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Hooligan toujours

Par Victor Le Grand
6 minutes
Hooligan toujours

Le hooliganisme anglais est-il-mort ? Réponse ce samedi, avant, pendant et après le bouillant derby du sud-est londonien : West-Ham vs Millwall. Pour l’occasion, retour sur l’histoire d’une rencontre de football qui « terrorise l’Angleterre depuis 35 ans », pour reprendre le prêche des Bushwackers, la firm de Milwall. Come back.

« Prière de ne pas jeter vos cendres, pierres, briques, bouteilles, tasses, feux d’artifice ou autres types d’explosifs sur le terrain de jeu pendant ou après le match et de ne pas molester, en aucune façon, les joueurs de l’équipe adverse » . Avertissement de l’équipe dirigeante de Millwall, saison 1949-1950. Le décor est planté.

Cinquante ans plus tard, samedi 4 février 2012, West-Ham United accueille Millwall FC pour le compte de la 29ème journée de la deuxième division anglaise. Stade plein, pintes vides, les places ont toutes été réservées aux abonnés. Le linge sale se lave en famille.
Au classement, United tient solidement sa première place avec dix victoires dans les valises. Copie parfaite. De l’autre côté de la Tamise, Millwall est 21ème à cinq points du premier reléguable. Un écart tout juste confortable. Que dire ? Retour aux bases : kick and rush, joueurs physiques, un système en 4-4-2 serré et le robuste Liam Trotter à la récupération, tout simplement au-dessus. Samedi 4 février 2012, 14 h 30, les deux équipes en auront terminé. Ces puissances belligérantes ajouteront une page au roman national. Une ligne au derby le plus terrible d’Angleterre !

Plus dangereux que le Guatemala

Pour un amoureux du football, Londres est une source de bonheur. Fière de ses quatorze clubs professionnels, la ville est depuis le XXe siècle le théâtre tragique de nombreux derbys sportifs. Au Nord de la ville, les tensions entre Arsenal et Tottenham sont géographiquement naturelles. Le passage des Gunners au stade d’Highbury en 1913 a fixé la distance entre les deux clubs à 6 kms ! Au Sud-Est, le britannique moyen est un poil plus viril. En 1885, le Millwall FC est créé par des dockers du chantier naval de l’Isle of Dogs dans l’East-End de Londres. Le terme péjoratif « East-End » nait à la fin du XXe siècle, alors que le quartier est connaît ses premiers signes de surpopulation. Des migrants étrangers débarquent par bateaux entiers. Le racisme aussi prend ses marques. « Les supporters de Millwall se voient, à tord ou à raison, comme le dernier bastion de couleur blanche et de la classe ouvrière,commente Dan, ouvrier de 26 ans.C’est sûr, ce n’est pas un endroit où se balader si vous êtes noirs ! » .

En l’espace d’un siècle, l’East End est devenu la partie détestée de la capitale anglaise En 1837, l’écrivain Charles Dickens immortalise cette analyse dans son illustre roman, « Oliver Twist ». Il qualifie cette île du Bermondsey de « pauvre, répugnante de saleté, de pourritures et d’ordures » . En 1996, le Département d’Etat américain interdit même à ses touristes de s’y rendre en vacances, affirmant que la zone était aussi dangereuse que le Guatemala, nation à l’époque rongée par la guerre civile. Dans son roman culte sur le hooliganisme local, « The Football Factory », l’écrivain John King calcule le tarif : « Cent ans de coups de pied dans la gueule pour quiconque s’aventurerait trop loin sur la Old Kent Road » . Au stade, même poésie : « Je suis fier de soutenir un petit club dans le Sud-Est de Londres qui n’a pas d’argent. Le reste de la ligue de football nous hait ! On s’en branle » , insiste Pete, 28 ans, supporter de Millwall depuis sa plus tendre enfance. Il n’en reste pas moins que dix ans plus tard, de l’autre côté de la Tamise, une seconde équipe est créée par un contremaître de ferronnerie pour stimuler le moral des travailleurs. Ce leitmotiv se nomme West-Ham United ! Deux places pour une seule âme.

Même tissu social

West Ham et Millwall illustrent à eux seuls le cliché ultime des écuries anglaises : quartiers grisâtres, le football comme seul exutoire, le chômage, l’insécurité ; une vie où l’on se saigne pour se rendre, même sporadiquement, au stade. Les deux équipes sont chacune soutenues par la même corporation, des matelots et des ouvriers, rivaux au sein même de leur entreprise. D’une certaine manière, ce derby se complaît dans son illogisme. West-Ham et Millwall ne sont pas proches géographiquement. Chacun d’un côté du fleuve ! Le Tower Bridge ayant rarement formé une frontière aussi flagrante. « Notre principal rival, c’est Tottenham » , précise Dan, le hammer. « Et puis Arsenal et le Real Madrid. Mais pas nécessairement dans cet ordre » , ajoute Jane, supportrice d’United. Issu d’un même tissu social, le football a simplement cristallisé les tensions.

En 1926, au milieu d’une grave crise économique britannique, la grève est observée dans l’East End par les travailleurs maritimes, pour la plupart supporters de West Ham. Furieux, les dockers de l’autre bord, acquis à la cause de Millwall, souhaitent pour leur part reprendre le travail. Une version de l’Histoire qui n’a cependant jamais été confirmée. Authentique ou non, cette « trahison » alimente encore sournoisement chaque derby depuis plus de 80 ans !

Fléchette, vengeance et cris de singe

Malgré l’animosité entre les supporters des deux clubs depuis la fin de la première guerre mondiale, West-Ham et Millwall ne se sont affrontés que 38 fois en presque 100 ans. Les premiers baisers remontent au 17 septembre 1906, date à laquelle un joueur de Millwall est projeté par un adversaire contre un panneau publicitaire en métal. Dézingué, il sort sur une civière. Le journal local, L’Écho de East Ham rapporte : « Cet engagement a tout de suite suscité beaucoup d’enthousiasme chez les spectateurs. La fièvre est monté dans les tribunes » . Le ton est donné. En 1976, un fan de Millwall passe sous un train après une rixe avec les fans de West Ham, à la gare de New Cross. Le lendemain, des tracts sont distribués dans le stade de stade de Millwall. En gros caractères : « Un fan de West-Ham doit mourir pour venger sa mort ! » . La note est maintenue.

Mais la confrontation la plus musclée date de 2009, à Upton Park, lors d’un simple match Coupe de la Ligue ! Dès l’échauffement, l’attaquant des Hammers, Carlon Cole, est victime de cri de singes provenant des tribunes. « Je suis peut-être aussi fort qu’un gorille mais je ne suis pas un singe » , déclare-t-il avec humour. Sur le banc, Gianfranco Zola demande aux joueurs des deux équipes de respecter un hommage à Calum Davenport, défenseur britannique de 26 ans, poignardés, lui et sa mère, quelques jours plus tôt à leur domicile. Hommage vibrant : de nombreux affrontements éclatent entre supporters, avant, pendant et après le match ! Durant les prolongations, des supporters de West-Ham par milliers ont envahi la pelouse à trois reprises, narguant avec insistance les fans de Millwall. Résultats : une vingtaine de de blessés, un homme poignardé et une femme atteinte par une fléchette au visage. Un pion, une descente. Score final : 3-1. Cette année, Pete, notre fondu de Millwall, fera le déplacement à Upton Park, serein et fier de ses couleurs. À la question initiale : le hooliganisme anglais est-il bel et bien enterré ? Le jeune britannique préfère se taire. Il conseille simplement le rembobinage des derniers mots d’Elijah Wood dans « Hooligans », film culte basé sur cette rivalité Millwall-West Ham : « La vie du Hammer Pete Dunham m’a appris qu’il y avait un temps pour tenir notre terre, et sa mort m’a conforté dans l’idée qu’il était temps de s’en éloigner » . The end ?

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