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Hervé Della Maggiore : « Je n’avais pas de repère dans ce monde »

Par Florian Lefèvre
Hervé Della Maggiore : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Je n’avais pas de repère dans ce monde<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Chez les entraîneurs français, Hervé Della Maggiore (quarante-quatre ans) détonne. Après une carrière de joueur semi-amateur, l’homme était parti pour reprendre l’entreprise familiale. Et puis l’entraîneur a grimpé les échelons, un à un, de Saint-Maurice-de-Gourdans, en troisième division de District, jusqu’en Ligue 2 à la tête du Football Bourg-en-Bresse Péronnas 01. Avec une certaine idée du football et de l’aventure humaine.

Devenir entraîneur, vous avez dit que c’était tout sauf une évidence. C’était quoi, du coup ? Après avoir été formé à l’OL, j’ai connu une carrière amateur (Lyon-La Duchère, Saint-Priest, Ain Sud, ndlr) jusqu’en National. Je n’avais tout simplement pas les qualités pour évoluer en pro. J’ai fait des études pour reprendre l’entreprise dans le bâtiment de mon père. Après ma carrière, je suis rentré dans l’entreprise. Mais je n’ai jamais coupé du foot, je baigne dedans depuis l’âge de six ans. J’ai continué à jouer en bas niveau, j’entraînais au niveau District (Saint-Maurice-de-Gourdans), puis Excellence (FC Luénaz) et Bourg-Péronnas m’a appelé en 2007 pour entraîner la réserve.

L’entraîneur de l’équipe première a arrêté, et l’opportunité s’est présentée pour vous de prendre le poste, en CFA 2… Au départ, j’étais un peu réticent par rapport à mon emploi du temps professionnel déjà très chargé. Mon adjoint m’a beaucoup épaulé à l’époque. Et puis on est montés en CFA, ce qui faisait donc deux montées en deux saisons. Ça m’a mis le pied à l’étrier, je passais mes diplômes en parallèle. Plus tard, lors de la troisième année de National, j’ai fait le choix de vendre l’entreprise et de m’investir pleinement pour le club. Je me suis dit que j’avais peut-être une vocation dans ce monde que je ne connaissais pas. C’était une réflexion difficile parce qu’il fallait lâcher l’entreprise familiale… Finalement, je ne regrette rien, les résultats m’ont donné raison. Aujourd’hui, je suis en train de passer le BEPF, le diplôme nécessaire si je veux poursuivre.

Comment se passe la formation ?Très bien. Je n’avais pas de repère dans ce monde. Là, je suis au contact de Mickaël Landreau, David Bettoni, adjoint de Zinédine Zidane, Yves Bertucci, l’adjoint d’Antoine Kombouaré… Les formateurs comme Guy Lacombe, qui a un gros vécu en matière d’entraîneur, m’aident beaucoup dans mon évolution.

Le fait de ne pas avoir fait une carrière professionnelle en tant que joueur, ça vous sert ou, au contraire, vous handicape ?Je pense que c’est un atout. Ça me permet de travailler sereinement. J’ai mes idées et ma conception du foot, je peux les mettre en place sans pression, et maintenant j’ai acquis une légitimité de par mes résultats.

À la télé ? Je peux regarder n’importe quel match. Je suis un boulimique de football, c’est devenu une drogue.

L’impact de l’entraîneur sur les résultats de l’équipe est-il plus important en professionnel qu’en amateur ? L’impact ? C’est la légitimité auprès de vos joueurs. Les résultats font énormément. Jusqu’à présent, je n’ai connu que des montées, donc la légitimité est présente. Arriver à un certain échelon, il faut être expert au niveau du jeu. On n’est plus dans le même métier, en revanche la valeur humaine perdure. Il m’arrive encore d’aller voir un match de District le dimanche pour retrouver justement les gens que j’ai côtoyés auparavant. Ils sont super heureux de me revoir, on discute, je suis toujours super bien reçu. Ça prouve que mon passage les a marqués.

À ce sujet, Paul Scholes déclarait récemment qu’il préférait aller voir Salford, le club de ses débuts, le samedi après-midi, plutôt que se mettre dans le canapé devant la Premier League. Vous vous retrouvez là-dedans ?Il faut aussi que j’aille voir des matchs au plus haut niveau ! J’ai besoin de m’informer de tout ce qui passe, étant donné que je n’ai pas eu de repère dans le domaine auparavant. Le samedi, je vais voir un match de CFA ou de National dans la région lyonnaise, sous l’œil de l’entraîneur, de « l’expert » . Le dimanche, c’est complètement différent, c’est pour passer un bon moment. Ça fait partie de mon équilibre. À la télé ? Je peux regarder n’importe quel match. Je suis un boulimique de football, c’est devenu une drogue.

Vous entamez votre neuvième saison sur le banc du FBBP 01. Paradoxalement, ça aurait pu s’arrêter au bout de quelques semaines… Quand j’ai pris l’équipe première, l’objectif était de monter tout de suite en CFA, mais on a débuté par quatre défaites. Il y avait de grosses attentes. J’avais changé un peu l’organisation, je commençais à mettre en place mes principes de jeu. Il a fallu du temps. Après quatre défaites, pour moi c’était assez questionnant. Psychologiquement c’est compliqué, je me demandais si vraiment j’étais fait pour ça… Derrière, j’ai persévéré et on a enchaîné par neuf victoires !

On fait le recrutement en regardant l’homme derrière le joueur. On se renseigne sur l’état d’esprit du joueur. Si on a des joueurs qui raisonnent individuellement, c’est compliqué…

Comment pourrait-on définir vos principes de jeu justement ? Même si j’étais plus défensif étant joueur, je suis un entraîneur porté vers l’avant, qui aime bien le jeu. Je sais aussi m’adapter à certains moments, sans déroger à ce que je veux faire. J’aime bien jouer avec deux attaquants. J’aime le foot en tant que spectacle. C’est un équilibre à trouver avec les résultats. L’avantage dont j’ai profité, c’est de progresser avec le club, et mon évolution a aussi permis au club d’évoluer. Le sportif a été la locomotive du reste. Si j’étais arrivé tout de suite sur un banc de Ligue 2, ça aurait peut-être été plus compliqué. Au fil des saisons, j’ai pu me remettre en cause.

Entraîner en Ligue 2, en CFA ou en District, c’est le même plaisir ?Je suis beaucoup porté par les valeurs humaines. À tous les niveaux, on les retrouve. En ce moment, je suis au quotidien avec l’entraîneur adjoint de Zidane, un club où il faut gagner tous les matchs. Malgré cela, on sent que ces valeurs sont présentes au Real entre David Bettoni et Zinédine Zidane. C’est au cœur des bons résultats. Après bien sûr, au niveau sportif, il faut autre chose pour obtenir de bons résultats. (rires)

Comment transmettre ces valeurs aux joueurs ? L’état d’esprit dans le groupe, j’ai toujours réussi à le mettre en place. On fait le recrutement en regardant l’homme derrière le joueur. On se renseigne sur l’état d’esprit du joueur. Si on a des joueurs qui raisonnent individuellement, c’est compliqué… Attention, recruter que des gentils n’est pas le but non plus. On veut des compétiteurs avec de la qualité, mais je prête beaucoup d’attention à l’homme. On est un club nouveau dans le monde professionnel qui va forcément passer par des moments difficiles dans ce championnat. On privilégie toujours le collectif avant l’individu.

Quel discours tenez-vous auprès des recrues ? Avec notre budget (6,5 millions d’euros, le 18e budget de Ligue 2 selon L’Équipe, ndlr), on recrute dans les championnats inférieurs. On ne leur propose pas des gros salaires, mais un projet de club, un projet de vie. S’épanouir et progresser, franchir des paliers, à l’image de Júlio Tavares. On n’est pas là pour mettre des bâtons dans les roues des joueurs, c’est un donnant/donnant.

J’ai connu ce que c’était de se lever à six heures du matin et finir à neuf heures le soir. Aujourd’hui, je travaille beaucoup, mais c’est un réel plaisir, je m’épanouis totalement.

Il y a encore deux ans, vous cumuliez deux activités. Ça change tout de n’avoir plus qu’à penser au football ? Tout à fait. Déjà, moi, j’ai l’impression de ne pas travailler. J’ai connu ce que c’était de se lever à six heures du matin et finir à neuf heures le soir. Aujourd’hui, je travaille beaucoup, mais c’est un réel plaisir, je m’épanouis totalement. Mais je sais qu’une carrière, c’est long. Pour l’instant, je n’ai pas encore connu l’échec. La première saison, en National, on a fait un gros début de championnat et puis on s’est écroulés. On s’est retrouvés relégables dans les trois dernières minutes de la dernière journée, mais on a été repêchés avec la relégation administrative du Mans. C’était une période très constructive. Les enseignements ? Il faut se remettre en question, analyser, faire le constat et trouver la solution.

Gardez-vous de bons souvenirs de vos années au centre de formation de l’OL ?L’OL, c’est mon club de cœur. J’y ai passé dix ans de ma vie. J’ai peut-être passé plus de temps à l’OL que chez mes parents. J’y ai appris la base, au niveau des règles de vie. Cette éducation m’a servie. Par rapport à ça, l’OL n’a jamais changé de ligne de conduite. C’est pour ça qu’ils font partie, à mon avis, des plus gros centres de formation d’Europe. À l’époque, il y avait Florian Maurice. Certains sont devenus agents. J’ai encore énormément d’attaches à l’OL et Bourg/Péronnas a signé un partenariat avec l’OL.


Ça pourrait donner des idées à l’OM, par exemple, qui ne travaille pas du tout avec les clubs marseillais comme Consolat…Jusqu’à ce qu’on arrive en Ligue 2, Lyon non plus ne trouvait pas trop d’intérêts à travailler avec nous. On les a sollicités bien avant. Le déclic, c’est la montée. Les explications, on les a comprises. À l’époque, on jouait en National, en CFA, il n’y avait pas trop d’intérêts pour eux de prêter des joueurs. Maintenant, on travaille avec eux, c’est une très bonne chose pour tout le monde.

En National, la durée de vie moyenne d’un club, c’est deux ans. Luçon et Le Poiré-sur-Vie, par exemple, ont loupé la montée, et derrière c’est le dépôt de bilan…

On entend souvent qu’il ne faut pas s’éterniser dans le championnat National. Vous avez eu la bonne idée de monter en Ligue 2 lors de la troisième saison… Sur le plan financier, c’est très compliqué. On a le cul entre deux chaises : entre le monde amateur et le monde pro. Des joueurs travaillent à côté, certains non. Les déplacements sont coûteux et on ne bénéficie pas de retombées médiatiques comme les droits TV, etc. En National, la durée de vie moyenne d’un club, c’est deux ans. Luçon et Le Poiré-sur-Vie, par exemple, ont loupé la montée, et derrière c’est le dépôt de bilan… Ça aurait pu nous arriver, mais on a toujours gardé la même ligne de conduite, on ne vivait pas au-dessus de nos moyens.

Vous entamez votre neuvième saison à la tête de l’équipe première de Bourg-Péronnas. Vous n’avez pas envie d’aller voir ailleurs ?On se demande toujours : « Est-ce que ça va être l’année de trop ? Est-ce que c’est le moment de se fixer un nouveau challenge ? » Mais je me sens bien au sein de ce club, j’ai la confiance et la légitimité de tous. On me laisse travailler comme je l’entends, c’est un luxe par rapport à tout ce que j’entends dans les autres clubs. Je n’aimerais pas partir pour partir et regretter mon choix au bout d’un mois. Après, on a toujours envie de savoir si ce qu’on a fait ici, on est capable de le faire ailleurs, dans un autre contexte.

Cette deuxième saison en Ligue 2 démarre moins bien que la première (l’entretien s’est déroulé avant la victoire 2-1 contre Le Havre, ndlr), qu’est-ce que vous pensez du syndrome supposé de la saison de la confirmation ? Beaucoup de gens nous ont annoncé une deuxième saison plus compliquée. Moi, au contraire, je me dis qu’on va se servir de notre première saison comme une expérience supplémentaire. La cause des mauvais résultats du moment, c’est un gros renouvellement d’effectif et des blessures au départ. On vit une période d’adaptation.

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Par Florian Lefèvre

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