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« J’ai découvert l’existence de Patrice Carteron par Téléfoot ! »
Quand son homonyme coache en RDC, lui s’entraîne dans le stade des féminines de Juvisy pour préparer son prochain combat contre le Bosnien Dževad Poturak. Champion de muay-thaï, le vrai Patrice Quarteron reçoit dans une salle de boxe à Rosny-sous-Bois. Interview poings serrés, entre Anelka, Cantona, et quelques douceurs pour la Benz’ - le tout sur un fond de Marseillaise.
Quel est ton rapport au foot ?C’est tout simplement ce qu’on faisait dans le quartier. Ambiance Olive & Tom. Après, j’ai joué pour le club de Grigny. J’évoluais 8, 6 et 4, stoppeur. À l’époque, j’étais déjà plus grand que les autres. Je frappais fort, mais je n’avais pas la technique et les entraîneurs non plus (rires). J’étais fan de Papin, de Waddle et d’Abedi Pelé.
Donc t’es plutôt marseillais…Bah oui ! C’est le vrai club cosmopolite. C’était le premier club à nous faire rêver, le premier champion d’Europe, avec le but de Boli, on s’en souviendra toute notre vie. Nous, à Grigny, c’était Marseille, Marseille, Marseille. Tu sais pourquoi j’étais pas PSG ? J’ai encore le souvenir de 95. J’oublierai jamais quand ces chiens de la tribune Boulogne ont shooté un Noir qui était entré sur le terrain. Ça m’est resté en tête, je me suis dit que je ne supporterais jamais le PSG.
Mais, dans les années 90 et 2000, en face de Boulogne, le virage Auteuil s’est développé autour de cette idée de mixité et de diversité. Et depuis 2010, le très critiquable plan Leproux a au moins eu le mérite d’éradiquer complètement le racisme au Parc des Princes…Si ça a changé, ça prouve que c’est une grande hypocrisie, que finalement, on pouvait le faire avant, mais que ça plaisait bien de laisser tous les fachos installés tranquillement. À Marseille, ça n’a jamais été comme ça. Il y avait des joueurs qui venaient de partout, pas des « ouh ! ouh ! ouh ! » (il mime un singe). Commercialement, ça ferait bien de dire que je suis pour le PSG, mais je m’en fous, je n’oublierai jamais. Si on m’invite, peut-être que je pourrais y aller, mais tu ne feras pas de moi un supporter. Les gens qui vont là-bas, c’est pour faire leur baratin, ce n’est pas pour moi.
T’es déjà allé au Parc ?Non. À cause des fachos, jamais je n’aurais pu mettre les pieds là-bas. Et nous, tu sais, on n’avait pas d’argent à la Grande Borne. Après, quand j’ai eu les moyens, je n’avais pas le temps. Si, j’ai dû y aller une fois, c’était pour voir l’équipe de France.
Des joueurs te suivent et sont susceptibles de venir te voir ? Apparemment, Anelka veut assister à mon combat et me rencontrer. Ça me fait plaisir. Mais quand je boxe, j’oublie tout. On m’a déjà dit : « Lui, il est footballeur » , mais je ne savais même pas qui c’était ! (rires)
Anelka, il représente quoi pour toi ?(Il soupire) Anelka, c’est un grand, grand joueur. On l’a saqué, on l’a boycotté, on l’a fait passer pour ce qu’il n’est pas, pour un bad boy, alors qu’on sent bien que ce n’est pas un mauvais bougre. Ce gars-là, il est carré. Tout simplement. Il baisse pas son froc.
C’est le coup de la quenelle qui…(Il coupe) C’est des prétextes, ça ! Ça a été un des plus gros transferts à l’époque (l’équivalent de 35 millions d’euros du Real au PSG en 2000, ndlr), c’est un joueur qui a marqué des buts jusqu’à la fin. Ça, c’est du baratin. Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage, c’est tout. J’aime bien Anelka ou Cantona. Ce ne sont pas des gens qui se laissent faire, ils sont droits dans leurs bottes. Moi, je n’aime pas les girouettes. S’il évoluait dans les années 2010, je pense que Cantona aurait fini comme Anelka. Le coup qu’il a mis en pleine tête (poitrine en fait, ndlr) d’un supporter… ça m’a marqué aussi ! (rires)
Tu lui donnes quelle note, à ce high-kick ? 19/20 ! Belle envolée, détente sèche… Une très bonne note artistique en visuel, c’était beau et efficace.
Quel joueur actuel tu verrais bien boxer ?Zlatan. Il est arrogant, endurant, il a une taille, un gabarit et il est à la hauteur de ses propos. Quand il dit qu’il va marquer, il marque. Il a tout pour lui, tout pour être un boxeur. Il a le mental. Il est arrivé au PSG, personne ne misait un euro sur lui, je m’en rappelle (sic). ZLA-TAN (il le prononce bien). Deux jours plus tard, il est arrivé dans le dictionnaire. C’est un tueur. Il dit : « Moi, je suis le meilleur » et il le prouve. Ça aurait pu être un grand boxeur.
Tu ferais un combat contre lui ?Non ! (rires) Mais il est très dangereux, j’en suis sûr.
Zlatan est clairement un show-man et tes conférences de presse sont plutôt animées. Certaines te font kiffer dans le foot ou pas du tout ?À part Maradona, quand il a dit : « Allez tous vous faire enculer » , il n’y a personne (après la qualif’ pour le Mondial 2010, Maradona avait plutôt déclaré : « Venez me sucer » , ndlr). Ça, c’était bon. Ça, c’était une conférence de presse ! Le reste, ils racontent tous leur vie, c’est des mythos. Le seul, vraiment, et il a même été sanctionné pour ça, c’est Maradona.
Cantona et ses sardines aussi…Ah oui, bordel c’est vrai ! (rires) Tu vois, c’est toujours les mêmes qui reviennent.
Tu t’inspires de mecs comme ça pour les tiennes ?Ça dépend, je m’inspire aussi de mecs qui me font marrer. Par exemple, François l’Embrouille se déguise partout où il va, ça m’a donné l’idée de me déguiser en rasta pour un combat. Tout le monde pensait que j’étais un rasta et je suis arrivé en Jamaïcain pour défoncer la gueule du mec (Quarteron est parti à La Réunion pour voir un combat de Le Banner, avant de monter sur le ring sous le nom de Rasta Fighter, ndlr).
On te voit un peu partout chanter La Marseillaise. Pourquoi ça te tient tant à cœur ?
C’est même pas que ça me tient à cœur, c’est normal. Je suis français. Des politiques ont même incité les gens à ne pas la chanter, parce que ceci, cela. Non. Quand j’entends que les jeunes de banlieue ne chantent pas La Marseillaise, c’est faux. Je ne vois pas pourquoi on ne chanterait pas notre hymne, c’est notre patrimoine.
Selon toi, tous les joueurs doivent chanter la Marseillaise lorsqu’ils endossent le maillot bleu ?Y a des mecs qui la chantent pas et qui, normalement, ne devraient pas être en équipe de France. Je comprends pas les mecs qui veulent niquer tout ça. Tu t’insultes toi-même ? T’insultes ta mère ? T’insultes ta maison ? T’insultes là où tu vis ?
Tu penses à Benzema ?Pour moi, ce sont des branleurs ces mecs-là. Benzema, je l’aime pas, c’est un hypocrite. Les gens l’ont compris.
Par rapport à quoi ?Son comportement, ses manières de faire, même ce qu’il a fait à son propre coéquipier. Ça veut dire quoi ça ? Je mange chez toi, tu m’appelles et t’essayes de m’engrainer à aller payer un maître-chanteur pour une cassette de cul ? Je comprends même pas qu’il soit en équipe de France, ce mec-là. Il se la joue, mais c’est un petit bourgeois. Il a je sais pas combien d’oseille, il vient faire la petite frappe, le gangster à deux francs… Alors que t’assumes jamais ? Si tu t’expliques, c’est qu’il y a un problème. Et pourquoi Zidane prend sa défense ? Si lui, on lui avait dit : « J’ai une photo de toi avec un tapin et on va la mettre sur internet » , est-ce qu’il aurait accepté ça ? Comment ça se fait qu’il le défende encore ? En tout cas, je suis pas un lâche, je m’en prends pas au petit Valbuena. Et bravo à lui d’ailleurs. Il a une belle paire de couilles de ne pas avoir cédé à son chantage.
L’affaire n’est pas encore jugée, sans parler de la présomption d’innocence…Il fait son bad boy, mais il sait même pas l’ouvrir quand y a un vrai problème. C’est l’anti-Anelka, l’anti-Cantona, c’est des mecs qui veulent tout faire dans le genre, qui traînent avec des rappeurs… J’espère qu’il va prendre quelques mois. Si je devais monter sur le ring contre un joueur de foot, ça serait Benzema. Et je lui ferais chanter la Marseillais derrière.
Ton instagram, c’est @therealquarteron. C’est pour te différencier de l’autre Patrice Carteron (actuellement au Tout Puissant Mazembe) ?Petit, je le savais même pas. Un jour, on m’a dit que sur Téléfoot un gars portait le même nom que moi. C’était un bon joueur, mais c’était pas celui que je préférais. Il y en avait un qui avait fait une bonne saison et qui a disparu après : Amara Simba. Lui, il était fort, je pensais qu’il allait devenir un grand joueur.
Tu dis souvent que le milieu de la boxe est pourri. Tu penses que le foot c’est pire ?Mais c’est mille fois pire ! Dans notre truc, il y a très peu d’argent, faut cravacher pour sortir la tête de l’eau. Le foot, c’est un truc de malade ! C’est comme l’affaire avec Laurent Blanc (l’affaire des quotas, ndlr). Ils veulent faire des détections à 12 ans pour pouvoir sélectionner de façon à avoir une équipe de blanc… Eh bah, c’est du putain de racisme ! Ça me dégoûte. Mais ça m’a pas étonné. Dans la boxe, j’en ai vu des trucs pareils. Et après, tu vas dire : « Non, mais ce ne sont pas mes propos… » (il prend une voix de pleureuse). C’est un scandale ! Il l’a dit et on a vite étouffé l’affaire. C’est du communautarisme et pour moi, c’est pas ça la France. T’es noir, t’es arabe, t’es blanc… T’es bon, y a pas d’histoire ! Quand t’entends Sagnol après ( « L’avantage du joueur typique africain, c’est qu’il n’est pas cher quand on le prend, c’est un joueur qui est prêt au combat généralement, qu’on peut qualifier de puissant sur un terrain » , avait déclaré le coach des Girondins dans un entretien à Sud Ouest, ndlr)… Imagine tout ce qui se dit en soum-soum. J’ai vécu ce genre de conneries, les Arabes et les Noirs qui restent chacun de leur côté dans le vestiaire. En fait, on est en train de créer des communautés dans le sport. J’ai même entendu des gens dire : « Quarteron, il est pas français, qu’il reste dans son pays ! » Mais moi, j’ai pas attendu les attentats pour chanter la Marseillaise ! J’ai pas attendu que ça soit une mode.
Si tu devais combattre dans un stade de foot, ça serait lequel ?J’en ai rien à foutre du combat, du stade. Mon seul but, c’est d’améliorer mon ordinaire, à ma femme et mes enfants. J’ai boxé devant 300 000 personnes et ça me faisait le même effet que devant 10 personnes. C’est là la différence entre moi et beaucoup de gens. J’essaye de faire ça pour m’en sortir.
Dans ton court-métrage Au cœur du volcan, on te voit t’entraîner dans le stade de Juvisy. Tu supportes les féminines ? Non, je les vois, mais c’est tout. Quand je m’entraîne, je n’aime pas trop aller regarder les filles, ça fait un peu dragueur (rires). Moi, je reste sur mon terrain, je ne voudrais pas qu’on croit n’importe quoi.
Par Florian Lefèvre et Nicolas Taiana
Patrice Quarteron vs Dževad Poturak, jeudi 10 décembre à la Halle Carpentier (Paris 13e), à partir de 19h.