatrice pour ce dernier. À Dortmund, dans le resto qu’il possède, Kevin Großkreutz va pouvoir faire ce qu’il a toujours voulu faire : picoler et supporter le Borussia Dortmund avec les siens.
Par Ali Farhat