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Joaquín Almunia, l’Espagnol qui attaque le football espagnol

Par Pablo Garcia-Fons
5 minutes
Joaquín Almunia, l’Espagnol qui attaque le football espagnol

Commissaire européen à la concurrence, Joaquín Almunia vient d'envoyer un gros coup de pied dans la fourmilière du football ibère en ouvrant plusieurs enquêtes simultanées sur des liens supposés illégaux entre plusieurs clubs du pays et argent public. Trahison digne de Judas ou croisade d'un juste contre un système corrompu ?

Monsieur Joaquín Almunia, ancien dignitaire du Parti Socialiste espagnol, fossoyeur des chantiers navals de Vigo et actuel Commissaire européen en charge des questions de concurrence s’est lancé un défi : repérer, examiner et sanctionner toutes les subventions publiques illégales dont auraient disposé certains clubs espagnols depuis les années 1990. Almunia compare le football européen à unvaste marché dans lequel les aides publiques sont autant d’entorses à la concurrence. L’homme se base sur un argumentaire simpliste mais imparable : « plus les clubs ont de l’argent, plus ils sont capables d’attirer des joueurs de premier ordre et plus ils réussissent dans les compétitions européennes, ce qui par la suite leur assure de nouveaux revenus, par exemple en droits TV ou en publicité » . C’est donc sur cette base que l’Union Européenne a ouvert une série d’enquêtes à l’encontre d’une liste précise de clubs espagnols. Le Real, le Barça, Bilbao, Osasuna et trois clubs de la Communauté Autonome valencienne (le FC Valence, Elche et Hercules Alicante) sont dans le collimateur des enquêteurs de l’UE. Des cas bien évidemment différents les uns des autres mais qui ont tous un point commun : le mélange des genres entre clubs privés et argent public.

Micmac foncier entre le Real et la mairie de Madrid

Avant tout, c’est le système des « clubs de socios » qu’attaque Almunia. Au moment où la majorité des équipes espagnoles se transformaient en sociétés anonymes au début des années 1990, quatre entités (le Real, le Barça, Osasuna et Bilbao) ont disposé de dérogations pour échapper à ce statut. Une situation qui a perduré et qui aujourd’hui, selon le commissaire à la concurrence, leur offre un statut fiscal avantageux. Sur ce point, l’argumentaire de l’ancien ministre de Felipe Gonzalez paraît bancal puisque les clubs européens sont soumis à des politiques fiscales différentes selon leur pays de résidence, ce qui implique forcément des disparités au niveau des taux d’imposition.

L’enquête paraît plus sérieuse cependant à propos des relations entre le Real et la Mairie de Madrid. L’attention de la commission s’est portée sur un terrain situé à las Tablas (non loin du centre d’entraînement du Real) que la ville a « échangé » avec le club en 1998 contre d’autres parcelles dont disposait la Maison Blanche. Quelques années plus tard, il est apparu que la ville n’avait pas le droit de céder ces parcelles puisqu’elles étaient juridiquement réservées à un usage public. Si la commission d’enquête de l’UE reconnaît cette faute, elle s’intéresse surtout à la valeur des dites parcelles au moment où la Mairie a décidé d’indemniser le club, en 2011. Estimé à un peu plus de 500 000 euros au moment de l’échange en 1998, le terrain a été évalué au moment de l’indemnisation à plus de 22 millions par la ville. L’affaire a donc permis au Real de faire une plus-value équivalente à 44 fois sa mise initiale… Un investissement juteux dont l’UE questionne la légalité puisque sur la même période la valeur des terrains alentours n’a été multipliée que par 2,5. En bref, Joaquín Almunia insinue qu’à travers cet opaque micmac immobilier, la ville de Madrid a offert une vingtaine de millions d’euros au club de Chamartín. Un bien beau cadeau qui, selon le commissaire, fausse donc la concurrence entre les clubs européens.

Régulièrement mise en cause pour des cas de corruption depuis la fameuse affaire Gürtel, la Communauté Autonome de Valence est à nouveau pointée du doigt puisqu’à travers un organisme publique de crédit (El Instituto Valenciano de Finanzas), elle aurait financé des prêts octroyés à trois clubs, le FC Valence bien sûr, champion incontesté de la mauvaise gestion, mais aussi Hércules Alicante et Elche, promu en Liga cette saison. Ces prêts, échelonnés entre 2009 et 2011 pour une valeur totale de 118 millions d’euros, n’ont jamais été remboursés et l’argent n’a pas été réclamé.

Florentino Perez : « une campagne contre le football espagnol »

Ce que remet en cause la commission d’enquête dirigée par Almunia, c’est finalement le régime de faveur dont dispose le football en Espagne. Depuis le début de la crise économique, ce sentiment s’est accentué puisque la dette des clubs s’est creusée sans que les différentes administrations publiques, pourtant très largement créancières, ne réagissent vraiment. « Les clubs de football doivent être financés par leurs propres fonds et non par l’argent du contribuable » , assène Almunia, avant d’ajouter : « si ces avantages supposées sont démontrés par l’enquête, des sanctions devront être prises et les clubs devront rendre l’argent public illégalement perçu » . La menace du bâton européen plane… Face à ce qu’ils considèrent comme « une campagne contre le football espagnol » , dixit Florentino Perez, les autorités publiques et les clubs concernés font bloc. Miguel Cardenal, Secrétaire d’Etat aux Sports a sommé l’Union Européenne de préciser des allégations qui selon lui portent atteinte à l’image du sport en Espagne. Certains, comme le ministre de l’agriculture Miguel Arias Cañete montent au créneau pour dénoncer la jalousie et la mauvaise foi des autres pays face aux succès des clubs espagnols et de la Roja.

Almunia fait aussi face à des attaques plus cinglantes et plus personnelles. Emily O’Reilly, Défenseur du Peuple Européen, s’étonne en effet qu’Almunia, natif de Bilbao et supporter convaincu de l’Athletic, ait finalement décidé de ne pas enquêter sur la partie publique du financement du nouveau stade de San Mamés alors que des soupçons de malversations existent depuis des mois. Avec un Barça également dans la tourmente à propos du transfert de Neymar et de la commission qu’aurait touché Sandro Rosell dans la transaction, c’est finalement tout le football espagnol qui navigue en eaux troubles. Les attaques en dessous de la ceinture se succèdent et les noms d’oiseaux fusent de toutes parts. La chasse aux sorcières est ouverte.

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