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Julien Sablé : « J’ai toujours eu des rendez-vous manqués avec l’OM »
Né à Marseille, formé à Saint-Étienne, aujourd’hui entraîneur de l'équipe U19 des Verts, Julien Sablé paraissait être le mieux placé pour discuter du match entre l’ASSE et l’OM ce dimanche soir. Mais pas seulement : l’ancien milieu de terrain en profite pour revenir sur son enfance, ses débuts professionnels et ses rendez-vous manqués avec le club de la Canebière.
Ce dimanche, Saint-Étienne reçoit l’OM. J’imagine que c’est un match qui compte beaucoup pour toi ?Ça fait tellement longtemps que je suis parti de Marseille que je ne ressens plus grand-chose aujourd’hui. Quand j’étais joueur, c’était particulier parce qu’il y avait ma famille qui débarquait dans les tribunes, mais le temps a fait que cette sensation a peu à peu disparu. Je garde un regard attendri pour l’OM, bien sûr, mais je suis complètement supporter de l’ASSE.
Ça n’a pas été trop dur pour toi de quitter Marseille à l’époque ?Non, parce que c’était un vrai choix. J’aurais pu signer à l’OM ou à Martigues pour rester dans le coin, mais leurs centres de formation ne me plaisaient pas plus que ça. Et puis j’ai eu un vrai coup de foudre pour Geoffroy-Guichard lorsque je suis allé visiter Saint-Étienne. J’ai tout de suite su que je voulais être là. Bon, l’éloignement familial et le changement culturel n’ont pas été faciles à gérer tous les jours, mais on s’adapte. Le plus dur, de toute façon, ça a été le climat. Quand je suis arrivé, c’était l’été, donc je faisais encore le beau en T-shirt. Mais le premier hiver a été rude. C’était d’ailleurs la première fois que je voyais de la neige autre part qu’à la montagne.
Ton enfance à Marseille, elle était comment ?Géniale ! J’avais des parents aimants et j’ai grandi au sein d’une famille de footeux. J’étais un vrai petit Marseillais à l’époque, mon père m’emmenait voir tous les matchs au stade. J’ai donc eu la chance de connaître la grande époque de l’OM, avec Mozer et tous ces joueurs qui m’ont donné envie d’être pro.
Porter le maillot de l’OM, ce n’était pas un rêve ?Ça l’était quand j’étais gosse. Je m’imaginais jouer avec toutes ces stars, ça me faisait rêver et c’est toujours resté dans un coin de ma tête. À plusieurs reprises, j’ai failli y signer, d’ailleurs. Mais bon, quand tu franchis la barrière du foot pro, il y a d’autres envies qui entrent en jeu et surtout, le respect du club où tu as signé. Du coup, ça ne s’est jamais fait, même si ça aurait été une fierté. Plus pour ma famille que pour moi, d’ailleurs.
En 2007, tout semblait pourtant réuni pour que tu y signes. Finalement, tu files à Lens. Qu’est-ce qui s’est passé ?En fait, j’ai toujours eu des rendez-vous manqués avec l’OM. En 2001, déjà, quand on descend en seconde division, Alain Perrin me voulait, mais les deux clubs n’ont pas réussi à tomber d’accord sur l’indemnité de transfert. Une autre fois, je devais être échangé avec Peguy Luyindula, tout était ok, mais lui ne voulait pas signer à Saint-Étienne… Et en 2007, c’est un peu plus particulier. On était tous d’accord, les deux clubs et moi, mais je n’ai plus eu de nouvelles de l’OM pendant quinze jours. Pendant ce temps, Guy Roux s’est manifesté et a voulu conclure l’affaire en 48 heures. Voilà pourquoi j’ai rejoint Lens, ça et le fait que le club avait de grandes ambitions à l’époque. Le plus drôle, finalement, c’est qu’à peine 24 heures après avoir donné ma parole à Guy Roux, le président Roland Romeyer m’appelle pour me dire que l’OM s’apprête enfin à faire une offre… C’est que ça ne devait pas se faire, et c’est peut-être mieux comme ça. Je pense que c’est difficile pour un gars du coin de réussir à l’OM.
Ça n’a pas été un regret, sachant que Guy Roux a quitté le club dans la foulée et que Lens a été relégué cette saison-là ?Humainement, je ne vois pas mon passage à Lens comme un échec. Sportivement, en revanche, c’est indéniable. On avait une équipe bâtie pour jouer les premières places et on est descendu…
Qu’est-ce qui manquait à Saint-Étienne pour te faire rester ?Peut-être l’envie de me confronter à un plus haut niveau, mais surtout l’envie d’être apprécié à ma juste valeur. À Saint-Étienne, j’avais l’impression de faire partie des meubles, je venais de faire une saison en demi-teinte, j’avais une relation conflictuelle avec le coach et j’avais le sentiment de ne plus être suffisamment reconnu. À Lens, à l’inverse, on me flattait et on m’offrait la possibilité de me mettre un peu en danger pour savoir réellement ce que je valais. Et j’ai eu des éléments de réponse : j’ai manqué la marche du très haut niveau.
Tu as connu deux montées en L1 et une descente en L2 avec Saint-Étienne. Ça reste les sensations les plus fortes que tu ais connues ?C’est clair que la descente en seconde division, surtout dans une ville comme Saint-Étienne, ça forge un caractère. Et ça reste une sensation étrange. Pareil pour les montées, même si c’est nettement plus positif. Bon, pour être honnête, je retiens davantage celle de 2004. J’avais 24 ans et j’étais titulaire, contrairement à la première montée en 1999. À l’époque, c’était seulement ma première saison avec les pros.
Tu te rappelles ce que tu as fait le soir de la montée en 2004 ?On est tous partis en boîte. On avait le nombre de points suffisant après une victoire à Niort et le retour a été très festif. Comme il ne restait plus que trois matchs à jouer, on s’est un peu relâché par la suite, au grand dam d’Antonetti, mais on a finalement réussi à être champions dans les dernières minutes du dernier match face à Châteauroux grâce à un but de Damien Bridonneau. Aujourd’hui encore, ça reste l’un des plus grands moments que j’ai connus à Geoffroy-Guichard.
Ton passage à Saint-Étienne, ça reste tes plus belles années en tant que footballeur pro ?Bien sûr ! J’ai gagné la Gambardella, on est montés en première division dès ma première saison, j’ai été capitaine et j’ai vécu de grands moments dans le stade. Par la suite, j’ai eu la chance de ne connaître que des clubs populaires, mais Saint-Étienne reste une expérience à part.
Et aujourd’hui, quel regard tu portes sur le club ?Étant plongé au sein de la formation de l’ASSE, je ne suis sans doute pas le mieux placé pour en parler, mais je sens une amélioration. Déjà, en C3, on a fait un très beau parcours, meilleur que les saisons précédentes. Bon, on est tombé sur un mastodonte en seizième de finale, mais ça a fait rêver tout le monde de pouvoir affronter un club comme Manchester à ce stade de la compétition. On avait vraiment l’impression que la ville s’était arrêtée, un peu comme lors des grandes années du club. Après, honnêtement, je n’ai aucune idée de ce qui peut se passer dans ce championnat. La L1 est très difficile et ça risque de ne se décider que lors des deux-trois dernières journées. Beaucoup de choses peuvent changer d’ici là.
Et la situation à Marseille, tu la juges comment ?Je trouve que c’est un club qui se structure intelligemment, avec des gens malins à tous les étages. Après, je sais aussi qu’ils ont créé beaucoup de partenariats avec les jeunes et qu’ils sont en train de mettre en place un projet de formation solide. Cette année, on sent qu’ils sont encore fragiles, notamment défensivement, ce qui pourrait peut-être leur coûter dans la course aux places européennes, mais je suis sûr qu’il faudra compter avec eux lors des prochaines saisons.
Tu penses que Saint-Étienne doit céder aux sirènes des milliardaires pour accéder à un plus haut niveau ?La ville étant un bassin minier, avec un club présidé par un gars du milieu, je ne suis pas sûr qu’un milliardaire serait accepté facilement ici. À Saint-Étienne, les spectateurs ont des exigences et le club est obligé d’en tenir compte. Pour ça, et pour d’autres raisons, je ne suis pas sûr que ce soit une ville très attractive pour un milliardaire… L’important pour nous, c’est que l’on forme de mieux en mieux pour aider le club à progresser encore.
Propos recueillis par Maxime Delcourt