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Jean Lassalle : « Au lycée, j’ai mis quelques lucarnes »

Propos recueillis par Thomas Andrei
10 minutes
Jean Lassalle : « Au lycée, j’ai mis quelques lucarnes »

Il l’a promis, il va « mettre une lucarne à la 94e minute et être champion du monde ». Contre toute attente, Jean Lassalle, crédité de moins d’1% des intentions de vote selon la plupart des sondages, va gagner sur le fil. Une référence qui cache un amour certain pour le football. Au milieu d’un petit village, le député de 60 ans évoque sa collaboration avec Marouane Chamakh, une rencontre avec Didier Deschamps et sa finale de l’Euro 2016.

Comment allez-vous ? Où êtes-vous, là ?Je suis dans une petite ruelle, avec un pont très étroit. Du côté du Gard. Je viens de me réveiller d’une sieste assez positive. Mes accompagnants m’ont dit que j’avais besoin de sommeil. Ils avaient peur que je meurs d’une crise cardiaque.

Vous jouiez au foot avec votre frère étant enfant, dans votre village de Lourdios-Ichère ? Non parce qu’il n’y avait aucun terrain plat. Si par malheur, le seul ballon qu’on nous avait offert dévissait un petit peu du terrain de foot devant notre porte – qui devait faire 3 mètres sur 4 – il fallait aller le chercher 700 mètres plus bas, dans la rivière. Et si la rivière était en crue, il fallait courir vite.

Vous vous souvenez du premier match que vous ayez vu dans un stade ?Je pense que le premier match que j’ai vu de mes yeux vus, c’est quand je suis rentré au lycée agricole à Montauban. Ceux du lycée jouaient dans un stade contre d’autres équipes. À l’époque, il y avait un championnat, au niveau national. Que j’ai gagné, d’ailleurs, quelques années plus tard. Après, je me souviens plus. J’ai vu des matchs, mais je n’avais pas beaucoup de temps libre. J’ai peu pratiqué le football parce que dès que j’ai commencé à pratiquer du sport collectif, bien sûr je suis tombé sur le rugby. Mais j’en ai fait un petit peu au lycée. J’étais pas trop mauvais. Là, j’ai mis des lucarnes, tiens ! Mais la plupart, je les ai mises sans le faire exprès.

Quand avez-vous commencé à être fan des Girondins de Bordeaux ?

J’aime les équipes qui gagnent assez régulièrement, celles qui sont spectaculaires. Mais aussi les équipes qui perdent, mais avec du panache.

Dès que j’ai appris qu’ils existaient. Vers mes 20 ans. Ils n’étaient pas mauvais ! J’aime les équipes qui gagnent assez régulièrement, celles qui sont spectaculaires. Mais aussi les équipes qui perdent, mais avec du panache. J’ai beaucoup soutenu Guingamp, bien que, vous voyez, ils n’ont pas toujours gagné. Mais il y avait quelque chose. Bien sûr, j’ai aimé à la folie les Verts ! J’étais là contre Kiev lorsque l’Ange vert a libéré le stade ! Lui aussi vers la 91e (la 112e, en réalité, ndlr). Je ne sais plus si c’était une lucarne, en revanche. Tout ça me revient parce que j’ai fait la sieste !

En 2010, vous aviez invité Marouane Chamakh à figurer sur votre liste pour les élections régionales. Pourquoi ce choix ?À l’époque, les Girondins de Bordeaux avait une équipe énorme. Qui battait tout le monde. Moi, je m’étais présenté un peu tard. Environ trois semaines avant l’élection. Il fallait faire une liste. Tout le monde disait : « Il faut des personnalités. » Je n’étais pas donné favori. Je n’étais même pas à 1%. Là, je suis à 0,5, ce qui est quand même pas mal ! J’allais voir les Girondins. Je connaissais très bien la secrétaire personnelle d’Alain Juppé, qui me mettait en tribune d’honneur. Puis ce gars, il marquait à tous les coups ! Là, j’ai dit à mes copains : « Mais quelqu’un connaît ce garçon ? » Ils disaient : « Oh oui, il est vachement sympa ! » Pour montrer qu’ils le connaissaient. Parce que vous savez, nous, on aime bien se vanter. « Bon, écoutez. Est-ce que vous pouvez m’obtenir un rendez-vous avec lui ? » , « Oh ben non, jamais ! Mais t’imagines ? » Je l’ai vu le lendemain.

Comment cela s’est fait ?

Chamakh me dit qu’il allait partir à Arsenal avec Arsène Wenger. Je lui ai dit : « Ne fais pas cette connerie, mon pauvre ! »

En fait, ce gars-là, il était fan de moi. Originaire du Lot-et-Garonne. Donc il commence à me dire qu’il ne faisait pas de politique. Il avait peur que ça le desserve un petit peu. À la fin du repas, il me dit oui, mais qu’il allait partir à Arsenal avec Arsène Wenger. Je lui ai dit de ne surtout pas le faire ! À Bordeaux, c’était un dieu vivant. Je lui ai dit : « Ne fais pas cette connerie, mon pauvre ! » Il était en plein bourre ici. « Fais un an ou deux de plus, pour ta confiance. Puis après il faut que tu ailles au Real ou à Munich. Mais va dans une très, très grande équipe. » Parce que c’est plus facile de réussir que dans ces équipes intermédiaires. Surtout avec un entraîneur français. Malheureusement, il n’a pas écouté. Alors il me disait qu’il ne pourrait pas venir aux réunions. Je lui ai dit : « On s’en fout ! Tu seras notre ambassadeur là-bas ! Quand tu es de passage, je ferai une réunion plénière et on te demandera des autographes. On les signera toi et moi. »

Didier Deschamps et Bixente Lizarazu sont tous les deux nés dans le Sud-Ouest. Vous les connaissez ?À un moment donné, un groupe de filles, qui se prenaient pour des actrices de tout premier plan dès qu’il y avait une caméra, avaient décidé de faire un film sur moi. J’étais l’invité de BFM TV, aux Grandes Gueules. On se retrouve avec elles là-bas. Elles avaient une caméra, mais avec un projecteur qui développait une luminosité (il appuie sur le mot) incroyable. Là, Didier Deschamps arrive. Je me dis : « Tiens, je vais lui dire bonjour. » Il venait d’être nommé avec l’équipe de France et était l’invité de je ne sais pas quel type célèbre de BFM. Un ancien footballeur, je crois. J’arrive : « Bonjour Didier » , on commence à discuter et là les trois furies lui sautent dessus avec le projecteur dans la gueule. Elles ont failli me l’assommer ! (Il rit) Et il me dit (en imitant la voix de Deschamps) : « Mais Jean, pourquoi tu me fais ça ? » Il était ahuri ! « Mais je te fais rien ! Les trois filles, là, elles sont complètement hors de contrôle ! Je n’arrive pas à les refréner. » Le pauvre. Il arrivait là concentré. Pour sa première grande interview comme coach et il se prend ça.

Vous le connaissez bien ?Bien, non. Mais c’est un mec que j’aime beaucoup. Il s’est construit en partant d’en bas, avec une volonté farouche. Je l’ai aperçu de temps à autre. Mais c’est un mec qui est resté très, très sympa. Lizarazu aussi, j’ai pu le connaître un peu. Avant qu’il ne sombre dans la célébrité. Qui d’autre j’ai bien connu ? (Il réfléchit une seconde) Ah ! J’ai été très, très ami avec Alain Giresse. Il est venu chez moi, à Lourdios-Ichère. C’était un sacré type. Quand il a marqué à Séville, son explosion de joie a fait plusieurs fois le tour du monde. C’est dans les archives de l’INA !

Il venait me voir et les gens n’en revenaient pas. J’avais bien connu aussi leur entraîneur, Michel Hidalgo. C’étaient des mecs qui étaient sympas. Ceux-là, je peux en parler en connaissance de cause (Des chiens se mettent à aboyer dans la rue) Là y a des chiens ! Je vais aller me cacher. (Des passants arrivent) « Ah ! Quel bonheur de te voir. Tout ce que tu as fait pour moi ! Ah, les toilettes ! » (Se remettant à parler dans le téléphone) Excusez-moi, là vous avez une intervention en direct plus vraie que nature ! (Des enfants arrivent) « Oh les enfants ! Je suis en train de parler à un journaliste. Il me parle de Messi. Est-ce que vous connaissez ? » (On entend les enfants dire « oui » ) « Oui ?! Vous connaissez ? Il me parle de… comment il s’appelle ? Le joueur qui joue au Real ? Ronaldo ! Vous savez jouer au football aussi ? » (Les enfants disent « oui » ) Attendez, je dis bonjour. « Ah ! C’est toi, Christian ! Bon où est-ce qu’il est le café ? » (Il reprend sa concentration) Bon, on en était où ? Est-ce que je pourrais vous avoir plus tard ? Je dois faire quelques petites commissions. Je ne vais pas vous oublier !


Deux jours plus tard…

Vous mettez beaucoup en avant le terroir, l’identité, l’importance du local. Non loin de chez vous, au Pays basque, l’Athletic Bilbao poussait ça tellement loin que pendant longtemps le club ne faisait jouer que des Basques. Qu’en pensiez-vous ?C’était une manière d’afficher leur basquitude. Le contexte était dur. En plus de ne pas être loin, je suis aussi le député des Basques. Ce ne sont pas les plus tendres. Mais les gens qui voulaient voir les matchs, eux, n’étaient pas basques, au bout d’un moment, ils n’allaient plus les voir !

C’était donc exagéré comme mesure ?Bien sûr. Mais, qu’est-ce que vous voulez ? C’était porté par un peuple.

Donc quand le peuple veut quelque chose, c’est lui qui décide ?Non, quand même. C’est un peu excessif. C’est très difficile de parler de situation de guerre et de porter un jugement. Ça s’est arrangé petit à petit. Maintenant, il y a le processus qui est en route. Je me réjouis, c’est que les choses aient évoluées de manière positive. Maintenant, j’espère qu’on s’engagera dans le processus de paix dans lequel ils ont commencé à s’engager. Que la France sera aux côtés de l’Espagne pour mettre un terme à cette relation conflictuelle. J’aime lorsque les peuples se réconcilient et je vois que ça commence à aller dans ce sens. Même s’il y a encore beaucoup de méfiance, surtout de la part des États. L’Espagne ne cherche pas forcément non plus un compromis au Pays basque. Le problème basque est très mal vécu en Espagne et ça leur permet de contenir la fougue des Catalans, qui aspirent à l’indépendance, mais qui sont plus populaires dans l’opinion espagnole. J’ai été député des Basques, mais je ne me suis jamais laissé intimider. Certains ont payé l’impôt révolutionnaire ! Moi, je n’ai pas payé quoi que ce soit. Mais, après, je crois que ça s’est bien passé parce que, d’une certaine manière, ils reconnaissent ce courage. Ceux qui tiennent tête et disent : « Ce n’est pas la bonne manière de faire valoir votre idée. »

Comment avez-vous vécu la finale de l’Euro ? Où l’avez-vous regardée ?Je l’ai vue chez une famille d’amis dans la banlieue parisienne. Je ne sais plus dans quel secteur. Autour, il y avait des Portugais. C’était extraordinaire ! J’étais allé boire un pot avec eux après.

Mes valeurs : être compétiteur, me battre jusqu’au bout, en essayant de porter fièrement les couleurs de ceux qui me font confiance, mais après, quand ça ne passe pas, de reconnaître la défaite.

Ma femme n’était pas tellement d’accord parce qu’elle savait que je n’allais pas revenir tout de suite… Et effectivement, je ne suis pas revenu tout de suite… Bon, au fond de moi, j’étais déçu. Je trouvais que cette équipe méritait. Mais d’un côté, les Portugais cherchaient un titre et avait une grande équipe aussi. J’étais déçu, mais j’ai essayé d’adopter l’attitude que j’ai essayé d’adopter tout au long de ma vie : être compétiteur, me battre jusqu’au bout, en essayant de porter fièrement les couleurs de ceux qui me font confiance, mais après, quand ça ne passe pas, de reconnaître la défaite. En tout cas, c’est un très bon souvenir, ils étaient très heureux de me recevoir. Certains m’avaient reconnu ! Mais sinon, j’aime regarder ces matchs avec mes fils. Ce sont toujours de grands moments d’émotion. Je me souviens de France – Italie, après l’incident entre Zidane et Materazzi, il y avait la fête au village chez moi. On avait installé un écran géant. Toute la jeunesse était triste. Mais après des instants de tristesse et de déception, j’avais participé à un retour à la joie. Bon, ce n’est qu’à 3h du matin qu’on a retrouvé le cours de la fête. Mais j’ai cette possibilité de réussir à passer outre une grande déception. Faire semblant de ne pas être affecté.

Que changeriez-vous dans le football français, si vous en aviez le pouvoir ?Oh ce n’est pas que le football français, mais il y a trop d’argent. De manière générale. Le football risque de finir par souffrir d’un déficit de soutien populaire. Ils vont avoir le même problème que nous, les politiques, aux yeux de ceux qui n’ont rien. C’est un peu une vision de la Rome décadente : on vous donne du pain et des jeux et vous acceptez tout. Mais les peuples finissent quand même toujours par retrouver un équilibre.


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