- Béatification de Jean-Paul II
Jean-Paul II, plus qu’un pape
Béatifié ce dimanche 1er mai, Jean-Paul II n'a pas seulement été le pape pourfendeur de communistes et de capotes anglaises que l'on connait. Il fut aussi gardien de but, socio du Barça et bienfaiteur de Paul Gascoigne. Oui, Karol voltigea.
L’anecdote est forcément surréaliste, puisqu’elle est signée Paul Gascoigne. « A l’époque où j’étais à Rome, je me sentais imbattable, c’était fabuleux. Mais mon plus gros souvenir restera sûrement ce jour où, à l’entrainement, le coach me lance : « Il y a quelqu’un au téléphone pour toi. » Je lui réponds : « Dis lui de rappeler plus tard, putain. » « Paul, sérieux, je pense que tu devrais prendre l’appel… » Je prends le téléphone et un type me dit : « Bonjour, c’est Jean-Paul II » . Bon sang, c’était pas une blague, c’était le pape. « Salut pape, ça boume ? » je réponds. Il désirait me rencontrer, c’était un ancien gardien de but, Jean-Paul II, ça doit être pour ça… Bref, j’ai arrêté mon entrainement et je suis allé voir ma sœur : « Viens, on se casse » . « Où on va ? » elle demande. « Voir le putain de pape » , j’ai dit. On s’est pointé au Vatican et le pape nous a donné des cadeaux, des trucs qu’il offre juste aux chefs d’États, en principe : des sortes de médailles dorées… Personne n’a ces machins-là ! » *.
Toujours partant pour l’équipe juive
Surréaliste, donc, mais pas totalement dénué de fondement, car celui qui fut le chef de l’Eglise catholique romaine entre 1978 et 2005 n’a pas été surnommé « L’athlète de Dieu » pour rien. Tout gamin, au début des années 30, Karol Wojtyla enfile en effet les gants et les chaussures de montagne à clous (les crampons sont un luxe) lors de parties enflammées dans les rues de Katowice, en Pologne, où il grandit. Les biographes voient même se construire dans ces matchs le premier pape judéo-compatible, à travers les souvenirs de Jerzy Kluger, jeune juif qui peine alors à s’épanouir dans une ville essentiellement catholique. « Il n’y avait habituellement pas assez de juifs, donc quelqu’un devait jouer avec l’équipe juive et il était toujours partant » , se souvenait Kluger en 2003 dans une interview citée par CNN. Spectateur autant qu’acteur, le petit Karol s’installe alors dans les tribunes pour assister à ses premiers matchs du Cracovia.
Devenu séminariste dans la grande ville durant la guerre, Wojtyla exerce sa passion avec ses camarades de foi. « Il faisait des matchs de foot avec d’autres séminaristes, confirme Robert Serrou, journaliste à Paris Match pendant cinquante ans, qui a couvert tout le pontificat de Jean-Paul II.Il aimait aussi beaucoup faire du ski et du bateau, dans les montagnes polonaises. Mais quand il est devenu pape, il a dû arrêter. Je ne l’aurais pas vu faire un match. Ça aurait été sympathique mais je pense que les autres auraient eu peur de mettre un coup au pape… » . Pas bête. Du coup, JP2 passe au sport individuel. « Il faisait surtout des balades en montagne, pas très loin de Rome. Même dans la semaine, quasiment en cachette, pour être tranquille » , assure Antoine-Marie Izoard, correspondant au Vatican pour l’agence I.Media.
Socio du Barça et pourfendeur de Telefoot
Interdit de compétition, Jean-Paul II n’en reste pas moins un passionné de sport, qui n’hésite pas à se tenir informé et à partager sa passion. Selon la rumeur, il n’aurait d’ailleurs pas raté une seule finale de Coupe du monde de tout son pontificat. « C’était pas un pape emmerdant, rigole Robert Serrou. Vous l’auriez rencontré personnellement, vous auriez parlé avec lui, il vous aurait raconté des tas de trucs. Il s’intéressait même au Tour de France et il était très volubile dans ce domaine. Alors que les papes précédents étaient plutôt des intellos qui ne ne juraient que par la théologie » . Pas très respectueux de la tradition (en tout cas dans ce domaine), « Papa Wojtyla » se met donc à recevoir des équipes de foot au Vatican, comme celle de Bologne en décembre 1978 (un mois après son intronisation) à laquelle il lâche une citation qui aurait sa place dans un sketch sur les curés : « Vous savez à quel point les jeunes sont l’objet de prédilection de l’Eglise et du Pape, qui aiment les rencontrer pour donner et recevoir de l’enthousiasme et de la force » . Oui, on sait.
En novembre 1982, il donne carrément une messe géante au Nou Camp devant 120 000 personnes, ce qui lui vaut d’être désigné socio N° 108 000 du Barça. Réitérant l’exploit au Stade Olympique de Rome en avril 1984 pour le jubilé des sportifs, Jean-Paul II fait quelque peu grincer les dents des conservateurs du Saint Siège qui ne voient pas la présence du pape dans des tribunes d’un très bon œil. Ils ne sont pas au bout de leur peine : le 29 octobre 2000, toujours au Stade Olympique et dans le cadre d’un nouveau jubilé des sportifs, il assiste, pour la première fois dans l’Histoire de la papauté, à un match de football, opposant l’Italie à une sélection de joueurs internationaux. Comme souvent lors de ses allocutions au monde du sport, il dresse la liste des valeurs chrétiennes que celui-ci permet d’exalter mais met aussi un taquet aux amateurs de Telefoot : « Les rythmes de la société moderne et de certaines activités compétitives pourraient parfois faire oublier au chrétien la nécessité de participer à la messe du dimanche » . Le foot ne lui en tiendra jamais rigueur. Un article du Guardian publié en 2005 assure en effet que Jean-Paul II était membre d’honneur de sept grands clubs européens incluant Schalke 04 et… leurs rivaux du Borussia Dortmund.
Dopage au sang de pape
« Il y avait des équipes qui rivalisaient pour avoir le pape avec leur maillot ou leur écharpe dans les mains, se souvient Antoine-Marie Izoard. On ne savait d’ailleurs pas très bien si le pape était pour la Roma ou pour la Lazio, ce qui pose toujours problème ici » . Certaines rumeurs allèrent jusqu’à affirmer que le Saint-Père était un fan de Fulham, sans que l’on sache bien sur quoi elles se basaient. La réponse est sans doute plus simple. Le 4 janvier 2005, soit quatre mois avant sa mort, Jean-Paul II réunit ses forces pour adresser un dernier salut au Cracovia de son enfance, pour le centenaire du club polonais. Décédé le 2 avril de la même année, Sa Sainteté footballistique ne verra donc pas la naissance de la Clericus Cup, une compétition réservée aux prêtres et séminaristes lancée au début du pontificat de Benoit XVI sous l’impulsion de Tarcisio Bertone, le premier ministre de ce dernier. Un mec qui confond homosexualité et pédophilie mais qui est aussi un énorme fan de ballon rond qui commentait les matchs du Genoa et de la Sampdoria pour la télé locale lorsqu’il était évêque de Gênes.
Pour son édition de 2011, année de la béatification de Jean-Paul II, le tournoi a pourtant pris exceptionnellement le nom de « Coupe Wojtyla » . Dernier hommage à un pape sportif qui, même mort, réussit encore à filer un coup de main aux sportifs. Gravement blessé dans un accident en début d’année, le pilote polonais Robert Kubica a en effet reçu une goutte de son sang pour l’aider à guérir. Peut-être une piste pour les genoux de Djibril Cissé ?
* propos issus du So Foot N°66, juin 2009
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