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György Bognár : « Les quarts étaient à notre portée »
Pilier de la génération 86 sortie du Mondial mexicain à cause d’un premier tour catastrophique, György Bognár va prendre en main la direction technique de l’Académie Puskás, dont sont issus László Kleinheisler dit le « Scholes hongrois » ou Attila Fiola l’éclopé, privé d’Euro après le 2-0 contre l’Autriche. Et comme tous les Magyars qui se sont rameutés sur la place des Héros ce lundi pour féliciter la sélection tombée en huitièmes de finale, l’ancien Toulonnais en est vraiment satisfait. Malgré la correction belge.
Bon alors György, ce 4-0 finalement assez logique t’inspire quoi ? Tristesse ? Dépit ? Frustration ?J’étais forcément triste, parce que je croyais à un match plus serré, vu notre super parcours en poules. Les Belges nous ont littéralement surpassés avec leur jeu impitoyable en première intention. Hazard et De Bruyne étaient sur un nuage ce soir-là. On n’aurait pas dû leur laisser autant de place. Il y a eu un relâchement défensif qui frisait l’intolérable. Enfin, ils sont meilleurs que nous. Ils ont mérité de gagner.
Personne n’aurait osé imaginer les Magyars premiers de leur groupe. Toi non plus, je suppose ?Pas vraiment, c’est sûr. Je comptais sur quatre points dans le meilleur des cas avec nul contre l’Autriche et victoire face à l’Islande. Là, on en a engrangé cinq et je me pinçais pour y croire. J’aurais été tout aussi satisfait si on avait fini sur trois « X » . Les quarts auraient pu être à notre portée si on avait aussi bien envisagé les Belges que les Norvégiens lors des barrages. Malheureusement, ça n’a pas été le cas.
On retient surtout ce 3-3 fou qui a enragé CR7. C’est peut-être ça la grande réussite de la Hongrie.Oui, ça se voyait qu’il était fâché ! (Rires) Faut dire que s’il n’avait pas décidé de se réveiller, on aurait battu les Portugais à l’aise. Tout tourne autour de lui, comme au Real. C’est contre-productif et ça a failli leur coûter cher face à notre collectif égal au sien. Les Autrichiens nous avaient sous-estimés et on les a mouchés. Les Islandais s’engageaient à fond et on a tenu tête. La réussite est dans l’ensemble.
D’ailleurs, le « Nemzeti 11 » rentre de France avec le plus beau but des poules. Ce bijou de Gera.
Un exemple de perfection technique et de force savamment dosée. Je ne sais pas si j’aurais fait pareil à sa place, mais ça se tentait. Il a mérité son titre, même si je suis totalement subjectif en écartant la Madjer de Ronaldo. Gera est de loin mon joueur favori. Il donne un coup de main énorme au Ferencváros et à la sélection avec ses capacités physiques hors du commun pour un type de son âge.
Puisqu’on parle de vieux, Király avait une pêche d’enfer en dépit de ses 40 piges ! Il se dit même prêt à continuer deux ou trois saisons dans son club. Tu le vois pousser jusqu’en 2018 avec la sélection ?Je suis persuadé qu’il a deux saisons dans le ventre comme « Zoli » (Gera). Il respire la sagesse et la décontraction. Les gars ont totalement confiance en lui et c’est compréhensible. Après, j’avoue que ça va être compliqué pour lui de continuer chez les A. Dibusz et Gulácsi mériteraient d’être testés pendant les éliminatoires du Mondial, histoire de voir ce qu’ils valent aux cages. L’équipe doit être renouvelée.
Dans une vidéo online du quotidien sportif Nemzeti Sport, tu affirmais que les entraîneurs étrangers n’ont rien apporté au football hongrois. La perf’ de Storck a dû bousculer ton jugement.
Tu veux mon avis ? Dárdai a lancé la dynamique et Storck l’a simplement poursuivie sans inclure de touche particulière. Voilà. Il a repris la barre et décroché la qualification face aux Norvégiens, c’est bien. Il a amené les Hongrois en huitièmes de finale de l’Euro, c’est super bien aussi. Ceux qui veulent son maintien ont raison. Voyons s’il est capable de ramener la Hongrie en Coupe du monde et on avisera.
Tu sais comme moi qu’Ádám Nagy intéresse sérieusement l’OM, Leicester, le Benfica et le Rapid de Vienne. Ça te plairait de le voir évoluer en France comme c’était ton cas avec Toulon de 1988 à 1991 ?Ádám a clairement franchi un cap. Il doit vite quitter le Ferencváros et profiter des opportunités qui se présentent. Je connais le jeu français : rapide, agressif, imaginatif. Ça lui conviendrait. Plus ardu que l’espagnol ou le hollandais selon moi. Leicester, c’est intéressant, mais trop instable. Là, ils cartonnent, mais qui te dit qu’ils ne vont pas se sauver ric-rac cette saison ? Et il ne faudrait pas qu’il signe en Autriche parce qu’il veut être près de sa petite amie qui étudie à Budapest. Tu ne bâtis pas une carrière comme ça.
Que pense l’ancien pensionnaire du MTK Budapest de l’Euro de Barnabás Bese, appelé à la toute dernière minute et de l’absence de l’attaquant Sándor Torghelle, pourtant costaud en D1 maison ?Bese s’en est plutôt bien tiré contre les Portugais, même s’il n’a pas été aligné à son véritable poste. Storck l’a placé milieu droit, alors qu’il aurait dû le mettre latéral en lieu et place de Fiola, blessé. Il s’est bien adapté à son changement d’orientation vu qu’il est passé d’attaquant à défenseur l’an dernier. Quant à « Sanyi » , ça ne servait à rien de le convoquer. Le coach avait suffisamment de bons mecs à l’avant dont Szalai ou le meilleur buteur du championnat (Dániel Böde, ndlr), très peu sollicité au final.
Beaucoup d’observateurs jugent que Dzsudzsák a été le meilleur Magyar du tournoi. Vrai ou faux ?Il a mis son doublé et apporté sa contribution au jeu d’équipe. Donc oui, il a été bon, mais pas autant que Király, Nagy ou Kádár. Balázs sait tirer, mais peine à conserver la balle. Sa carrière est une succession de mauvais choix entre la Russie et la Turquie. S’il est allé là-bas pour le fric, tant mieux pour lui ! En attendant, tout le monde ou presque l’a oublié en Europe de l’Ouest. Plutôt triste.
Faudra-t-il patienter trente ans avant de retrouver des Hongrois capables de surprendre l’Europe ? Comme tes potes et toi, qu’on présentait comme les possibles héritiers de L’Équipe d’or de Puskás ?En 1986, on s’est fait taper d’entrée par des gars largement au-dessus de nous comme le trio Platini-Tigana-Giresse ou les Soviétiques du Dynamo Kiev genre Zavarov, Yakovenko, Belanov. Des monstres. En 2016, on n’a pas été aussi mauvais qu’on aurait pu le penser, même avec des opposants plus faibles. Et en plus, la route vers le Mondial 2018 n’est pas si tortueuse. Le Portugal et la Suisse sont prenables compte tenu de leurs difficultés à l’Euro. J’ose espérer qu’on ne devra pas poireauter aussi longtemps !
Propos recueillis par Joël Le Pavous