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« J’ai l’impression d’avoir été maudit »

Propos recueillis par Maxime Brigand
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Quatre ans après avoir quitté Rennes pour l'Angleterre, Razak Boukari est de retour en France, là où tout avait commencé au début des années 2000, à Châteauroux. International togolais, ancien espoir français lors de ses années en Ligue 1, le bientôt trentenaire revient sur quatre ans de galères et deux ans de silence. Entre blessures, ponctions et rendez-vous manqué. Confessions.

Il y a dix ans, tu quittais Châteauroux, là où tu as de nouveau signé cet été. Comment vis-tu ce retour à la maison ?Je le vis bien, je suis content de rentrer à la maison. J’ai toujours eu dans un coin de ma tête cette envie de revenir ici et je suis maintenant prêt à aider le club à atteindre ses objectifs dont le principal est de remonter rapidement en Ligue 2, qui est sa vraie place. Après, j’aurais aimé le faire dans un autre contexte. Il y a eu ces saisons en Angleterre, ces galères et ça s’est fait plus vite que prévu.

Comment cela s’est fait ?Ma famille est ici, ma femme est également originaire d’ici, donc on a l’habitude de rentrer à Châteauroux chaque été. Cette fois, j’arrivais en fin de contrat à Wolverhampton, donc on avait déménagé pas loin en attendant que je trouve un point de chute. J’ai été à Clairefontaine fin mai et en juin pour continuer à bosser au niveau du renforcement musculaire. Début juillet, les contacts que j’avais avec les clubs n’avançaient pas trop et j’ai été voir les dirigeants de la Berri pour savoir s’il était possible de s’entraîner avec le groupe pro. Ils ont accepté et ont été clairs avec moi : si je n’avais aucune offre concrète et intéressante à la fin de l’été, le club était prêt à m’accueillir pour m’aider à retrouver mes moyens et mon niveau. C’est ce qu’il s’est passé.

Ton père, Sadou, a joué pendant quasiment toute sa carrière à la Berrichonne. Est-ce qu’il a pesé dans ton choix de revenir au club ?Non, pas du tout. C’est clair qu’il m’a demandé ce que je comptais faire, et moi, je lui ai expliqué la situation, le fait qu’il y avait des clubs intéressés, mais qu’ils étaient réticents à me recruter à cause de mes nombreux pépins physiques, mes deux dernières saisons presque blanches… Revenir à Châteauroux n’était pas mon objectif premier parce que malgré tout ce qu’il m’est arrivé, je pense que je n’ai pas perdu mon football. Mais en fin de mercato, j’en avais marre d’attendre et je pense que c’est parfois bon de repartir de plus bas pour mieux rebondir.

Pour bien comprendre ce qu’il s’est passé, on va revenir sur ton départ de Rennes en août 2012. L’Angleterre était un rêve pour toi ?

Je suis retourné à Londres pour passer ma visite médicale avec mon agent. Une fois là-bas, en fin de soirée, j’ai passé l’échographie, rien d’alarmant, et l’attaché de presse du club m’a dit qu’il passerait me chercher le lendemain à l’hôtel, qu’on signerait le contrat et qu’il y aurait la conférence de presse. Sauf qu’aujourd’hui encore, je n’ai pas de nouvelles. West Ham nous a laissés en plan à l’hôtel.

Bon, c’est très particulier parce qu’à la base, je ne devais pas signer à Wolverhampton. Quand j’étais à Rennes, j’avais été contacté par West Ham et tout le monde est tombé d’accord à un moment donné. Je suis alors allé à Londres visiter les installations, je me suis entraîné deux-trois jours avec l’effectif pro, et Frédéric Antonetti, qui était alors à Rennes, avait expliqué que si certains joueurs offensifs avaient la possibilité de partir, il ouvrait la porte. Avec West Ham, tout s’est bien passé, donc le deal était parti sur un prêt avec option d’achat. Entre-temps, j’étais redescendu à Rennes, j’avais discuté de mon départ avec Pierre Dréossi, et je suis retourné à Londres pour passer ma visite médicale avec mon agent. Une fois là-bas, en fin de soirée, j’ai passé l’échographie, rien d’alarmant, et l’attaché de presse du club m’a dit qu’il passerait me chercher le lendemain à l’hôtel, qu’on signerait le contrat et qu’il y aurait la conférence de presse. Sauf qu’aujourd’hui encore, je n’ai pas de nouvelles.

Personne n’est venu te chercher ?Jamais. West Ham nous a laissés en plan à l’hôtel. Mon agent a appelé à droite, à gauche, pour essayer de comprendre ce qu’il se passait et personne n’a décroché. Je n’ai jamais vu ça. Au final, c’est par l’intermédiaire d’un autre agent qu’on a appris que le club avait fait signer un autre joueur dans la nuit, mais les dirigeants n’ont jamais eu le courage de nous dire que le transfert était annulé.

Comment tu t’es retrouvé à Wolverhampton ?Il faut savoir que le joueur que West Ham a acheté à ma place venait de Wolverhampton. C’était Matt Jarvis. Le club venait de descendre et j’avais déjà joué contre leur nouveau coach, Ståle Solbakken, en Ligue Europa lorsque j’étais à Lens. Dès qu’il a appris qu’il y avait une possibilité de me faire signer, il a rapidement contacté ses dirigeants et ils se sont rapidement mis d’accord avec Rennes sans me mettre au courant. Je ne le cache pas, je n’étais pas trop chaud pour aller là-bas au départ. J’avais encore la tête à West Ham et j’essayais de comprendre ce qu’il venait de se passer. J’étais prêt à repartir à Rennes, à me remettre dans le projet et à démarrer une nouvelle saison. Puis, je suis finalement allé à Wolverhampton pour visiter les installations, j’ai discuté avec le coach qui m’a parlé des ambitions du club de construire une grosse équipe pour rapidement remonter en Premier League et tout a démarré comme ça.

Tu as retrouvé quelques vieilles connaissances…Oui, il y avait déjà quelques Français : Tongo Doumbia, Steven Mouyokolo avec qui j’avais fait le centre de formation à Châteauroux, Ronald Zubar aussi… Une fois là-bas, je les ai appelés et ils m’ont dit que le club était super bien structuré, ils m’ont parlé des ambitions et les dirigeants m’ont aussi dit qu’ils voulaient acheter Bakary Sako. Bakary, c’est quelqu’un que je connais bien, donc on a discuté ensemble. On s’est dit que ça pouvait être une bonne chose, qu’on pouvait faire notre trou en Championship et viser la Premier League.

Quand sont arrivés les premiers soucis ?Assez tôt, après le quatrième ou cinquième match de championnat. Là, je me blesse au mollet, et le calvaire commence. C’est simple : pour une déchirure, je n’ai pas rejoué de la saison. On peut parler d’un problème de soins. Je n’étais pas content de la façon dont le club a géré l’affaire, on multipliait les ponctions sur mon mollet, et à un moment donné, j’ai dit stop. Dès qu’ils me faisaient faire des tests, ça se redéchirait un petit peu. Je suis allé voir le président pour lui dire que ça ne pouvait pas continuer. Six mois pour un mollet… Je suis retourné en France pour me soigner, le club a accepté et les médecins français m’ont expliqué que j’avais une sorte de fibrose entre les muscles. Il fallait opérer et c’est ce qui a été fait en fin d’année. Pendant ce temps, Wolverhampton est descendu en League One. C’était le scénario catastrophe.

Après mon opération, j’ai expliqué aux dirigeants de Wolverhampton que je n’étais pas venu au club pour jouer en troisième division. J’ai été prêté à Sochaux et les pépins ont repris pendant les six premiers mois. Puis Sochaux est à son tour descendu…

Et ?Après mon opération, j’ai expliqué aux dirigeants que je n’étais pas venu au club pour jouer en troisième division. J’ai été prêté à Sochaux et les pépins ont repris pendant les six premiers mois au niveau des ischios. On me disait que c’était parce que j’avais été arrêté pendant un long moment etc. Pour moi, c’était plus que ça, donc j’ai été à Capbreton pour me remettre en ordre et j’ai terminé mon prêt à Sochaux, qui est à son tour descendu…

Et tu t’es reblessé quasi instantanément dès ton retour en Angleterre. Tu étais déjà sujet à ça avant ?Non, juste des petites choses. J’ai simplement le souvenir d’une blessure un peu plus sérieuse à un adducteur quand j’étais à Lens, mais j’avais repris progressivement, normalement. C’est vraiment depuis que j’ai mis les pieds à Wolverhampton, comme si j’avais été maudit. En réalité, c’est incompréhensible.

Tu en veux au premier médecin ?Oui et non. Je lui en veux surtout par rapport à ma première blessure parce que je pense qu’ils ont fait une erreur avec ce système de ponctions. Tout s’est enchaîné à partir de là. Après, ils ont toujours été derrière moi, ils ont cherché des solutions pour que je revienne à 100%. C’est aussi de la malchance.

Comment on vit ce genre de situations ? Je sais que tu as consulté un psy par exemple.C’était le psy du club en fait. Avec toutes ces blessures, les dirigeants voulaient que je le vois. Il y a eu une visite. L’objectif était de travailler sur mon appréhension de me blesser de nouveau à chaque reprise. Sauf que pour moi, c’est comme si une personne avait un accident à un endroit, qu’elle en avait un nouveau au même endroit quelques mois plus tard, et bien elle ne peut pas s’empêcher d’y penser. Je lui ai dit que je n’avais pas besoin d’autres séances.

Est-ce que tu as pensé à arrêter ta carrière ?C’est difficile. À certaines périodes, je me suis demandé : « Comment je vais revenir de là ? » Quand les médecins t’opèrent, qu’ils commencent à te reparler de onze mois, douze mois d’absence… Dans ma tête, j’ai pensé à arrêter, oui.

Comment as-tu travaillé quand tu étais tout seul ?Depuis un an et demi, je travaille avec un ostéo qui est sur Paris, Benjamin Illouz, que j’avais rencontré par l’intermédiaire d’un joueur avec qui j’avais joué par le passé. Depuis que je l’ai trouvé, ça se passe super bien et j’arrive à retrouver mon corps.

Avec ton expérience, ton passé de formé au club et ce que tu as connu, as-tu un rôle particulier auprès des jeunes de la Berri aujourd’hui ?Oui forcément, notamment auprès des jeunes joueurs offensifs. Je ne suis pas quelqu’un qui parle beaucoup, mais j’essaye de transmettre mon expérience. Ici, je reste une sorte de symbole pour les jeunes, donc je leur donne des conseils. Après, mon objectif est surtout de retrouver définitivement mon foot.

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